Ruth Mackenzie CBE, directrice artistique de l’Adelaide Festival, nous parle du programme de l’Adelaide Festival 2024, le premier dont elle est la commissaire. Elle parle de l’importance de créer un espace sûr pour les artistes et le public et de trouver un moyen d’ouvrir les portes du festival à tout le monde et de faire des choses tout au long de l’année. Mackenzie pense que nous commençons tous en tant qu’artistes, mais que nous perdons confiance en nous en cours de route. Lisez notre entretien avec elle ci-dessous.
Vous avez commencé dans le rôle de directrice artistique fin 2022 mais l’Adelaide Festival 2024 sera le premier programme par vous?
C’est le premier que j’ai programmé en fait, parce que j’ai commencé novembre 2022. Mais le premier festival que j’ai vu, c’était en mars 2023. C’était programmé par Neil Armfield and Rachel Healy
Mais c’est énormément utile pour moi parce que c’était l’occasion de voir comment marchait le festival. Qu’est-ce que le public pense? J’ai eu la chance de demander au public. On peut être honnête parce que ce n’est pas mon festival. J’ai pu apprendre beaucoup de choses en fait.
Alors qu’est-ce que le public vous a dit? Est-ce que vous avez appris les choses du public l’année dernière ?
J’ai compris que nous avons un public courageux. Ça c’est quelque chose absolument formidable. Donc c’est un public qui ose aller voir les artistes qu’on ne connait pas, qui pourrait comprendre le la qualité vraiment. Par exemple avec A Little Life d’ Ivo van Hove, c’est quelque chose difficile. Et donc bien sûr, le public a eu la chance plusieurs fois maintenant de voir des œuvres. Roman Tragedies par exemple, Kings of War, mais c’était les choses de Shakespeare, donc c’était quelque chose pas incroyable, mais pas choquant, Mais je peux dire que A Little life, c’est choquant, c’est vraiment, vraiment choquant.
Mais le public était là, le public, il y avait les gens qui sont partis, mais il n’y avait pas de gens qui ont dit « c’est insupportable, je demande l’argent » ou « je ne comprends pas pourquoi on a fait quelque chose comme ça ». Pas du tout. C’est un point forte énorme pour un festival. C’est impressionnant aussi.
Il y a, si je peux le dire «la marque » d’Adelaide Festival en fait. On sait qu’il y aura des artistes mondialement bien connus, ça c’est quelque chose de très important. Mais on aime aussi d’avoir les artistes émergents, on peut dire qui sont les étoiles de demain, et ça c’est vraiment quelque chose. Par exemple, tout le monde m’a dit que c’était le festival d’Adélaïde qui a trouvé Robert Lepage avant qu’ il ne soit célèbre. Je ne suis pas sure si c’est vrai., C’est vrai que Robert était à Adelaïde très tôt dans une carrière très longue, énorme, bien sûr.
On sait qu’il y aura des artistes mondialement bien connus, ça c’est quelque chose de très important. Mais on aime aussi d’avoir les artistes émergents, on peut dire qui sont les étoiles de demain, et ça c’est vraiment quelque chose.
Et donc on aime l’idée que nous sommes les découvreurs de talents mondiaux. Et ça, c’est aussi un avantage pour moi, bien sûr. Et on aime les surprises. Et ça, c’est peut-être le plus important. Il y a un goût pour les choses, on ne sait pas du tout qu’est-ce que c’est? Et ça, c’est énorme pour moi.
Et est-ce que le public d’Adelaide est différent des autres publics anglophones avec lesquels vous avez travaillé?
Oui, parce que les qualités qui ne sont pas partout dans le monde anglophone. Mais c’est exactement le même public que j’ai trouvé quand j’ai dirigé le Holland Festival à Amsterdam. Le festival a été créé en 1947, c’est à dire la même année que Edimbourg et Avignon. C’est le même modèle. C’était pour la même raison. C’est-à-dire qu’il y avait les citoyens d’Amsterdam qui ont dit «comment peut-on construire l’avenir après la guerre mondiale ? » « Nous avons besoin d’avoir les artistes. » Et ça, c’est quelque chose d’extraordinaire.
