Valentine Nagata-Ramos nous parle d’etre breakeur, choreographeuse et la danse

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Valentine Nagata-Ramos vient en Australie pour le festival OzAsia où elle dansera dans le spectacle Kata et mènera un cours de maitre « Hip Hop from Paris ». On lui a parlé des roles de la danse et le break dans sa vie.

Parlez-nous du spectacle et de votre rôle dans Kata qui vient au festival OzAsia à Adelaide en Australie méridionale.

Kata est un spectacle d’une heure pour 8 breakeurs. Je suis le seul personnage féminin dans la pièce (sauf s’il y a un remplacement).

C’est un spectacle qui interroge sur les similitudes qu’il pourrait y avoir entre le Breakdance et les arts martiaux.

Le breakdance comme un art martial évoluant dans la ville, en défense contre toutes ces agressions urbaines.

J’y incarne un personnage vaillant et sensible, se démenant tant bien que mal face à ces hommes comme à l’image du monde du breakdance.

 

Parlez-nous aussi de vos cours de maitre « Hip Hop from Paris ». Dans ce cours de maitre spécial, vous allez partager vos styles de breakdance unique, y compris ceux qu’on voit dans le spectacle Kata qui fait partie aussi du festival OzAsia 2019. Comment est-ce que votre style de danse est-il diffèrent de la chorégraphie élaborée par Anna Nguyen?

Durant la masterclass, je compte introduire les fondamentaux du Breakdance de façon ludique au grand public (Toprocks, Footworks, Freezes…), pour qu’ensuite les participants puissent s’emparer de ces mouvements pour en construire quelque chose (des phrases/connexions) de plus personnel.

Un travail de musicalité sera bien évidemment de mise car l’écoute musicale et l’éxécution des mouvements basiques de Breakdance sont en corrélation.

Cela finira par un atelier pour  faire travailler la créativité de chacun dans de petits groupes ( trouver des kata, trouver des avatars de soi-meme ) en clin d’œil au spectacle Kata.

Normalement, chaque danseur, malgré le vocabulaire commun, doit avoir sa propre danse, sa propre façon de se mouvoir. C’est typique du Breakdance. Si on ressemble à, on est beaucoup moins crédible. Cette danse est une affirmation de soi. Chacun est bien différent de l’autre, physiquement, psychologiquement.

Nous avons longtemps été comparées avec Anne Nguyen, mais en travaillant ensemble, nous avons bien compris que nous n’avions pas la même énergie.

Anne est souple est fluide, moi je suis plutôt à l’inverse d’elle dans mes mouvements. Et même si notre danse a des similitudes, je trouve que Anne est plus aérienne que moi.

Nous avons chacune nos formations, nos influences, et Anne sait utiliser les qualités de chaque danseur dans ses pièces sans pour autant nous demander de danser comme elle, et pour moi, elle a bien compris l’état d’esprit du hip-hop.

 

 

Vous avez fondé votre propre compagnie de danse, nommée Uzumaki. Parlez-nous de cette compagnie et de comment et pourquoi vous l’avez fondée. Aussi, que signifie le nom Uzumaki? Etant un mot japonais, avez-vous un lien fort avec la culture japonaise?

J’ai monté ma Cie en 2011, pour pouvoir tout simplement créer de par moi-même, avec mes propres idées.

Ayant travaillé pour beaucoup d’autres compagnies, j’ai eu envie d’ouvrir une fenêtre sur mon monde chorégraphique.

Etre interprète pour d’autres chorégraphes m’a beaucoup appris sur moi, ma danse, l’interprétation, mais chorégraphier, défendre mes idées, pousser à des endroits où je n’ai pu encore aller, me paraissait évident.

J’ai pu donc créer un solo en 2011 : SADAKO ( inspiré d’une histoire vraie japonaise de Sadako Sasaki ayant vécu la bombe d’Hiroshima. J’y évolue avec un origami géant tout en dansant le Breakdance et le Butoh ), puis un duo en 2014 : JE suis TOI (duo de break traitant du thème de l’ombre ) et d’un quatuor  en 2018 : #MMIBTY (My Mom Is Better Than Yours) où j’ai voulu mettre en avant le Voguing et le Bboying sur le thème de la mère.

