Une affaire d’honneur est un film sur l’honneur, la vengeance et la lutte pour les droits des femmes

Une affaire d'honneur
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Situé en 1887, Une affaire d’honneur montre essentiellement une série de quatre duels, dont le premier est déclenché par un acte idiot de bravade d’un jeune homme et qui se poursuit en cascade, au fur et à mesure que l’ego, la réputation et l’honneur de chacun se mêlent à l’autre. Le film montre que ces duels étaient encore monnaie courante en France (au point d’avoir un « tribunal d’honneur »), même s’ils étaient tout à fait illégaux.

Une affaire d'honneur

Le film se déroule dans le contexte d’une France qui se souvient d’une guerre dans laquelle beaucoup d’hommes ont été perdus et certains qui sont revenus vivants ont été changés à jamais (nous supposons que c’est la guerre franco-prussienne étant donné l’année où se déroule le film). Très tôt, nous sommes présentés au maître d’épée Clément (Roschdy Zem, L’Innocent, and Les Enfants des autres, AFFFF 2023) qui est clairement un homme hanté par la guerre. Clément est un maître d’armes très vénéré et un professeur d’escrime respecté, basé au club d’escrime dirigé par Adolphe Tavernier (Guillaume Gallienne, Yves Saint Laurent, et Me, Myself and Mum, AFFFF 2014) (qui est basé sur une personne réelle). Le monde de l’escrime à cette époque est montré à la fois comme une forme d’art élégante, proche de la danse, nécessitant beaucoup d’habileté et d’intelligence, et comme un monde plein d’ego et de machisme, d’hommes bourrus et en sueur gonflant leur poitrine, fumant la pipe et proférant de la misogynie.

 

Parallèlement, nous faisons la connaissance de Marie-Rose Astié de Valsayre (Doria Tiller, (La Belle Époque, AFFFF 2021), militante des droits de la femme, qui se bat pour le droit de vote des femmes, l’égalité des salaires, le droit de porter des pantalons quand elles le souhaitent (pas seulement à vélo ou à cheval), et surtout pour que les hommes les respectent et aient le droit de défendre leur propre honneur. Comme vous pouvez l’imaginer, la majorité des hommes ne l’aiment pas et la considèrent comme une folle. Dégoûtée par ce que Le Petit Journal (oui, il existait à l’époque !) a publié sur elle, elle provoque en duel M. Massat (Damien Bonnard, Les misérables, AFFFF 2019) du journal. Lui et la bande de machos qui l’entourent rient et se moquent car, avec beaucoup de bravoure, il refuse en disant qu’il ne peut pas se battre contre une femme. Elle lui dit qu’elle n’a pas peur de se battre en duel et pense qu’il n’accepte pas parce qu’il a peur d’une femme.

une affaire d'honneur. The Edge of the blade. (c) Guy Ferrandis Gaumont France 2 Cinéma
(c) Guy Ferrandis Gaumont France 2 Cinéma

Pour un film basé sur l’histoire d’une personne réelle, on aurait espéré que l’histoire de Marie-Rose Astié de Valsayre soit plus présente dans le film. La majeure partie du film est consacrée à Clément et à la série de duels qui l’entourent, et bien qu’il soit le fil conducteur, on nous donne des bribes de la vie d’autres personnages, qui ne sont jamais étoffées ou qui ne sont que des répliques dont on ne reparlera jamais. Par exemple, au début du film, nous apprenons qu’Astié souhaite créer sa propre école d’escrime pour les femmes, mais nous ne savons pas si elle y parvient (spoiler, dans la vraie vie, elle y parvient). Ironiquement, au vu de son histoire et de son personnage, il semble que l’écart salarial s’applique également au temps passé à l’écran et au storyboard. Ceci étant dit, Une affaire d’honneur reste un très bon film, mais nous aurions aimé voir plus de son histoire, pour rendre l’histoire plus équilibrée.

 

Une affaire d’honneur est réalisé par Vincent Perez (Seul dans Berlin, 2016), qui l’a coécrit avec sa femme Karine Silla (c’est le troisième film qu’ils scénarisent ensemble). Perez apparaît également dans le film dans le rôle de Louis Berchère, le méchant colonel de l’armée qui apparaît comme assoiffé de sang, toujours à la recherche de la mort (les duels, étonnamment, peuvent avoir beaucoup de règles et de stipulations, pas nécessairement à mort, en fait, si l’on en croit le film, le duel à mort était l’exception plutôt que la règle) et n’étant jamais du genre à accepter une reddition. Pour un film qui traite principalement d’une série de duels, Une affaire d’honneur a été si bien écrit et réalisé qu’il maintient l’attention du spectateur.

 

Les lieux où se déroulent les duels ont une grande atmosphère et sont visuellement très attrayants. Qu’il s’agisse d’un espace vert entouré de murs de pierre couverts de mousse ou d’un grand hangar dans une ferme, ces lieux font que chaque duel est visuellement différent, et pas seulement en raison des participants ou de l’arme choisie. On pourrait penser qu’un duel dans un hangar de ferme est un lieu un peu étrange, mais quand on sait que les duels étaient techniquement illégaux, si vous essayez d’en organiser un et que vous avez un ami qui possède une ferme au milieu de nulle part, c’est un endroit de choix.

 

Le casting était excellent et tout le monde a bien interprété son personnage. Nous n’avons pas beaucoup vu Doria Tiller avant Une affaire d’honneur et, au vu de sa performance, nous aimerions voir ses autres films. Roschdy Zem continue à jouer des rôles variés. C’était un plaisir de voir Guillaume Gallienne après une longue période sans le voir à l’écran en Australie.

Une affaire d'honneur/ The Edge of the Blade Guillaume Galliene and Roschdy Zem (c) Guy Ferrandis Gaumont France 2 Cinéma
Guillaume Galliene et Roschdy Zem (c) Guy Ferrandis Gaumont France 2 Cinéma

Sans la dévoiler, la scène finale d’Une affaire d’honneur est assez étrange. Elle semble se terminer brusquement, comme si elle avait été coupée et que quelque chose avait été oublié au montage. Oui, l’histoire principale a atteint sa fin (à part les notes qui apparaissent à l’écran à la suite), et bien que la fin soit abrupte, la scène elle-même s’éternise de manière inconfortable. La scène finale donne l’impression d’être au ralenti et de ne jamais se terminer, sans que personne ne réagisse vraiment à quoi que ce soit. On a l’impression que le choix de la fin était étrange. Heureusement, cela ne nuit pas à l’ensemble du film, mais constitue plutôt un commentaire sur le choix étrange fait par le réalisateur.

 

Une affaire d’honneur s’inscrit parfaitement dans la lignée des deux films Les Trois Mousquetaires (également présents cette année à l’Alliance Française French Film Festival), qui font la part belle à l’escrime, aux combats à l’épée et aux duels.

 

Une affaire d’honneur est un bon film qui nous a scotchés à l’écran même s’il s’agit essentiellement d’une série de duels. Nous avons eu envie de voir le gentil (ou la gentille) gagner et nous nous sommes demandé si les protagonistes allaient atteindre leurs objectifs. Que vous aimiez les combats à l’épée ou les droits des femmes, vous trouverez dans Une affaire d’honneur quelque chose qui vous plaira.

4 CROISSANTS

Matilda Marseillaise a regardé un screener du film Une affaire d’honneur

 

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