Le festival Illuminate Adelaide illumine aujourd’hui et la compagnie canadienne Moment Factory présente une toute nouvelle installation nommée Miroir Miroir (Mirror Mirror en anglais). Nous avons parlé avec Marie Belzil, directrice de création chez Moment Factory dans les jours avant l’ouverture de Miroir Miroir. Ci-dessous, notre interview avec elle.
En commençant par vous, Marie, vous êtes la directrice de création chez Moment Factory. Et ça fait quelques années que vous êtes là, mais vous avez étudié la production cinématographique avant. Est-ce que vous avez étudié le cinéma pour faire des films ou est-ce que vous avez à l’époque l’idée déjà de travailler dans des installations vidéo ?
Ah non, Je n’avais aucune idée à l’époque que je finirais un peu dans le monde plus de l’expérience multimédia. Non, je ne connaissais pas ça. J’ai d’abord œuvré dans le documentaire. Je voulais faire du cinéma, mais j’ai eu la chance, quand j’étais jeune, d’avoir un job avec Robert Lepage, un grand metteur en scène.
Qui vient en Australie en mars prochain pour l’Adelaide Festival !
Oui, c’est ça. Donc Robert, son studio est dans ma ville d’origine à Québec. J’ai eu la chance de travailler avec lui sur un grand projet de mapping projection dans la projection architecturale à l’époque, en 2008 donc on ne savait pas du tout ce qu’on faisait !
C’était vraiment tout un apprentissage. D’abord de travailler à ses côtés, mais aussi de créer cette immense création multimédia. Ce qui m’a vraiment donné la piqûre, c’était la notion du live. Quand on fait un film, c’est un peu décevant en fait, c’est en flegmatique, un peu la livraison d’un film. Oui, il va avoir une projection, on va partager dans une salle noire les émotions. Mais quand on avait fait la première fois le spectacle de projection architecturale avec Robert, on s’était retrouvé avec près de 2000 personnes qui regardaient le spectacle en même temps. Et là, il y avait un sens du spectacle un peu dans une démarche comme dans les événements live si on veut.
Il y a une énergie à tout ça qui fait que moi, j’ai eu la piqûre à ce moment-là, de ce type d’expérience-là. Puis toute l’énergie qui se crée dans ces moments-là, un peu comme les moments qu’on vit en ce moment-là, toute l’anticipation, les derniers jours avant, le Show must go on…Après on profite aussi de voir le public dans nos installations, tout ça. Donc il y a comme un aspect très vivant à ce type de médium qui m’a beaucoup plu, et c’est ça.
Après cette expérience-là, j’ai eu la chance de rentrer chez Moment Factory il y a déjà, ça va faire un peu plus de 12 ans, Donc j’ai vraiment appris le métier là chez Moment Factory, en faisant toutes sortes d’expériences différentes, puis en développant un langage finalement.
Parlez-nous un peu de votre rôle, de votre travail chez Moment Factory.
Donc c’est vraiment au niveau de la création pure et dure, c’est l’idée de créer un noyau de concepteurs qui vont tous ensemble voguer vers une destination qui est toujours un peu inconnue, qui est la création du spectacle. Donc en tant que directeur de création, on est un peu le leader de tous ces concepteurs-là. On va travailler avec des scénographes, des lighting designers, des motion designers, des compositeurs. Donc, on va réunir un peu tout, tous les spécialistes de tous les médiums ensemble sous une même vision.
Puis on est un peu le capitaine de la vision du spectacle, donc un peu le guide-là pour ça que c’est un plaisir incroyable – parce que c’est toujours des expériences partagées, des expériences d’équipe. Ça commence avec des petits noyaux de concepteurs. On commence les idées avec cinq personnes autour d’une table, et puis après ça, on va être 50. Tout au long du processus, il y a parfois des dizaines et dizaines, des centaines de personnes qui ont travaillé dessus. Donc c’est des expériences de groupe, c’est une chance extraordinaire. Là, à tous les jours, je me pince là de réaliser que c’est bon, c’est mon boulot, c’est que c’est vraiment beau, c’est vraiment agréable et je me trop choyé.