Pour le moment, j’aime créer toujours avec la base de Breakdance (ma danse de prédilection) que j’essaie de mettre dans une autre énergie (au ralenti ou sur une musique ternaire… J’aime casser les codes de cette danse, cela m’amuse et me surprend).

Je viens petit à petit à travailler avec d’autres disciplines comme des musiciens/compositeurs en live ou du Voguing comme dans ma dernière pièce…

Ca m’ouvre un autre champ de perspective et c’est un vrai challenge de pouvoir l’adapter correctement au Breakdance.

Uzumaki veut dire tourbillon en japonais. Tourbillon comme quand on tourne sur la tête quand on fait des headspin, mais aussi le tourbillon est ce cercle dans lequel on évolue en Breakdance, c’est un mouvement planétaire universel, c’est même un mouvement vital. C’est aussi dans le centre de ce tourbillon que l’on y trouve du concentré.

Voilà ce à quoi j’aspire finalement, comme dans mon métissage Hispano-japonais.

Aller vers ce concentré en prenant de l’inspiration et du savoir partout autour…

Je suis en effet inspirée par la culture japonaise et je pense qu’on le retrouve dans mes pièces. Ceci étant, ce n’est pas forcément conscient ou forcément voulu, je pense que c’est tout simplement une partie de moi qui s’exprime comme cela.

 

Vous avez dansée parmi des grands noms, y compris le groupe de danse MTV, Black Blanc Beur, Montalvo/Hervieu, 6° Dimension, Fantastik Armada. Jusqu’à la, quel a été le point culminant de votre carrière?

J’ai vécu de belles choses avec toutes ces compagnies ou crew.

Vivre des battles nationaux ou internationaux au début de ma carrière de Bgirl, a été primordial dans ma formation technique, j’ai pu m’affirmer grâce à cela.

Faire des émissions TV avec MTV dance crew m’a permis de voir et d’expérimenter ce milieu un peu plus commercial.

Interpréter dans les créations de Black Blanc Beur, 6eme dimension, Montavo/Hervieu et d’autres m’a  vraiment  permis de me connaître dans toutes sortes de contextes et d’apprendre le jeu scénique. J’apprends toujours aussi en audition aujourd’hui et je trouve que c’est  chouette de toujours sentir son  évolution.

Si on parle de point culminant physique, je dirais que le top fut quand j’avais entre 26 et 32 ans.

Je pouvais enchainer battles, spectacles, tournées sans pauses.

Aujourd’hui le corps est un peu plus fatigué, mais c’est la tête qui travaille.

C’est surement mieux pour le corps…

 

Semblablement, y a-t’il quelqu’un avec lequel vous rêvez de collaborer?

J’aimerais collaborer avec des musiciens, des danseurs d’autres horizons, des comédiens, des réalisateurs… Tout !

J’aime les gens passionnés et vrais, ça m’inspire et je pense que si on trouve un terrain d’entente commun et des inspirations et aspirations communes on peut faire et créer de belles choses.

Tout est une question de temps, de rencontres et de moyens aussi…

 

Vous avez déjà travaillé avec Anne Nguyen dans Square Root et Yonder Woman. Comment est-ce que vous vous êtes rencontrées?

Anne et moi avions l’habitude de nous rencontrer en battles à l’époque ( 2000 >2005 ), nous étions dans des groupes rivaux. Nous étions aussi les 2 filles que les gens aimaient comparer, de par notre physique ressemblant entre autre, et nous n’aimions pas ça.

On a pu travailler aussi ensemble dans Black Blanc Beur.

Mais notre vraie rencontre s’est faite quand Anne m’a appelée pour la remplacer dans Square Root. J’ai vraiment pu découvrir une part d’elle que je ne connaissais pas.

En battle, on montre un facette, on frime… En création, on ne peut pas se cacher, on est obligé d’être sincère et honnête face au public, sinon ça n’accroche pas.