Si on imagine que le monde était détruit à Edimbourg, on n’avait pas beaucoup de choses à manger. Les hôpitaux, les écoles, tout était détruit par la guerre. Mais on a tout de même on a dit « La priorité, c’est les artistes » Donc, j’ai trouvé exactement le même esprit à Amsterdam. C’est un public qui cherche l’aventure, qui cherche l’inspiration, des artistes qui cherchent les choses inconnues.
Avant Adelaide, vous étiez à Paris ou vous étiez à la tête du théâtre du Châtelet dans le rôle d’artistique directrice aussi. Un de vos projets était d’ouvrir le théâtre à un nouveau public, un public plus divers.
Oui, au Châtelet, nous avons eu 68 % des spectateurs étaient venus pour la première fois. Donc nous avons trouvé le public avec le désir de voir les choses un peu différentes. L’ambition, c’était de travailler avec le public du Grand Paris, c’est à dire le Paris de banlieue. Comme vous savez, la banlieue, c’est un public divers qui n’est pas riche. Un public peut être qui n’a pas pensé que la maison de théâtre au centre-ville c’était pour eux.
L’ambition, c’était de travailler avec le public du Grand Paris, c’est à dire le Paris de banlieue. Comme vous savez, la banlieue, c’est un public divers qui n’est pas riche. Un public peut être qui n’a pas pensé que la maison de théâtre au centre-ville c’était pour eux.
C’est une belle initiative vous avez pris.
Oui, j’ai eu la chance de travailler avec les artistes extraordinaires français et internationaux aussi, bien sûr, parce que c’était toujours une maison pour les artistes internationaux célèbres, pour par exemple les Ballets Russes. [Le théâtre a travaillé] avec Picasso, Erik Sarti, Cocteau, vous l’aurez compris…
Est-ce qu’on va voir dans les futurs festivals un peu de ces artistes avez lesquels vous avez travaillé ?
Oui, j’espère, oui. Nous avons Angélique Kidjo bien sûr. Je n’ai pas travaillé avec Edouard Louis au Châtelet, mais il est héro maintenant aussi. J’ai travaillé beaucoup avec Angélique à Londres et à Paris.
J’ai vu que son spectacle au festival d’Adélaïde faisait partie de sa tournée mondiale du 40e anniversaire. Vous introduisez un peu plus de diversité au festival en incluant les enfants et les citoyens avec Create4Adelaide et Floods of Fire: Our Citizens’ Orchestra. Pourquoi est-ce que c’est important pour vous d’inclure les gens du public?
D’abord, il y a les artistes mondiales connus, bien connus, favoris du public australien comme Robert Lepage, Angélique Kidjo, Laurie Anderson, Barrie Kosky et Steven Page, deux directeurs artistiques du festival Adelaide adorés par le public d’ici.
Il faut dire, on commence bien sûr, avec les choses qu’il faut avoir pour le public. Mais en plus, pour moi, c’est toujours le même esprit, c’est à dire tous les citoyens et citoyennes d’Australie du Sud ont payé pour le festival, en effet, avec les impôts. Il faut servir tout le monde et pas seulement les adhérents de Robert Lepage, etcetera.
tous les citoyens et citoyennes d’Australie du Sud ont payé pour le festival, en effet, avec les impôts. Il faut servir tout le monde
Donc il faut trouver le moyen d’ouvrir les portes du festival et aussi de faire les choses chaque semaine de l’année., pas simplement pour trois semaines en mars. Et de dire que pour tout le monde, nous commençons par chanter, danser. Nous commençons comme artistes et pour la plupart, nous perdons la confiance de faire l’art nous-mêmes. Mais c’est une chose qui nourrit chaque personne et c’est dommage de n’avoir pas la chance d’essayer prendre l’axe vers créer les choses. L’orchestre de citoyens c’est un bon exemple. Pas tout le monde n’a la créativité nécessaire pour jouer d’un instrument dans l’Adelaide Symphony Orchestra mais tout le monde pourrait commencer. Tout le monde. Il y a une chance, il n’y a personne qui ne peut pas être dans un orchestre. Ça c’est notre vue.
