Nommé pour 11 César et 5 Oscars, Anatomie d’une chute de Justine Triet, lauréat de la Palme d’or, est enfin sorti dans les cinémas australiens cette semaine, le 25 janvier 2024. Nous attendions impatiemment sa sortie depuis ses débuts au Festival de Cannes 2023.
Anatomie d’une chute s’ouvre sur Sandra (Sandra Hüller, Sibyl (2018) et Proxima, Alliance Française French Film Festival 2020), une auteure, interviewée par Zoé (Camille Rutherford, Felicita, Brisbane International Film Festival 2022, Simone : femme du siècle, JIFF 2023, et After Blue, Fantastic Film Festival 2022), une étudiante en thèse dans un chalet alors qu’une musique de plus en plus forte et martelante provient de l’étage. Elles ont de plus en plus de mal à s’entendre et mettent fin à l’entretien. L’étudiante part, Sandra monte à l’étage. Son fils Daniel Maleski (Milo Machado-Graner), malvoyant, promène le chien. À son retour, il trouve son père, Samuel (Samuel Theis), mort et ensanglanté devant le chalet. Il appelle sa mère à grands cris.
La police ne tarde pas à l’accuser du meurtre, ce qu’elle nie. La police déclare qu’il a été frappé à la tête avec un objet contondant avant de tomber, mais aucune arme n’a été retrouvée. Des questions se posent quant à la chronologie des souvenirs. On se souvient maintenant de choses qui pourraient être importantes et dont on ne se souvenait pas le jour de la mort de Samuel. Le moment semble trop bien choisi par la police. Sandra, une Allemande vivant en France, est contrainte de faire la reconstitution policière en français, de ne parler français à son fils qu’en présence de la personne chargée par le tribunal de protéger le témoignage de Daniel.
Elle appelle le seul avocat qu’elle connaisse, Vincent (Swann Arlaud, Perdrix et Les hirondelles de Kaboul, Alliance Française Festival du Film Français 2020), un ami d’il y a des années. Il est clair qu’ils ont un passé ensemble, bien que l’on ne sache pas exactement de quoi il s’agit. Tout au long du film, on se demande s’ils ne vont pas dépasser les limites au cours du procès. Les avocats sont formés à ne pas représenter la famille et les amis, et cela semble être une pente potentiellement glissante, une autre chute en attente de se produire.
Ce qui suit est une dissection intime et confrontante des moindres détails de sa relation avec son mari devant le tribunal. Oui, ils se sont disputés, mais cela signifie-t-il que l’une des parties va assassiner l’autre ? Comme le dit Sandra dans le film : «Parfois, un couple, c’est une sorte de chaos et tout le monde est perdu. Et parfois, on se bat ensemble, parfois seuls, et parfois, l’un contre l’autre, ça arrive.» Ce n’est pas parce qu’un couple se dispute que l’un des deux va tuer l’autre.
Tout au long d’Anatomie d’une chute, nous ne cessons de nous demander si elle l’a fait, si elle ne l’a pas fait. Et même lorsque nous sommes convaincus d’une manière ou d’une autre, nous sommes bientôt complètement ébranlés. En fin de compte, Anatomie d’une chute ne porte pas sur la question de savoir si Sandra a tué ou non son mari Samuel, mais plutôt sur leur relation et sur toutes les relations humaines. Imaginez que vos actions d’aujourd’hui soient analysées en détail sans que l’autre partie puisse confirmer ou infirmer les inférences qui en sont tirées. La réalisatrice Triet explique qu’elle a voulu écrire un film sur «[c]ette femme libre qui est finalement jugée aussi pour la façon qu’elle a de vivre sa sexualité, son travail, sa maternité.»
Le film ne traite pas seulement du procès, mais aussi des expériences et du point de vue de leur fils, Daniel, qui passe d’une confiance totale en sa mère à des doutes. Triet déclare : «Dans mes précédents films, les enfants étaient présents, mais n’avaient pas la parole, ils étaient là ; mais on n’avait pas leur point de vue. C’est comme si le moment était venu d’intégrer le regard de l’enfant au récit, de le mettre en balance avec celui de Sandra, le personnage central.»
Milo Machado-Graner a impressionné dans le rôle de Daniel et a été nommé pour le prix de la révélation masculine au César 2024 pour son interprétation dans ce rôle. Mme Triet et son équipe de casting «a d’abord fait quatre mois de casting d’enfants malvoyants, puis comme on ne trouvait pas, on a ouvert aux enfants voyants encore trois mois supplémentaires avant de tomber sur Milo. C’est Jill Gagé (en renfort casting) qui l’a trouvé. Il a tout suite été impressionnant, comme s’il ne jouait pas.»
De même, Sandra Hüller a été nommée au César de la meilleure actrice pour son rôle dans ce film. On comprend pourquoi. Son interprétation est passionnante, complexe et inébranlable. Swann Arlaud pour son rôle de Vincent est nommé au César du meilleur second rôle. Antoine Reinartz (120 BPM, Alliance Française French Film Festival 2018 et Roubaix, une lumière, l’Alliance Française French Film Festival 2019) qui joue le rôle de l’avocat général, a également été nommé pour le meilleur acteur dans un second rôle au César. Si le niveau d’aversion que j’avais pour lui pendant et à la fin du procès est une mesure du réalisme de son interprétation du rôle, alors je dirais que c’est une nomination bien méritée.
Anatomie d’une chute offre également une représentation intéressante d’un procès pour meurtre en France, dans le système inquisitoire, qui présente des différences marquées par rapport au système accusatoire auquel le public australien et la plupart des anglophones sont habitués. Dans le but d’écrire un scénario aussi réaliste que possible, Triet et son coscénariste Arthur Harari ont consulté un avocat pénaliste, Vincent Courcelle-Labrousse. Il est particulièrement étrange pour le public australien de voir l’avocat général (Antoine Reinartz) passer de la réponse d’un témoin à une question posée à l’accusée, puis revenir à ce même témoin. Tout cela sans que l’accusée ne se soit déplacée à la barre des témoins. Il est également étrange de constater que les témoins français ne sont pas assis à côté du juge, mais au centre de la salle d’audience, livrant leur témoignage debout.
Un autre élément qui pourrait surprendre les spectateurs australiens est la décision de la cour de demander à Marge ((Jehnny Beth) Les Olympiades, Alliance Française Festival du Film Français 2022), une personne nommée par la cour, de visiter régulièrement le chalet dans lequel Sandra et Daniel vivent. Elle est là pour protéger le témoignage de Daniel et elle oblige Sandra à ne communiquer qu’en français, au lieu de son anglais habituel, en sa présence. On n’envie pas Marge de se retrouver dans le rôle inconfortable d’essayer d’empêcher les conversations sur le procès.
Le film dure 2 heures 40, mais Triet a si parfaitement construit Anatomie d’une chute qu’il ne semble pas si long que cela. Pour un film qui se déroule entre la salle d’audience et le chalet, le scénario est ce qui réussit à captiver complètement le public, sans qu’il ne s’ennuie devant le manque de variété visuelle. Nous sommes suspendus à chaque question et à chaque réponse du procès.
Justine Triet a conçu un film à la tension parfaite. Nous vous recommandons vivement de voir Anatomie d’une chute pour comprendre pourquoi il a remporté des prix dans le monde entier. Il est nommé pour un nombre impressionnant de 11 prix aux prochains César en France, ainsi que pour 5 Oscars et nous pensons qu’il pourrait bien gagner dans plusieurs de ces catégories.
5 CROISSANTS
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