Anne en m’engageant dans sa compagnie m’a ouvert son cœur et son esprit. J’en suis contente, elle m’a beaucoup appris.

 

Est-ce que vous voyez la danse différemment après l’avoir en tant que danseuse et aussi chorégraphe?

Bien sur !

On n’imagine pas la danse de la même façon en tant que danseur et chorégraphe.

Etre danseur c’est être dans le ressenti, la sensation, l’exécution même des fois. On laisse parler le corps avec des mouvements, on est dans la physicalité. On obéit aussi…

Etre chorégraphe c’est un ressenti beaucoup plus global. On prend en compte la technique du mouvement mais aussi on analyse ce qu’il peut dire dans son ensemble. On cherche du sens. On met en scène. C’est aussi prendre en compte beaucoup plus de choses, les interprètes, les idées, les hors sujets aussi. L’œil est plus affuté quand on est à cette place.

J’adore par exemple en période de création,  voir comment mon équipe comprend mes idées. Le challenge est de les ramener dans mon univers et de leur faire comprendre mon monde pour qu’eux aussi me proposent de leur réflexion. C’est un aller retour de pensées qui sont autant enrichissantes pour moi que pour les danseurs je pense…

 

Depuis quand et comment est-ce que vous avez voulu être danseuse? Avez-vous pris des cours de danse en tant qu’enfant?

Je pense que de vivre de la danse m’est venu à l’esprit vers mes 20/21 ans, voyant que je passais énormément de temps aux entrainements. J’avais plus envie d’aller m’entrainer que de suivre mes cours à la Fac de Psychologie, alors j’ai pris mon courage à 2 mains pour quitter ma province du Sud-Est et de monter sur Paris pour progresser et passer des auditions.

Une fois acceptée dans la Cie Black Blanc beur, le contrat sous la main mais le doute en tête de devoir mettre de côté mes études, je me suis décidée parce que je ne voulais pas à 30 ans me dire que j’avais des regrets et d’être frustrée de ne pas avoir essayé.

Depuis, je danse… Sans frustration… Pleinement… Ne sachant pas vraiment quel sera mon futur.

Demain tout peut basculer et c’est pour cela que je profite toujours au présent.

Depuis  petite j’ai essayé pleins de danses mais sans pousser : 1an de classique, 1 an de contemporain, 1 an de jazz, 1 an de danse en couple, danse Africaine… Mais le coup de foudre s’est opéré fin 1998 en découvrant le Hip hop.

 

Qu’est-ce que c’est pour vous la danse?

La danse est une introspection de soi même : Dans e : Dans moi Dans toi

Grâce mon corps, mon esprit parle. C’est une forme de langage. Je m’exprime grâce à mon vocabulaire dansé. J’y crie, j’y pleure, j’y rie.

Mon corps bouge sur cette musique, instinctivement. Tu y vois du moi, du toi, du nous.

Tout le monde sait danser.

Pas tout le monde  n’assume son soi profond donc beaucoup de gens ont peur de danser à cause de ça… Ca a un rapport avec l’amour. S’aimer c’est s’accepter, s’accepter c’est pouvoir danser. Danser c’est aussi lâcher prise.

Ma danse c’est comme une thérapie. Elle me fait transpirer, elle me fait sortir mes toxines, mon mal-être.

Elle me fait mal, elle me fait me sentir vivante.

Elle me fait réfléchir aussi, elle me permet de me connaître, connaître mes limites, mes faiblesses, mes forces.

Danser c’est une liberté.

 

INFOS ET BILLETS

Vous pouvez voir Valentine Nagata-Ramos dans le spectacle de danse Kata au festival OzAsia. Kata n’aura que 3 seances: à 11h et à 19h30 le 17 octobre et à 19h30 le 18 octobre. Les billets adultes coûtent $45.

Les billets sont en vente par ce lien: https://www.ozasiafestival.com.au/events/kata/

Le cours de maitre « Hip Hop from Paris » aura lieu le 16 octobre a 14h. Vous pouvez réserver votre place par ce lien: https://www.ozasiafestival.com.au/events/dance-masterclasses/

 

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Matilda Marseillaise

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