Nous commençons comme artistes et pour la plupart, nous perdons la confiance de faire l’art nous-mêmes
Et la même chose avec Create4Adelaide. Ça, c’est quelque chose qu’on va faire chaque année. Chaque année, on va commencer toujours avec un processus démocratique avec les jeunes. Donc on a commencé l’année dernière avec un vote. Qu’est-ce que c’est, les enjeux? Il faut étudier, avec les artistes dans les écoles, au sujet des changements de climat ici en Australie du Sud. Comme vous le savez, plus que 2.000 jeunes ont décidé d’abord l’extinction des plantes et des animaux. Deuxièmement, les enjeux de sécheresse, les inondations et les feux de forêt et troisième la pollution de terre et de l’eau. Et donc nous avons fait six mois de workshops, des ateliers dans les écoles avec les artistes et puis nous avons eu un atelier avec plus que 1000 œuvres d’art.
Et maintenant les jeunes de l’Australie du Sud ont voté. Les jeunes ont choisi comme les directeurs artistiques, en effet, pour l’exposition dans le festival de 2024.
C’était quelles écoles qui ont fait partie de ce projet?
C’était ouvert à tout le monde en fait, parce que c’était un projet numérique. Mais nous avons eu nous avons eu un budget pour les écoles dans le niveau 1 à 4, c’est à dire les écoles dans les quartiers les plus pauvres. Nous avons eu 125 écoles enregistrées pour Create4Adelaide. C’était ouvert à toutes les autres écoles aussi, mais aux autres écoles, nous n’avons pas donné l’argent pour payer les artistes.
Nous avons investi en Australie-Méridionale dans les catégories 1 à 4, mais n’importe quelle autre école peut organiser des ateliers, mais elle doit payer elle-même. N’importe qui pouvait participer à l’appel à candidatures ouvert parce qu’il était en ligne, de sorte que des personnes de tous âges et de n’importe où dans le monde pouvaient soumettre des œuvres d’art.
Sabir a créé Create4 … compléter la ville pour le COP 26 à Glasgow. Et à Glasgow, c’était le cas également tout le monde a eu la chance de faire une œuvre d’art. Mais pour les jeunes qui décide qui a gagné, les jeunes de Glasgow ont choisi les jeunes de Glasgow. Il y avait des artistes professionnels fantastiques venus du monde entier, mais ils n’ont eu aucune chance ! Mais c’est juste. Si on donne le pouvoir aux jeunes, on doit accepter. Et les jeunes aiment les jeunes.
Mais inspiré par les artistes professionnels parce que la tache ce n’est pas simplement faire quelque chose qui est formidable artistiquement, mais c’est aussi faire quelque chose qui illumine les challenges de changement climatique et peut être même qui propose les solutions.
Est ce qu’il y en a qui a proposé des solutions?
Quelquefois. C’est pour tous les enfants. Il n’y a pas de limite d’âge. Je ne sais pas si vous avez vu le Guardian qui a fait une belle galerie d’art des enfants et vous verrez cela. Ils sont plus sur les plantes et les animaux que de proposer comment sauver. Bien sûr. Il est très clair qu’ils veulent. Les enfants plus âgées vont plus loin dans l’art de ce qu’il faut faire pour l’arrêter. C’est juste. Aux plus jeunes il y a les enfants qui ont deux ans, c’est pas mal si vous avez 2 ans.
À l’âge de 2 ans, vous n’avez pas les solutions aux problèmes du monde,
Pas encore, mais vous connaissez déjà les problèmes du monde, pas mal !
Tout à l’heure, vous avez dit que nous avons tous commencé en étant des artistes, mais nous avons perdu la confiance. Est-ce que vous êtes artiste vous-même?
L’art visuel n’était pas ma force. J’ai chanté comme enfant dans un chœur professionnel créé par Benjamin Britten à Londres.
Quand même !
Je chantais seulement les œuvres contemporains et c’était extraordinaire pour moi. Et bien sûr, quand j’ai eu huit ans, je n’ai pas compris que la musique contemporaine, c’est plus difficile que les choses plus anciennes. Ça, c’est un cadeau énorme en fait. Et j’ai eu la chance de chanter dans la plus grande salle de concert à Londres.
Ça, c’est un cadeau énorme en fait. Et j’ai eu la chance de chanter dans la plus grande salle de concert à Londres.
J’ai pensé que tout le monde a eu la même chance. Mais ce n’est pas vrai! Et je pense que ça, c’était le début pour moi de comprendre que c’est mieux si tout le monde a sa chance. The Royal Festival à Londres, c’était un terrain de jeu pour moi. Nous avons couru de long en large dans le couloir et nous avons fait du bruit dans notre espace. Mais ça, c’est un cadeau.
