MUSIC: Interview avec Abby Dobson de Baby et Lulu

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Vous êtes “Baby” de Baby et Lulu. Qui sont Baby et Lulu?

Je suis Baby. Lara Goodridge est Lulu.

 

Mais vos personnages?

Je suppose que nous prenons une facette de nos propres personnalités. Peut-être exagère-t-on une facette de nos personnalités. Mais nous restons nous-mêmes. Bien sûr qu’on fait semblant d’être française alors que l’on ne l’est pas, donc dans ce sens-là on feigne quelque chose qui n’est pas de nous. Mais je crois que nos personnalités restent les mêmes. Honnêtement, je ne sais pas. On monte sur scène et c’est un spectacle non-scénarisé. On s’amuse beaucoup ensemble.

 

C’est amusant de le regarder aussi.

On a cet orchestre avec lequel on joue. C’est vraiment le plaisir pour Lara et moi. Je veux dire qu’on a commencé ce groupe parce qu’on adore la langue française et chanter en harmonie. Nous sommes devenues de bonnes amies en travaillant ensemble.

 

Elle avait une maison de disque, qui s’appelait Craving Records et j’ai sorti un disque avec sa maison. Comme ça on est devenue de très bonnes amies. Nous avons le même sens du ridicule et je pense que cet aspect est incorporé dans le répertoire de Baby et Lulu. On s’est revue à Paris quand j’y habitais et on s’est rendu compte qu’on aimait toutes les deux la langue française et on ne le savait pas à propos de l’autre avant. On a pensé “ça serait génial de faire une chanson ensemble un jour” On n’avait jamais joué de la musique ensemble même si Lara est une musicienne très belle, une violoniste.

 

Quelques mois plus tard quand on s’est retrouvées à Sydney, Lara organisait une fête avec son partenaire et il lui avait dit “pourquoi ne pas faire une chanson avec Abby à la fête?” Donc on a fait une chanson du recueil des chansons qu’elle avait acheté le matin qu’on s’est vues à Paris. On a trouvé un accordéoniste, on s’est tenus début sur des caisses de lait à cette fête et on a chanté en harmonie en français. Cela nous a coupé le souffle. Même en récitant, tout un coup c’est devenue évident que c’était complètement charmant l’un pour l’autre. «Mon Dieu! C’est le plus content que je crois que je puisse être : en harmonie, en français».

 

C’était quelle chanson?

Cette chanson c’était “Les Baisers”, qu’on avait enregistré sur notre premier album. On s’est tellement amusé3 qu’on s’est dit «pourquoi ne pas faire un spectacle. On va faire un groupe et faire ce truc français pour que ça soit fait». Donc on a trouvé des très bons musiciens et on a créé un répertoire pendant un temps. Cela a pris du temps. C’était un énorme succès et tout le monde l’adorait et on l’adorait. Donc on continuait de faire ces spectacles parce qu’on adorait les faire.

C’était quand votre premier spectacle?

En 2010 sans doute.

 

Alors vous avez fait ce premier spectacle qui fût très bien reçu et donc vous avait décidé de faire quelques spectacles de plus…

On a décidé de faire quelques un de plus parce qu’on s’est bien amusées et que l’on avait déjà le groupe et que tout le monde connaissait la musique. C’est comme cela que le spectacle est devenu de plus en plus célèbre. Personne ne voulait rentrer chez lui à la fin du spectacle et on était surprises que les gens viennent même s’ils ne comprenaient pas ce que l’on chantait. On ne savait pas qu’il y avait autant de francophiles à Sydney à l’époque. Et puis les français ont commencé à participer aux spectacles. Cela nous terrifiait! On pensait qu’ils allaient nous montrer du doigt et rigoler et croire qu’on était des créatures ridicules!

 

Mais des français viennent nous parler à la fin du spectacle dans lequel on chante couramment un français poétique, magnifique alors que j’ai du mal à les comprendre. Je leur dit «pouvez-vous répéter plus lentement s’il vous plaît», «Pardon?» Je ne le parle pas aussi couramment que j’aimerais.

 

Dans votre bio sur le site web du Baby et Lulu, il est écrit que votre amour de la musique française a suivi votre amour de la langue, la nourriture et la sensualité françaises. Quand est-ce que cet amour a commencé?

C’est ma tante fabuleuse, Margie, qui était comme une rock star pour moi en grandissant. Elle parlait français, elle avait pris le Concorde et est allée à Genève. Elle rentrait avec des chocolats suisses formidables. Elle savait parler français et avait ces cassettes “Apprendre à parler le français” dans sa voiture; c’était incroyable pour moi. J’étais charmée par elle dès mon plus jeune âge et par la langue française et j’avais compris que «cette langue est un portail à tous ces choses délicieuses.»