Comment décririez-vous Miroir Miroir pour ceux qui n’y connait rien.
Je décrirais Miroir Miroir comme une invitation à un voyage dans un monde de couleurs, de lumière, de sons. C’est une expérience qui va inviter parfois à la contemplation, parfois au jeu et beaucoup activé à ce fait d’exploration chez les visiteurs. Donc c’est une collection d’installations immersives qui tournent tout autour du thème du grand thème de l’esprit humain. Donc si on pense à l’esprit humain, on va penser à par exemple des thèmes comme la mémoire ou le sens. Le sentiment de flow ou l’ego sont des sous thèmes, par exemple, qu’on explore dans chacune de nos installations.
On est un peu à la frontière de l’art et de divertissement, donc comme des artistes. On va explorer un thème puis on va avoir une approche poétique sur ce thème-là. Oui, mais nous, on va vraiment tout focusser l’expérience pour qu’elle tourne autour du visiteur, pour que le visiteur l’active, la rende vivante finalement. Sans le visiteur, l’expérience n’a aucun sens. Donc parfois, on va demander aux gens de contribuer, par exemple avec leur mémoire, par le biais d’une application mobile par exemple. Puis ils vont entrer des mots qui sont un partage de leur propre mémoire, ces mots après vont pénétrer le canevas et vont se transformer en lumière. Ensuite on va leur demander de bouger et d’activer des choses, de vraiment donner vie à chacune de ces pièces, et ce média.
Pour nous un projet qui était très personnel, de la compagnie, je vous dirais, parce que c’est une initiative qui est tout à fait – on travaille beaucoup, on fait beaucoup de services, on crée beaucoup d’œuvres qui sont commissionnés si vous voulez – mais le travail de Miroir Miroir, c’est une vision un peu de nous de ce qu’on voulait proposer C’est vraiment le développement original de notre propre création, si on veut. Donc, on voulait mettre dans une boîte noire-là, un grand espace. On voulait mettre une collection d’expériences tout à fait contrastées les unes des autres qui représentent un peu notre identité de Moment Factory, qui est très ludique, qui très porté dans l’imaginaire, qui, mais qui surtout invite à créer des connexions humaines. Pour nous, c’est le but premier de tout ce qu’on fait, c’est de rassembler les êtres humains dans le monde réel. Donc on utilise la technologie.
Mais contrairement à beaucoup de technologie qui ces derniers temps nous isole. Nous, on veut utiliser la technologie pour que les gens se rassemblent dans le monde réel. Fait que nous, dans chacune des installations, c’est un peu à ça qu’on va penser comment les gens vont interagir avec la pièce, mais aussi entre eux. Et donc on veut leur faire vivre un bon moment. On veut les transporter dans un monde imaginaire pour un court moment, un peu sortir, s’évader un peu de son quotidien et vivre un bon moment avec des amis et de la famille.
De ce que je comprends, au début de l’expérience, on choisit parmi trois portes. Est-ce que les trois portes mènent les gens sur trois pas différents? Ou est ce que les participants se réunissent à un certain point?
Oui, donc les trois portes vont seulement définir un peu dans les dans quelle séquence les gens vont découvrir les mêmes installations. Donc, peu importe la porte qui est franchie, tout le monde va découvrir les mêmes d’expériences. Mais on pense que la séquence est quand même importante, et elle teinte beaucoup nos impressions. Egalement, on trouve intéressant justement pour faire le point un peu de faire sentir aux gens qu’ils étaient les personnages principaux de ce film qu’ils allaient vivre. Donc avec cette espèce de symbolique très forte de trois portes et du choix à faire ça crée une espèce de petit choc au début de l’expérience, parce qu’on a une petite excitation, donc on sent qu’on est en possession de nos propres choix.
