Franck Evin, l’éclairagiste, nous parle de l’opera Le Coq D’Or

Reading Time: 20 minutes

Franck Evin était l’éclairagiste, le  « light designer » du spectacle le Coq d’Or qui fait ses débuts australiens au festival d’Adelaide ce soir. Le Coq d’Or est le deuxième opéra issu du partenariat du festival d’Adelaide avec le festival d’Aix en Provence.

 

Franck Evin a travaillé souvent avec Barrie Kosky, metteur en scène australien, qui est le metteur en scène de ce spectacle. On avait parlé à Franck du spectacle, de sa carrière et du travail d’un éclairagiste ou bien light designer.

 

Le Coq d'Or
Barrie Kosky®Jan Windszus Photography

Son travail avec Barrie Kosky

Franck Evin, vous avez travaillé sur le spectacle le Coq d’Or avec le metteur en scène australien, Barrie Kosky. J’avais vu que vous avez aussi travaillé beaucoup ensemble l’année dernière.

Cette année [l’année dernière] on avait une première à Lyon au Kommerishe Opera. Au mois de décembre on a fait un Don Giovanni à Vienne. Aussi au mois de décembre StatsOpera. Et puis on était à Munich en janvier avec Le Petit Renard Rusé. Et puis ça continue.

 

Vous le connaissez depuis longtemps?

Depuis très longtemps. Barry, je le connais depuis 1998 – un truc comme ça. Le premier spectacle qu’on a fait ensemble c’était Le Grand Macabre à l’opéra-comique à Berlin. Je crois que c’était son premier opéra en Europe. Je ne suis pas sûr de ça mais je crois que c’était son premier opéra en Europe. Et puis après on a travaillé avec lui. Et puis il est devenu intendant de l’opéra-comique mais moi je suis parti à Zurich. Pas à cause de Barrie mais j’en avais marre de Berlin.

 

Le métier d’éclairagiste

 

Votre titre en anglais c’est « light designer ». On vous appelle comment en français?

Le vrai titre en français en fait c’est éclairagiste. Le terme « light designer » vient des anglais. C’est au premier les anglais qui dit « light designer » quelqu’un comme le décorateur – c’est quelqu’un qui conçoit les lumières, qui fait les lumières –toujours bien entendu en accord, si possible,  avec le metteur en scène et le décorateur – mais qui est d’un métier quand même spécialisé.

 

En France on est chef électricien. C’est-à-dire qu’on est responsable dans un théâtre pour la structure, la gestion de personnel, etcetera. Et puis il y a des éclairagistes – c’est-à-dire les gens qu’ils sont plus comment dire « involved » –

 

Plus créatifs, moins technique peut-être ?

Plus créatif, éclairagiste. En fait, il y a le coté plus « artistique » les lumières.

 

Les théâtres ont besoin des électriciens qui savent mettre du courant, brancher les projeteurs, mais ça ne donne aucune éducation artistique – peinture, musique, etcetera.

 

Moi je suis très, très à part. Je n’ai jamais été électricien. En fait, je voulais être pianiste. Je me suis pris beaucoup trop tard. Je travaillais dans un petit café de théâtre ou j’accompagnais un chanteur et un humoriste et puis il y avait 3 petits projeteurs et je commençais un peu à m’intéresser. Ça m’a beaucoup plu.

 

Et puis, j’ai passé une audition dans une vrai école de piano – privé bien entendu parce que c’était trop tard pour faire le conservatoire et la femme m’a dit que « écoutez, c’est beaucoup trop tard. Si vous travaillez comme une bête vous arriverez à faire ceci ou cela ». Mais moi, ça ne m’intéressait pas trop. C’était un peu une espèce d’idéal – je suis partie de chez moi, je suis monté à Paris.

 

Et puis je me suis dit « ok on arrête avec le piano. Ça ne va jamais se faire mais pourquoi pas si tu veux rester et écouter de la musique puisque c’est bien ça qui t’intéresses à faire de la lumière. » J’ai commencé à trouver un moyen d’apprendre mon métier. A l’époque, c’était dans les années 90,  Il n’y avait pas d’école d’éclairagiste. Les light designer ça existait en Angleterre mais ce n’était pas de tout ce qu’on faisait comme style de lumière.