Il y avait une pâtisserie française près d’où j’ai grandi qui était gérée par des français. Je les trouvais hors du commun et j’étais excitée à l’idée de leur dire «Bonjour» et d’acheter toutes ces choses tellement délicieuses.

 

Vous avez grandi où?

Du côté nord de Sydney.

Puis j’ai appris le français à l’école à cause de ma fascination de jeunesse. Ensuite je l’ai étudié au lycée et je l’adorais. A chaque fois que je buvais aux fêtes je parlais en français. Malheureusement je n’avais pas eu le droit de boire un coup avant mon examen oral de français!

Quand j’ai terminé le lycée, j’ai voyagé. Je ne savais pas ce que je voulais faire. J’étais un peu perdue. Mais j’avais étudié le français, l’Art et l’italien au lycée mais cela ne me menait pas à quelque chose de concret. Je voulais voyager et aller au Louvre donc je suis allée à Paris avec Dean Manning quelques années après le lycée. On a commencé à jouer de la musique, au début en Grèce – on y était quelques mois – avant d’aller à Paris où on jouait dans des bars à Paris. Après, j’y suis retournée à chaque occasion, tous les 5 ans à peu près. Je n’ai pas voyagé en Asie du Sud-Est comme tous les autres.

 

Votre deuxième album, avec le titre juste «Album Deux» contient des chansons que vous avez écrit tous les deux en français. Que sont les défis d’écrire la musique dans une deuxième langue?

Euh, les défis sont, je suppose le défi c’est qu’on voulait être sûr de bien communiquer le sentiment. Le fait de ne pas avoir la subtilité de nuance a fait que j’étais prudente parce que je ne voulais pas foutre la merde dans la langue ni mal faire. Mais d’une certaine façon, le défi des limites de mon vocabulaire et les tournures de phrase dans l’écriture était une expérience libératrice parce qu’en anglais quand on veut dire quelque chose, il y a tellement de façons pour le dire, mais pour moi, en français je ne connais que quelques façons d’exprimer ce que je veux dire. On a demandé aux amis français de corriger nos compositions avant de les enregistrer, ce qui aidait beaucoup aussi.

 

Le défi c’est que ce n’est pas de la traduction directe. Dans une conversation, les gens sont beaucoup plus indulgents si je ne suis pas aussi poétique qu’une française. Mais on ne veut pas renoncer à la poésie pour autant. On ne veut pas que ça soit prosaïque. Donc d’avoir le bon placement des mots, comme dans toutes les chansons. On veut que les mots soient dans le bon ordre, même en anglais.  Vous savez l’ordre des choses et où on veut mettre l’accent. C’est difficile d’écrire des chansons. Je ne sais pas comment les gens le font! C’est mystérieux et magique pour moi!

 

Une de mes chansons favorites, que j’ai entendue la première fois à votre spectacle au Trinity Church à Adélaïde il y a quelques années c’est “Adieu”. La première fois que je l’ai entendue j’avais les larmes qui ruisselaient sur mes joues et cela m’arrive encore quand je l’écoute. C’est une chanson tellement belle et j’espérais que vous alliez pouvoir m’en dire plus sur cette chanson et sur son histoire.

Merci beaucoup pour cela. Je suis vraiment contente que vous ayez été émue. Je suppose que l’idée de la chanson – c’était après une année très difficile que j’avais vécue dans laquelle quelques personnes que j’aimais étaient décédées. Une d’elles était ma tante dont je vous ai parlé avant. Je suppose que c’était l’idée de ne pas vouloir dire adieu. Vous savez qu’en anglais nous ne faisons pas la distinction entre les «goodbye». Mais en français «au revoir» signifie «jusqu’à la prochaine fois qu’on se voit» mais «adieu» c’est final.

 

Donc la chanson parlait de ne pas vouloir le dire même si tous les signes sont là – les saisons, les oiseaux qui volent vers le sud, les feuilles qui tombent. Vous savez qu’il est temps de les lâcher, vous savez que toutes les choses ont leur saison. C’était un peu ça.

 

Mais oui, je crois que c’est universel. Tout le monde connait ce crève-cœur donc ça arrive qu’on ait des gens qui pleurent. Mais moi aussi. Je suis émue quand je la chante.

 

C’est une de ces chansons. On avait déjà prévu le studio pour enregistrer l’album et Lara avait déjà écrit quelques chansons et elle me disait «tu devrais en avoir quelques-unes aussi». Je n’en n’avais seulement écrit qu’une à ce point-là. J’avais été obligé de déménager de chez moi donc je n’avais pas de maison – je gardais des maisons des autres toutes les semaines – c’était stressant surtout après cette année affreuse. Donc j’ai écrit la mélodie sur le piano d’une maison que je gardais et je suis arrivée au studio le premier matin où on allait enregistrer des chansons et on savait déjà lesquelles. Mais on avait rendez-vous à ce studio coûteux et j’ai dit «j’ai peut-être quelque chose». J’ai joué ce que j’avais déjà écrit pour Lara sans vraiment beaucoup de paroles et elle me disait «Fais-la! Fais-la! Fais-la!» Donc j’ai écrit la chanson pendant qu’on enregistrait d’autres chansons. Merci. Je suis contente que ça ait marché.