On explore ce genre de code qui vont créer, qui vont activer en nous justement, qui vont activer notre esprit dans un état différent, notamment à l’intérieur de l’expérience. Mais justement, chacune des portes sont séparées de portes colorées. Une fois passé les trois portes, on peut s’y perdre un peu et c’est voulu. Donc c’est d’activer en soi un peu notre esprit d’exploration, de découverte. On l’espère aussi beaucoup avec certaines installations, de retrouver en soi un peu la partie l’enfant en nous même pour se faire prendre à jouer et à s’émerveiller. C’est un peu ça notre but.
Oui, parce bien on a tous besoin de ça parfois je crois !
Oui, ça fait du bien.
Les publics qui entrent dans Miroir Miroir sont invités à pousser les trucs ou à dire les trucs pour changer ce qui est devant eux. Est-ce que donc pour chaque personne, l’expérience sera différente pour chaque personne visuellement.
Oui, évidemment. C’est que les gens vont donner un peu d’eux mêmes là, dans l’expérience. Et on voit une expérience se renouveler, qui effectivement se transforme. Donc, il y a des tons, notamment l’entrepôt des mémoires, qui est un endroit où les gens contribuent avec leur propre mémoire, et donc les mots qui parcourent l’expérience sont tout à fait changeant, se transforment à la visite des visiteurs. Pour moi, c’est super émouvant parce que je vois une scène qui est tout le temps en constante évolution.
Et la scène suivante, il y a des visuels qui se créent selon les mémoires qui ont été entrés, et il y a des visuels qui se génèrent et des poèmes qui se génèrent et des visuels qui sont tout à fait uniques, qui dépendent vraiment de la contribution des gens. Puis nous, c’est aussi notre vision un peu du futur de ce genre d’expérience- là où de plus en plus, on invite les gens aussi à participer un peu une certaine façon à la création.
Quel a été le process processus créatif pour le créer? Est-ce que vous avez dans votre équipe ajouté un peu vos propres rêves, souvenirs de la vie ?
On a surtout passé beaucoup de plonger dans des lectures par rapport justement aux mémoires, par rapport au sens du flow. On s’est plongé dans toutes sortes de lectures justement sur le cerveau et c’est quelque chose de tellement fascinant. C’est sûr que la résultante, elle n’est pas très scientifique, pas du tout. Mais l’inspiration l’a été beaucoup quand même. De voir par exemple la mémoire des gens, quelque chose qui est en éternelle transformation. Le fait que par exemple, on atteint ce qu’on appelle l’état du flow quand on joue ou quand on est en création.
Donc on se dit mais l’état de flow c’est vraiment bon pour la santé aussi. C’est quelque chose qui génère de la joie, qui génère quelque chose de bon en soi quand on rejoint cet état-là. Donc on se demande comment on va faire pour mettre les gens dans cet état de flow là? Et puis de fil en aiguille, on a vu l’inspiration de créer une rivière, parce que aussi on avait eu des lectures sur un neurologique qui comparait la conscience à une rivière qui coule. Et puis on a fait une rivière. On s’est aperçu que les gens sautaient souvent d’une roche à l’autre dans la rivière. Puis si on fait une rivière justement avec plein de rochers dedans. Même les adultes vont se mettre à sauter d’une roche à l’autre et là ils vont se concentrer, puis ils vont rentrer dans un état de flow.
La création est un processus tout à fait mystérieux. Mais il faut avoir confiance en ce mystère-là. On sait qu’on s’en va à quelque part, on ne sait pas trop exactement où on va, mais il faut nourrir ces inspirations-là avec toutes sortes d’input, que ce soit de la musique, des lectures, etc. Avec la contribution de tout le monde, et puis de tous les créateurs et concepteurs autour de la table et puis ça évolue et à un moment donné, on sent qu’il y a des scènes sont significatives.