 

En France, il fallait être électricien pour rentrer dans un théâtre et puis monter en grade. Et donc, je suis toujours vendu comme quelqu’un de musicalement au courant – je suis extrêmement disponible et je voulais absolument faire ce métier et je bossais comme un malade et en France quand on travaille beaucoup ce n’est pas difficile de faire carrière parce que la mentalité ici c’est assez difficile.

A l’époque, les théâtres étaient gérés par la ville – c’était les électriciens qui changeaient les lumières dans la ville dans la rue. Le niveau n’était pas très élevé.

 

Son parcours 

Apres j’ai connu à Lyon il y avait deux productions de Bob Wilson. Ils ont fermé le théâtre l’été. Et moi,  j’avais des bourses par de le ministère de la culture. J’ai dit je veux absolument aller voir les spectacles de Bob Wilson parce qu’on au niveau lumières, c’est ce qu’il y a de mieux.

 

Et donc je suis allé à Lyon. J’ai reçu une bourse pour 4 mois. J’ai vu toute l’équipe de Bob Wilson a l’époque c’était que les allemands dont ma femme qui était assistante au décor. Et là, j’ai vu des vrais éclairagistes allemands, la façon dont il travaillait. En Allemagne, il y a un spectacle tous les jours. C’est vraiment des grosses structures et puis j’ai vu qu’en France au niveau des montables, il y avait des problèmes – le matériel était très mauvais.

 

Les allemands étaient une espèce de génie pour la lumière a l’époque. Une autre façon de travailler. Des grosses sources. Il y avait des tas de choses dont je ne me suis jamais entendu parler. Donc je me suis accroché et après Lyon je suis partie un peu travaille fixe à Nice et puis je suis allé en Allemagne parce que je savais que c’était là que je voulais aller.

 

Parce qu’ils étaient si bons à la lumière?

Il y a beaucoup de théâtre, il y a beaucoup d’argent il y a des gros opéras, chaque ville a un vrai théâtre. C’est un autre système de répertoire. Ça se monte ça se démonte en un journée. C’était tout à fait une autre technique. C’était beaucoup plus facile d’entrer en Allemagne en disant je veux faire des choses. En France, tout était bloqué et étant français il y avait un certain avantage. Il y avait 2 ou 3 éclairagistes de Paris qui faisait les spectacles en Provence. Le light designer ça n’existait pas.

 

En puis en Allemagne j’ai rencontré un cinéaste très célèbre de l’époque et un très grand metteur en scène de théâtre. Il parlait très bien français et était très francophile et on est devenu super amis et il m’a fait bosser et puis, c’est comme ça que c’a a commencé.

 

Son amour pour la lumière

Donc au début vous voulez jouer au piano. Pourquoi la lumière?

A l’époque j’étais jeune – j’avais 20 ans. Je me posais beaucoup de questions : politiques, philosophiques, etc. Et j’avais absolument envie de communiquer avec les gens autour de moi. Enfin j’avais envie de dire ce que je trouvais bien, ce que je ne trouvais pas bien, ce qui me plaisait, ce qui ne me plaisait pas. Je voulais être actif. Et la lumière, je me suis dit c’est formidable parce que quand je fais de la lumière je peux éclairer les choses que je veux éclairer. Bon entendu, on a toujours une certaine capacité d’interpréter le travail d’un metteur en scène avec la lumière. Il y a des choses qui sont toujours importants – ce qui est tjrs d’ailleurs le problème: Qu’est-ce qu’on veut faire? Comment on va le faire?  Est-ce qu’on veut insister et mettre le doigt sur les choses ? Est-ce qu’on veut faire les choses plus naturalistes?

 

Je me suis dit « au moins si je dis aux gens « ça c’est beau » « ça c’est bien » je ne me sentais pas comme délivrer un message. J’avais une certaine naïveté – je rêvais la nuit que j’éclairais les nuages. Ça n’a pas été par hasard. Ça a été un peu hasard de faire des lumières – mais j’ai vu la capacité de dire des choses.

®Jean Louis Fernandez

Qu’est-ce qui vous plait dans la lumière? C’est de mettre un accent?