Si on imagine que le monde culturel c’est ouvert, ça c’est une chance. Je suis sûr que c’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai fini par travailler dans les arts. J’ai eu de la chance d’avoir une éducation musicale extraordinaire. Et puis à l’université, j’ai fait beaucoup de théâtre aussi. Et voilà, je ne suis pas avocate, je ne suis pas milliardaire, je travaille dans les arts. C’est pas mal.
Oui, c’est pas mal ! Je pensais que l’un des points forts de la fonction de directrice artistique d’un festival international était de parcourir le monde pour trouver des spectacles à programmer, mais vous avez décidé de renoncer à une grande partie des voyages et de recruter un directeur associé basé aux Pays-Bas, une sorte de correspondant européen, qui a été voir les spectacles qui font partie ou non du festival de 2024.
Oui, il a deux choses que j’ai vu quand même comme directrice des festivals européens. Chaque année, j’ai vu mes collaborateurs australiens qui venaient et c’est assez loin. Maintenant, je comprends très bien. Donc on ne peut pas faire beaucoup de recherches.
Si on dirige un festival en Australie et on a la chance d’aller à Londres pour cinq jours ou à Amsterdam pour trois jours. On n’ose pas aller voir les artistes inconnus. On doit aller voir les artistes célèbres. En fait, on voit les artistes que nous avons déjà choisis pour la plupart. Et c’est pas mal parce qu’il y a les directeurs et directrices des festivals européens formidables, mais tout de même, c’est comme si vous allez dans un restaurant où quelqu’un d’autre a déjà choisi les plats. Vous n’êtes pas en train d’élaborer un menu avec des surprises
c’est comme si vous allez dans un restaurant où quelqu’un d’autre a déjà choisi les plats. Vous n’êtes pas en train d’élaborer un menu avec des surprises
Vous ne prenez pas ces risques.
Vous ne pouvez pas aller à Anvers par un après-midi pluvieux pour voir quelqu’un dont vous n’avez jamais entendu parler parce que vous pensez qu’il pourrait être génial, mais Wouter peut le faire. Donc avec un directeur associé européen qui habite à Amsterdam, qui fait les voyages. Il est à mi-temps, bien sûr, il fait les autres choses, mais nous avons les avantages de toutes les choses qu’il fait. Mais je peux dire à Wouter « C’est une personne intéressante donc tu devrais aller la voir» parce que c’est seulement bon marché. C’est vraiment une question d’argent.
C’est pourquoi nous avons Mario Banushi dans le programme 2024, qui sera l’un des grands artistes de théâtre dans lequel tout le monde se vantera de l’avoir vu. Goodbye, Lindita, c’est son premier spectacle et il l’a fait à l’âge de 23 ans. On ne peut pas faire cela [voyager voir un spectacle de quelqu’un inconnu] depuis l’Australie, mais on peut le faire avec des talents de classe mondiale en Australie, et c’est une grande priorité pour moi, et avant tout, les premières nations d’abord.
Vous verrez que nous avons commandé et invité beaucoup d’œuvres des Premières nations et c’est pour moi l’une des grandes joies de ce travail : dire au monde que nous présentons ces artistes dans le programme aux côtés d’artistes européens, que nous disons au monde «Ce sont tous des artistes de classe mondiale». Nous avons banni le mot « local ». Ce sont tous des artistes de classe mondiale. Certains d’entre eux, comme la Restless Dance Company, sont basés à Adélaïde et d’autres ailleurs en Australie, mais ils sont tous de classe mondiale et certains d’entre eux viennent bien sûr de New York ou de Paris ou de Londres n’importe où.
nous avons commandé et invité beaucoup d’œuvres des Premières nations et c’est pour moi l’une des grandes joies de ce travail : dire au monde que nous présentons ces artistes dans le programme aux côtés d’artistes européens, que nous disons au monde «Ce sont tous des artistes de classe mondiale». Nous avons banni le mot « local ». Ce sont tous des artistes de classe mondiale.
Étant donné que mon site web est consacré aux choses françaises et francophones en Australie, je vais vous emmener plus loin. J’ai noté quelques spectacles dans le programme qui ont un lien avec la France et la Francophonie. …. Edouard Louis, Angélique Kidjo, et Robert Lepage qui est québécois bien sûr.
