Siobhan Stagg se délecte de la beauté du chant français dans la production de Roméo et Juliette de la State Opera South Australia

Siobhan Stagg SOSA Roméo & Juliette de Gounod
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Siobhan Stagg incarne Juliette dans la production de Roméo et Juliette de Gounod par le State Opera South Australia, la première représentation de cet opéra à Adélaïde depuis 25 ans. Nous avons discuté avec Siobhan de cet opéra, de son rôle, du chant en français et de bien d’autres choses encore. Lisez l’interview ci-dessous.

Siobhan Stagg SOSA Roméo & Juliette de Gounod

Siobhan, notre dernière conversation remonte à 2000, avant votre récital de musique d’amour de compositeurs français à l’Adelaide Festival. La semaine prochaine, vous incarnerez Juliette dans la production de Roméo et Juliette de Gounod par le State Opera South Australia. Juliette est un rôle emblématique tant chez Shakespeare que chez Gounod. Quelles nouvelles dimensions ou interprétations portez-vous à Juliette dans cette production ?

Bien que je chante les célèbres airs de Juliette depuis des années, c’est la première fois que j’interprète le rôle dans son intégralité. Je trouve que c’est un personnage guidé par son cœur, loyal, érudit et réfléchi. Elle tombe amoureuse de Roméo parce qu’il l’écoute, il l’écoute vraiment.

 

Comment conciliez-vous les exigences techniques du chant en français et la profondeur émotionnelle requise pour ce personnage ?

Je ne trouve pas que chanter en français soit plus exigeant techniquement que chanter dans une autre langue ; en fait, j’adore ça. La façon dont les voyelles françaises et les consonnes juteuses s’impriment sur le visage est un pur bonheur. Ajouter de la profondeur émotionnelle à la couleur vocale est la partie la plus intéressante de mon travail. Je dois faire un peu attention dans l’acte 5, lorsque survient le dévastateur décès de Roméo ; il est important de rester connectée vocalement à ma souffle et à mon soutien abdominal, plutôt que d’exprimer la douleur uniquement à partir de la gorge. Je trouve que les couleurs les plus émouvantes proviennent du centre émotionnel situé autour du plexus solaire.

 

Y a-t-il un moment dans Roméo et Juliette que vous trouvez particulièrement émouvant ou difficile, et pourquoi ?

Lorsque je préparais le rôle, l’un de mes coachs m’a dit en plaisantant qu’il était courant pour les sopranos de mourir dans un opéra, mais qu’il était moins courant de mourir deux fois (comme c’est le cas pour Juliette). Lorsqu’un personnage est aussi riche en nuances que la Juliette de Shakespeare, la progression est en quelque sorte organique et s’exprime naturellement au fur et à mesure que la soirée avance.

 

Quelle a été votre expérience dans les opéras en français, et comment le travail sur Roméo et Juliette de Gounod se compare-t-il aux autres répertoires français que vous avez chantés ?

Chanter cet opéra n’est pas très différent de chanter tout autre répertoire français. Le français est ma langue préférée pour chanter : elle est riche, parfumée et ultra expressive.

 

Qu’est-ce qui vous enthousiasme le plus dans le fait d’incarner Juliette dans cette production de Roméo et Juliette ?

J’adore le processus de répétition avec notre metteuse en scène, Rodula Gaitanou. C’est une profonde penseuse, une grande sensible et une leader. Elle a étudié le violon, ce qui lui permet d’aborder tout le drame avec une oreille véritablement musicale. Elle a également étudié le théâtre physique, ce qui rend la mise en scène efficace et honnête dans sa physicalité. Rodula sait accepter ce qu’un artiste apporte, puis développer et enrichir le personnage à partir de là. C’est la combinaison parfaite entre poussée et traction.

 

Que souhaitez-vous que le public retienne de votre interprétation de ce personnage ?

J’espère en quelque sorte qu’il ne pensera pas à mon « interprétation », mais qu’il quittera le théâtre en réfléchissant à la pièce, à ses valeurs et à sa morale, bouleversé par la tragédie d’une haine aussi insensée et inspiré à partager la paix dans sa propre vie. C’est ce que j’ai ressenti la dernière fois que j’ai vu Roméo et Juliette.

 

La production SOSA de Roméo et Juliette est mise en scène par Rodula Gaitanou. Aviez-vous déjà travaillé avec elle auparavant ?

Nous n’avions jamais travaillé ensemble, mais j’avais entendu beaucoup de bien d’elle de la part de mes collègues. Après les répétitions que nous avons eues jusqu’à présent, je suis devenue un grand fan !

 

L’opéra français

Vous avez interprété un répertoire très varié à l’échelle internationale. Qu’est-ce qui vous pousse à revenir sans cesse à l’opéra français ?

L’opéra français offre une musique d’une beauté indéniable et privilégie toujours l’émotion à l’intellect. J’ai la chance d’avoir un répertoire varié chaque saison, mais cette année est plutôt centrée sur la France, avec Antonia dans Les Contes d’Hoffmann au Staatsoper Unter den Linden de Berlin comme prochain rôle.

 

Vous vous êtes produite au Théâtre du Châtelet à Paris et à l’Opéra de Dijon. Quels aspects de la culture lyrique française vous ont le plus impressionnée ou inspirée ?