 

C’est sûr. J’ai la même réaction à chaque fois!

En fait c’est très difficile de la chanter. Je ne sais pas pourquoi mais même pas seulement émotionnellement. Il y a l’émotion mais aussi la diversité tonale Pour une raison ou pour une autre ça s’accroche à ma voix.  A chaque fois, je pense «ça va être difficile à chanter! » à cause de la diversité tonale. Mais de toute façon vous n’avez pas besoin de le savoir!

 

De toute façon, vous ne montrez pas que vous avez des difficultés pour la chanter. Quelle est votre chanson française favorite?

En ce moment, ça doit être “Je suis venu te dire”. J’adore le faire en live. C’est très subtil mais l’orchestre la joue d’une façon tellement belle et j’adore l’arrangement. Lara et moi, on chante en harmonie du début à la fin. Lara est une harmoniste magnifique. Cela a toute la passion et la mélancolie et l’intensité mais d’une façon maitrisée. Je ne sais pas pourquoi mais je l’adore. C’est une chanson de Serge Gainsbourg. Rufus Wainwright a fait une version belle pour l’album de Lulu Gainsbourg. Lulu, le fils de Serge lui avait demandé de la faire et c’est là qu’on l’avait entendue pour la première fois. En fait, c’est difficile de trouver une chanson de Serge Gainsbourg, qui se prête à notre style, même s’il était prolifique.

Quelle est la chanson favorite que vous et Lara ont écrite?

Il y a une chanson que Lara et Julian, notre guitariste ont écrit. “Tout est fait”. J’adore cette chanson. C’est le titre 10 de «Album Deux». On ne la chante pas tout le temps parce que c’est difficile à chanter et j’ai eu quelques problèmes vocaux donc j’évite quelques chansons pendant que ma guérison. Mais c’est une chanson que j’adore. Je n’écoute pas normalement notre musique mais je l’ai écouté l’autre jour parce que j’avais pour la première fois le nouveau casque. J’ai écouté un de nos disques avec le casque et j’ai téléphoné à Lara et je lui ai dit «c’est tellement beau». Je ne l’avais pas vraiment entendue depuis qu’on l’avait enregistré. J’ai adoré toutes les chansons qu’elle chante et je me disais «mais elle est si belle!»

 

Mais elle pense sans doute la même chose des tiennes!

C’est ce qu’elle a dit! C’était tellement marrant!

 

Et à quoi doivent s’attendre les gens de votre spectacle au festival français ce samedi?

Une qualité des musiciens et une combinaison entre la passion et l’intensité et de la frivolité ridicule. En gros c’est un spectacle qui met de bonne humeur. Les gens se sentent soutenus par le spectacle et s’excitent ce qui est bien parce que mon travail solo ce n’est pas ça du tout. Il y a beaucoup de mélancolie aussi. On adore l’exutoire parce que c’est très passionné.

 

Mais c’est aussi très français. Comme les films français qui ne finissent pas toujours avec une fin heureuse du style des films de Hollywood. Ils n’ont pas peur de l’intensité des émotions.

Oui. C’est un peu les deux. Et on parle avec un faux accent français entre les chansons. On prend la musique au sérieux mais pas nous-mêmes.

Donc vous chanterez à La Soirée Cliché au festival français d’Adelaide. Cette soirée sera ardente avec votre musique, de l’art en live ainsi que Maeve O’Meara en tant que MC!

On est ravi de prendre part à ce festival. C’est un programme formidable. On avait réservé nos billets il y a quelques mois. On a essayé de changer le vol pour venir plus tôt mais on ne peut pas donc on y est seulement pour une nuit ce qui fait qu’on ne va pas voir les autres spectacles malheureusement.

Adélaïde est tellement bien pour des évènements et des festivals. Je suis si impressionnée par Adélaïde. On aime y aller. Les gens achètent des billets, ils apprécient et ils sont cultivés. Il y a la culture de sortir, participer aux spectacles. C’est incroyable!

Je ne sais pas vraiment comment ça va se passer durant la soirée. Ça va être diffèrent de nos spectacles habituels. On va avoir une place, ce qui est marrant, pour faire partie d’une soirée plus grande.

–Et vous, chers liseurs avez-vous deja participer aux spectacles de Baby et Lulu? Allez-vous ce weekend?

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Matilda Marseillaise

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