De mettre un accent sur des choses. On a d’immense possibilité maintenant- j’ai un rapport très émotionnel avec la lumière. Donc, j’aime faire des changements de lumières qui se voit. Pour moi, ce n’est pas une chose neutre qui simplement souligne – c’est vraiment réinterpréter un espace avec une fonction dramaturgique. Maintenant il y a beaucoup de décors uniques comme dans Le Coq d’Or par exemple – et ça nous permet de varier avec les espaces. La façon dont on éclaire – on présente les choses différemment et c’est extrêmement insatisfaisant parce qu’on n’est jamais 100% réussi. On essaie toujours d’approcher une certaine perfection, ou une certaine idée mais c’est un métier extrêmement sensuel et très émotionnel.

 

On prend son pied en faisant des lumières – On attend le moment, il y a cet effet, on va changer ceci, ça va passer une chose. Est-ce qu’on va arriver à faire ce qu’on a voulu? Il y a des tas de choses qui se passent tt seuls – on les saisi, on essaie de travailler avec elles. C’est un magnifique métier!

 

On construit le décor chez elle, on recherche des livres, on a un discours mais après ce n’est pas excitant – c’est monté, c’est fait. Mais la lumière, ça joue tous les jours. On les ressent différemment le matin, le soir. Et puis c’est un rapport très intense avec le metteur-en-scène qui est parfois difficile. Il faut faire beaucoup de psychologie. C’est compliqué. C’est des gros matériels, Ça coute extrêmement chers.

 

Les lumières du spectacle Le Coq d’Or

Est-ce que les lumières que vous avez utilisé pour Le Coq d’Or à Aix en Provence vont venir en Australie ou est-ce qu’elles vont être reconstruites ici?

Il y a des choses très importantes qu’on doit avoir absolument. Apres, il y a des projeteurs. Je ne pense pas qu’Aix vont amener leurs projeteurs. C’est les projeteurs standards à part le Wilmort qui est un peu spécial dans le théâtre – Maintenant on s’en sert beaucoup dans le théâtre pour éclairer. J’imagine qu’il va avoir des matériels qui vont venir plus au moins. Ce n’est pas très, très compliqué comme l’appareil – mais il n’y a plus des projeteurs qu’on règle à la main. Ça n’existe plus. Tout ça s’est fait avec les projeteurs qui marchent avec un ordinateur – il n’y a pas une lampe qui est mise à la main.

Le Coq d'Or
®Jean Louis Fernandez

La technologie a beaucoup changé. Donc les électriciens de la rue de Lyon auront aucune idée dans les théâtres maintenant?

D’être avec le projeteur sur les dos, mettre les couleurs – tout ça s’est terminée. Maintenant il y a bcp d’équipes de jeunes et il faut faire une formation. A mon époque, on entrait dans un théâtre, on prenait un projeteur et au bout de 10 minutes on savait comment ça marchait. Maintenant, il faut les brancher. C’est devenu très complexe.

 

Donc il y a des écoles spéciales pour ça?

Oui. Maintenant le métier de light designer est un métier officiel. Dans toutes les grandes productions il y a des  « light designers ». On est toujours un peu la dernière roue du carrosse – le dernier élément – c’est toujours compliqué – il faut que le metteur en scène dit non je le veux sinon. Un décorateur c’est d’office. l’ y a tjrs un décorateur et un costumier. Un éclairagiste c’est plus compliqué.  Et puis pour travailler dans les grandes maisons, il faut avoir une certaine réputation sinon le théâtre dit non on a déjà un éclairagiste.

 

Donc c’est pour ça que dès que vous entrez dans un grand opéra comme à Zurich ou à Berlin que vous y restez. Ils veulent vous garder, j’imagine.

J’étais freelance pendant 15 ans. De ne pas savoir si on va vraiment travailler l’année prochaine… C’est difficile bien entendu on est plus libre mais d’un autre coté pour bien connaitre son métier il faut vivre 15 ans dans un théâtre tous les jours parce qu’on sait ce qui se passe, on sait ce qui ne marche pas, on sait ce qui ne marche pas.

 

Parce que vous connaissez l’espace intimement?