C’était l’Opéra national de Lyon, en coproduction avec le Festival d’Aix et le Canadian Opera Company [et Dutch National Opera]. La production vient de l’Opera de Lyon.
La production de Robert Lepage fit-elle partie de l’accord que Rachel et Neil ont signé avec le Festival d’Aix-en-Provence ?
Ce que Rachel et Neil ont fait, et qui était très astucieux, c’est qu’ils ont signé un accord avec Aix, qui est un festival d’opéra exceptionnel et de classe mondiale. Ils invitaient, ils travaillaient avec Aix et invitaient des opéras d’Aix. C’était une sorte d’exclusivité, mais pas tout à fait. Nous n’avons pas poursuivi dans cette voie, mais Pierre [Audi] est un grand ami et nous avons travaillé ensemble à Londres et, bien sûr, lorsque j’étais au festival de Hollande, il dirigeait l’Opéra national néerlandais et nous avons réalisé des projets ensemble chaque année.
Bien sûr. Donc comme ça, vous n’êtes pas limité à Aix.
Nous avons déjà trouvé les autres pour 2024 bien sûr, mais aussi pour 25 et 26. Et ça, c’est une occasion pour moi de montrer parmi les meilleurs metteurs en scène avec les compositeurs…parce que pour moi un opéra, c’est vraiment, un mélange entre le monde du théâtre et le monde musical. On peut donc s’attendre à de bonnes choses pour les années 25 et 26, ainsi que pour 2024, bien sûr.
Et The Threepenny Opera [L’opéra de quat’sous] que Brecht et Weill appelaient un anti-opéra, mais c’est un opéra. Vous avez donc deux exemples fantastiques de grands génies du théâtre, généralement musical, inspirés par la musique et travaillant à donner une image d’un monde où la musique mène, mais où le théâtre est un partenaire égal d’une grande beauté technique et d’une grande originalité.
Cela couvre donc assez bien les deux opéras. Passons maintenant à Edouard Louis ; vous avez dit que vous n’aviez pas travaillé avec lui, mais je suppose qu’il est sur votre radar parce qu’il est ce qu’il est.
Je n’ai pas travaillé avec lui parce que je dirigeais un opéra de 2000 places et Edouard Louis a beaucoup de talents, mais il n’a pas encore produit quelque chose qui ait été mis en scène au Théâtre du Châtelet.
Honnêtement, dans le monde français, nous avons quelqu’un qui est maintenant une étoile des intellectuels qui vient du monde des ouvriers dans une famille. Ils partagent tout ça. Mais je ne dis pas les secrets, ça c’est son sujet. Mais il vient du monde, à mon avis, des gilets jaunes. Et ce n’est pas un monde que normalement on discute dans les niveaux intellectuels, artistiques, culturels en France. Et donc il a créé une petite révolution, honnêtement. Et je l’admire énormément.
il vient du monde, à mon avis, des gilets jaunes. Et ce n’est pas un monde que normalement on discute dans les niveaux intellectuels, artistiques, culturels en France. Et donc il a créé une petite révolution, honnêtement. Et je l’admire énormément.
Et il est énorme en Australie. Who Killed My Father? (Qui a tué mon père?) c’est bien connu, c’est la première fois pour Edouard en Australie. Il est aussi au Writer’s Week bien sûr, mais il joue lui-même dans Qui a tué mon père?, la pièce qu’il a écrit avec Thomas Ostermeier. Bien sûr, c’est une adaptation de son roman Qui a tué mon père ? C’est assez rare maintenant qu’il il joue.
C’est une chance unique de découvrir Edouard Louis que tout le monde connaît en France. Il est très rare qu’il accepte de se produire maintenant. Il joue en effet le rôle d’Edouard Louis. C’est un véritable coup de maître.
C’est une chance unique de découvrir Edouard Louis que tout le monde connaît en France. Il est très rare qu’il accepte de se produire maintenant. Il joue en effet le rôle d’Edouard Louis. C’est un véritable coup de maître.
Absolument, et vous allez également l’interviewer à la Semaine des écrivains.