C’est un projet qui mûrit depuis longtemps chez Moment Factory. La structure, donc cette idée d’avoir dans une boîte noire vraiment une espèce de collection d’expériences tout à fait contrastées les unes des autres. Puis là, on est bien heureux du monde qui l’entoure et tout ça. C’est un univers qui nous qui va nous permettre de le faire grandi, on pense, facilement parce que le sujet est vaste et en même temps c’est très poétique, très accessible, très ludique. Cela, on espère vraiment. On a eu la chance de monter un peu le prototype, si on veut, à Montréal cet hiver, et ça s’est très bien passé. Ça a été très bien reçu. On est bien excité d’avoir un autre public-là dans le Miroir Miroir.
Miroir Miroir est venu en Australie, directement de Montréal. Ça n’a pas encore été présenté ailleurs ?
Non, c’est ça. Ça a été seulement le prototype qui a été monté à Montréal. Donc, c’est la première fois. C’est sous une forme aussi différente ici, parce qu’on est dans le magnifique pavillon d’Illuminate Adélaïde. Donc c’est un lieu qui est vraiment parfait pour recevoir Miroir Miroir. Donc il est vraiment tiré à quatre épingles du spectacle. On est bien fier, on est bien excité.
On est chanceux de l’avoir ici. Pourquoi les gens doivent ils découvrir Miroir Miroir?
Je pense que c’est pour vivre, pour partager un moment original. Je pense que de nos jours, on se rend compte de plus en plus que le bonheur il n’est pas dans le matériel, mais il est dans le temps qu’on passe, les expériences qu’on a avec les gens qu’on aime. Donc je pense que je peux vous promettre que ce moment-là, passé avec les gens que vous aimez dans l’espace, va certainement générer une petite portion de joie ou de rire, ou de sourire du moins. C’est quelque chose de tout à fait nouveau donc il y a cet aspect-là de nouveauté, je pense, qui peut être intéressant. Puis, je pense que c’est une belle expérience à partager. Et quelque chose d’assez original.
Mais si les gens sont un peu timides, est-ce que c’est pour eux ou pas (vu que c’est interactif) ?
Ah oui, tout à fait. Il y a différentes façons d’interagir dans l’expérience, et notamment, par exemple pour partager sa mémoire, c’est carrément via une application au téléphone. Donc ça, ce n’est pas quelque chose qui est gênant du tout.
Donc on ne le fait pas devant tout le monde.
Non, pas du tout, C’est quelque chose qu’on est très sensible. On fait beaucoup de tests pour vraiment essayer de rejoindre un plus grand public. Et on est toujours conscient que dans un groupe, on a toutes sortes d’individus, ce qui fait qu’on fait attention à vendre le tout accessible justement un peu pour tous les styles.
C’est bien. Merci Marie. J’ai hâte de participer à l’installation Miroir Miroir cette semaine !
—
Nous remercions Marie Belzil et Moment Factory pour cette interview.
INFOS CLÉS POUR MIROIR MIROIR DE MOMENT FACTORY
QUOI : Miroir Miroir (Mirror Mirror)
QUAND : A partir d’aujourd’hui mercredi 28 juin jusqu’au 30 juillet (sauf le lundi)
OÙ : Victoria Square / Tarntanyangga
COMMENT : Achetez vos billets par ce lien
COMBIEN : Les prix de billets changent selon le jour et sont les suivants:
Du mardi au jeudi, et jusqu’à 17 heures le vendredi :
- Admission générale 39 $
- Groupes 4+ 36 $
- 4 ans et moins GRATUIT – un billet de 0,00 $ est toutefois requis pour l’entrée.
À partir de 17 h le vendredi, et toute la journée le samedi et le dimanche :
- Admission générale 49 $
- Groupes 4+ 46 $
Pour découvrir d’autres installations des compagnies et collectifs françaises et francophones qui seront présentées au festival Illuminate Adelaide, cliquez par ici.