J’ai eu la chance de commencer à travailler avec Raphaël Pichon et Pygmalion assez tôt dans ma carrière, et j’ai apprécié de collaborer régulièrement avec eux au fil des ans. Raphaël m’a beaucoup appris sur la création musicale instinctive : comment aborder les répétitions, expérimenter et prendre des risques, en gardant la musique (et le texte) fraîche, vulnérable et vivante. Je crois que nous préservons la pertinence de la musique « ancienne » en la rendant bonne. Bouleversante, réfléchie, évocatrice, bouleversante… toute la gamme.

 

En quoi le public français diffère-t-il de celui de l’Australie ou d’autres pays où vous vous êtes produit ?

Les Français et les Suisses français ont cette célèbre habitude d’applaudir en synchronisation. Quand ils aiment vraiment quelque chose, le public se met spontanément à applaudir en rythme, une douce confirmation que la soirée a été réussie. Un agent australien m’a un jour expliqué que les journalistes français utilisent le mot « fruitée » comme un compliment, alors qu’en anglais, qualifier le chant de quelqu’un de « fruité » peut avoir une connotation plus ambiguë ou négative. Apprendre différentes langues est amusant et fascinant à cet égard. Un même mot peut avoir des sous-entendus très différents.

 

En quoi votre expérience sur scène en France a-t-elle influencé votre approche de cette production à Adélaïde ?

Je me suis préparée pour ce rôle avec les meilleurs professeurs d’opéra à Paris, Genève et Milan, ainsi qu’avec des locuteurs natifs français à Berlin. D’une certaine manière, ma Juliette sera donc imprégnée de la perspective française grâce à leurs enseignements. Mon français parlé s’est beaucoup amélioré au fil des années passées à me produire et à travailler dans des théâtres et des salles de concert français, ce qui informe ma façon d’écouter et de répondre de manière plus intuitive aux répliques des autres personnages.

 

Y a-t-il des metteurs en scène, chefs d’orchestre ou chanteurs français avec lesquels vous avez travaillé et qui ont influencé votre approche du répertoire français ?

Outre Raphaël Pichon (mentionné ci-dessus), un autre collaborateur clé a été Christophe Rousset et Les Talens Lyriques, qui nourrit ses artistes d’idées pour créer des couleurs dynamiques et du panache. Il y a actuellement une multitude de chanteurs français exceptionnels sur le circuit, dont certains sont devenus des amis et des collègues chers à mon cœur. Je pense notamment aux sopranos Sabine Devieilhe, Elsa Dreisig, Elsa Benoit et Melissa Petit. Le ténor Roberto Alagna est un partenaire français incroyable avec lequel chanter… Son engagement envers l’histoire et la beauté du son est sans égal.

 

Y a-t-il des rôles d’opéra en français que vous rêvez d’interpréter à l’avenir ?

Antonia est mon prochain défi… puis, avec plaisir, du Rameau ou encore du Massenet. J’aimerais beaucoup revisiter Micaela dans Carmen. Et j’espère pouvoir jouer Mélisande encore de nombreuses fois.

 

Comment vous préparez-vous pour un rôle dans un opéra en français par rapport à d’autres langues ?

Par immersion. Quelle que soit la langue, je travaille toujours avec des locuteurs natifs et dans le pays d’origine, dans la mesure du possible.

 

En quoi la collaboration avec une distribution et une équipe créative multinationales enrichit-elle votre interprétation ?

La créativité repose en grande partie sur l’échange d’idées. Jouer, c’est réagir. Plus vos partenaires sur scène vous donnent d’idées et d’impulsions, plus votre interprétation peut être riche et vivante. La croissance grâce à un travail d’équipe généreux est exponentielle.

 

Comment voyez-vous le rôle de l’opéra français sur la scène lyrique mondiale ?

Il est intemporel, omniprésent et clairement important.

 

Pourquoi le public devrait-il venir voir Roméo et Juliette ?

C’est tout simplement un chef-d’œuvre. La dernière représentation à Adélaïde remonte à 25 ans, c’est donc une occasion rare. Apportez vos mouchoirs ! La mise en scène est captivante et le Adelaide Symphony Orchestra est incroyable.

 

Souhaitez-vous ajouter autre chose ?

Si vous êtes un peu curieux de découvrir l’opéra, mais que vous n’avez jamais franchi le pas pour assister à un spectacle en personne, c’est l’occasion IDÉALE pour commencer. Ce n’est pas trop long, l’histoire est connue et c’est un régal pour les sens. Vous pouvez revoir le film de Baz Luhrmann avec Leonardo DiCaprio et Claire Danes pour vous mettre dans l’ambiance, puis vous laisser emporter par la mise en scène grandiose de Rodula Gaitanou, avec les costumes colorés conçus par Takis et le dynamique directeur artistique de SOSA, Dane Lam, qui dirige une distribution exceptionnelle. Au plaisir de vous y voir !

Nous remercions Siobhan Stagg pour cette interview.

 

INFOS CLÉS POUR ROMÉO & JULIETTE

QUOI : La production de Roméo & Juliette de Gounod de State Opera South Australia

OÙ : Her Majesty’s Theatre

QUAND: Quatre représentations seulement :

  • jeudi 23 octobre, 19h30
  • samedi 25 octobre, 19h30
  • jeudi 30 octobre, 19h30
  • samedi 1 novembre, 14h

COMMENT : Achetez vos billets par ce lien et les sous 30 ans par ce lien

COMBIEN : Les prix des billets sont les suivants :

  • Premium : 189 $
  • Réserve A : Adulte 149 $, Concession 134 $
  • Réserve B : Adulte 119 $, Concession 107 $
  • Réserve C: Adulte 79 $, Concession 71 $
  • Sous 30 ans : 35 $

Avez-vous déjà vu une représentation de Roméo et Juliette ?

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