J’avais cru comprendre que c’était parce que Louise pensait qu’il serait plus à l’aise en parlant en français et que je passais beaucoup de temps à Paris à animer des événements où je traduisais du français à l’anglais. Mais en fait, sur YouTube, je l’ai trouvé en train de parler un anglais extrêmement bon. Je suis donc ravie de l’interviewer, mais je ne sais pas si je vais devoir faire de la traduction simultanée français/anglais.
Je me demandais si vous allez l’interviewer en français et le traduire ensuite pour le public.
C’est peut-être ce que je ferai. C’est quelque chose que j’ai appris à maîtriser lorsque je travaillais à Paris. Je suis donc très à l’aise avec cela.
Pour en revenir à Create4Adelaide, il s’agit d’un projet de la société française Sabir, qui a créé le premier Create4. Parlez-moi un peu de votre travail avec eux.
J’ai travaillé avec Sabir à Paris et c’est une entreprise incroyable. Il s’agit d’une jeune entreprise en démarrage qui réalise un large éventail de travaux, mais l’une des choses qu’elle a fait sienne, ce sont ces projets participatifs à grande échelle qui sont numériques. Le premier qu’ils ont fait avec moi, c’est quand j’étais au Théâtre du Châtelet, pendant le confinement. David Hockney, l’artiste, vivait en Normandie et y était enfermé. Comme vous le savez, il est célèbre pour ses peintures sur iPad. Il a peint un arbre différent chaque jour, au printemps, et en a mis quelques-uns en ligne. Il nous a prêté un arbre et nous a écrit une belle lettre sur son expérience de suivre le printemps dans l’enfermement et sur l’espoir, la nouvelle vie et aussi la mort. Une lettre magnifique.
Avec le Centre Pompidou, nous avons donc lancé un appel numérique ouvert à tous pour que chacun s’inspire de Hockney pendant l’enfermement et réalise une œuvre d’art inspirée par l’idée de ce que David faisait en suivant le printemps, et en suivant la nature, ce qui a été appelé Hockney Printemps. Nous avons reçu 4 000 œuvres d’art provenant de 60 pays du monde entier. C’était un projet incroyablement beau.
Plus tard, après le Brexit, nous avons de nouveau travaillé ensemble sur le projet intitulé I love you moi non plus, inspiré par la fantastique chanson de Serge Gainsbourg et qui est évidemment une blague. C’était avec un centre d’art dans le Marais appelé 35 37 et Somerset House, un grand centre d’art à Londres. Il y avait toute une série d’artistes professionnels qui créaient des œuvres d’art pour inspirer les gens. En fait, Angélique Kidjo a réalisé une œuvre, ainsi que Brian Eno, Ai Wei Wei, Christian Marclay, qui est un artiste franco-suisse, et Mohamed El Khatib, qui est un artiste français. La liste était très longue.
Il s’agissait à nouveau d’un appel ouvert à tous – n’importe qui pouvait participer – ce qui était un projet amusant. Comme je l’ai déjà mentionné, Sabir a inventé Create4 nommez votre ville pour la COP26, et nous lui avons demandé de le recréer pour nous sous le nom de Create4Adelaide. Bien sûr, nous avons des personnes à Adélaïde dans l’équipe qui travaillent avec les écoles et les jeunes, mais ils sont les propriétaires du projet, ils sont les producteurs et les créateurs, et ils dirigent le processus en fait. Ils comprennent également comment stimuler le vote, comment gérer le programme numérique. Si vous regardez Create4Adelaide sur Instagram, vous aurez une très bonne image de la façon dont ils ont mené et animé le projet. Ils sont très bons et ils seront ici [pour le festival], ce qui est très bien, ils viendront donc voir la fin du voyage [pour plus d’infos sur l’exposition Create4Adelaide, cliquez ici].
Je me demandais s’ils viendraient ou non.
Il ne nous viendrait pas à l’idée de ne pas dire à quelqu’un de venir voir la pièce que vous avez mise en scène. De la même manière, ce sont eux les créateurs, qui ont conçu cette pièce et l’ont dirigée.
Pour finir, c’est probablement une question que l’on vous pose tout le temps, alors je m’en excuse, mais que recherchez vous dans un spectacle de festival ?
Je vais d’abord vous donner une réponse simple. D’abord, la qualité, bien sûr. La qualité mondiale mais aussi la surprise et l’innovation de forme et quelque chose à dire. Ce n’est pas le cas qu’il faut dire quelque chose de politique ou quelque chose au sujet de changement climatique, mais quelque chose. Je cherche un pouvoir toujours dans les spectacles. C’est un pouvoir artistique, c’est un pouvoir d’innovation, mais c’est quelque chose que le public va se souvenir. Parce que pour moi, l’échec total, c’est quelque chose qu’on oublie tout de suite.
Je cherche un pouvoir toujours dans les spectacles. C’est un pouvoir artistique, c’est un pouvoir d’innovation, mais c’est quelque chose que le public va se souvenir. Parce que pour moi, l’échec total, c’est quelque chose qu’on oublie tout de suite.
Et donc bien sûr, j’espère que tout le monde va adorer tous les spectacles, mais c’est mieux à mon avis qu’il y a les gens qui détestent les spectacles. Pour moi, le pire, c’est les gens qui pensent seulement à ce qu’on va manger après le spectacle.
Et puis, je crois que la réponse la plus compliquée, c’est que pour moi, être directeur artistique, ce n’est pas faire du shopping. Je crois que tout le monde pense que les directeurs artistiques ont des chariots de supermarché imaginaires, qu’ils se rendent dans ces grands entrepôts et qu’ils disent qu’ils vont avoir un spectacle rouge et qu’il leur faut un spectacle bleu, qu’ils ont leur plat de poisson et qu’il leur faut maintenant leurs légumes. Pour moi, il ne s’agit pas de faire des courses. Il s’agit avant tout de vivre au sein de la communauté et de comprendre qui vous servez. Ensuite, il s’agit de développer une compréhension et une confiance avec l’artiste et le partenaire artistique, afin que vous, le directeur artistique et le festival, puissiez donner à l’artiste la chance de faire des choses exceptionnelles, d’être un espace sûr pour que l’artiste expérimente, pour que le public expérimente et quand cela arrive, c’est la chose la plus excitante : quand tout le monde sent qu’il est dans un espace sûr. Si nous avons de la chance, Jacob Boehme réalisera sa plus grande œuvre scénique, fruit de plusieurs années de travail sur la péninsule de Yorke, avec des créateurs, des anciens, des communautés. Si ce qu’il crée est aussi exceptionnel que je le pense, vous savez que nous allons vivre une expérience inoubliable.
pour moi, être directeur artistique, ce n’est pas faire du shopping. Je crois que tout le monde pense que les directeurs artistiques ont des chariots de supermarché imaginaires, qu’ils se rendent dans ces grands entrepôts et qu’ils disent qu’ils vont avoir un spectacle rouge et qu’il leur faut un spectacle bleu, qu’ils ont leur plat de poisson et qu’il leur faut maintenant leurs légumes.
Pour moi, il ne s’agit pas de faire des courses. Il s’agit avant tout de vivre au sein de la communauté et de comprendre qui vous servez. Ensuite, il s’agit de développer une compréhension et une confiance avec l’artiste et le partenaire artistique, afin que vous, le directeur artistique et le festival, puissiez donner à l’artiste la chance de faire des choses exceptionnelles, d’être un espace sûr pour que l’artiste expérimente, pour que le public expérimente et quand cela arrive, c’est la chose la plus excitante : quand tout le monde sent qu’il est dans un espace sûr.
Pour arriver à un travail vraiment exceptionnel, il faut prendre des risques et pour prendre des risques, il faut un espace sûr, et c’est mon travail. Je suis le bouclier humain de l’artiste et du public, si vous voulez. J’essaie de créer un espace où nous pouvons tous nous réunir pour vivre une expérience qu’aucun d’entre nous n’oubliera jamais.
Pour arriver à un travail vraiment exceptionnel, il faut prendre des risques et pour prendre des risques, il faut un espace sûr, et c’est mon travail. Je suis le bouclier humain de l’artiste et du public, si vous voulez.
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Nous remercions Ruth Mackenzie CBE pour cette interview et sommes impatients d’assister aux spectacles qu’elle a sélectionnés pour son programme de l’Adelaide Festival 2024.
INFOS CLÉS POUR L’ADELAIDE FESTIVAL 2024
QUOI : Adelaide Festival 2024, programmé par Ruth Mackenzie et Kath M Mainland
OÙ : divers lieux à Adélaïde
QUAND : 1 – 17 mars 2024
COMMENT : Consultez le programme et achetez vos billets par ce lien
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