Voilà, on connait les problèmes techniques, on peut faire ses expériences, on peut choisir soi-même. Quand on va dans un théâtre, il faut un peu travailler avec le matériel qu’il y a là. S’il y a des choses qu’on veut qui n’y sont pas là, on ne les a pas toujours. Tandis que quand on est chef – j’étais chef a l’opéra-comique à Berlin pendant 17 ans – donc j’ai fait la maison comme moi je voulais. Je pouvais faire ma cuisine avec les choses qui m’intéressaient. Donc c’est très important.

Komische Oper Berlin
Komische Oper Berlin

On voit d’ailleurs chez les collègues qui sont freelance qu’ils ont parfois la difficulté à s’adapter à un autre théâtre. Les théâtres en France sont très très mal-équipés. Zurich bien entendu c’est le top du top. En Allemagne, il y a des choses dans les théâtres dans les villes plus petites ou le théâtre est très en arrière. Il y a des investissements qui n’ont pas encore été faites, etcetera. Donc c’est toujours un peu compliqué. Quand on est chez soi, on ne peut pas se plaindre. On a ce qu’on veut,

 

Son travail sur Le Coq d’Or

 

Pour parler un peu de l’opéra Le Coq d’Or, comment a été votre expérience de travailler sur cette production?

Alors, il y a eu deux étapes – le premier étape c’est qu’on a travaillé à Aix en Provence d’abord. On avait la pandémie, on ne pouvait pas travailler mais Aix en Provence voulait absolument voir le spectacle donc on a dit « ok on fera le premier du spectacle à Lyon mais pour gagner du temps – parce qu’il n’y avait pas autant de possibilité pour la production à Lyon, on va faire un peu les éclairages à Aix en Provence, d’abord.

 

Donc à Aix en Provence, on a travaillé une semaine. On a monté le décor, on a essayé des choses avec la lumière et là je me suis aperçu que Barrie voulait des choses tout à fait différentes de notre façon qu’on avait de travailler normalement. Donc il a fallu réagiter le plan, changer des choses. Et puis après cette expérience à Aix, on a dit « à Lyon, il faut qu’on fasse une autre demande de matérielle.

Le Coq d'Or/ The Golden Cockerel
®Jean Louis Fernandez

 

Apres on a commencé à travailler à Lyon. Barrie voulait des choses que je ne comprenais pas parce qu’en fait on n’avait pas eu le temps vraiment de – c’est le problème quand on travaille avec des metteurs en scène depuis longtemps, on ne parle plus avant. On dit « comme la dernière fois ». On a un style; on sait qu’il y a des choses qu’il faut tout le temps avoir – et là Barrie d’un seul coup, demandait des choses un peu inhabituels et j’avais un peu de la peine à comprendre où il voulait aller.

 

Le décorateur a eu la très bonne idée de me dire « tu sais, tout l’ambiance du spectacle est faite en fonction d’un dessin d’un poète russe. » Ça serait bien de me dire avant comme ça j’aurais pu voir un peu ce que c’était et il m’avait montré ce dessin du poète russe et là, j’ai tout à fait compris ce que c’était.

 

Je trouve que c’est très, très réussi. D’ailleurs, les éclairagistes ou du moins les éclairages il n’y a pas de critiques dans les journaux. Et là, il y a eu une énorme résonnance sur le spectacle au niveau des critiques. Quand je postais des photos du spectacle sur Facebook, il y a des tas de gens qui réagissait – des collègues, des décorateurs, des gens avec qui j’avais pratiquement plus de contacte etc. me contactait en disant « c’est incroyable » « C’est magnifique » etc.

 

L’alliance de ce décor très spéciale – qui est en fait une boite toute simple – des magnifiques costumes de Victoria Ehber,  les descriptions oniriques… J’avais fait Un coq d’or déjà à Berlin il y a très longtemps et c’était complètement un autre spectacle. Et là on se retrouvait avec Barrie, j’ai compris ou ça allait et à partir de ce moment, ça s’est très très bien passé.

 

Le Coq d’Or est un opéra assez surréaliste de ce que je comprends.

Voilà et le chœur n’est pratiquement jamais là. Donc il y avait des problèmes de pandémie et si le chœur chantait il devait chanter avec des masques et Barrie n’accepte pas donc il avait des solutions – le chœur avait des têtes de cheveux sur eux mais la moitié de chœur était en « voix off » donc tout était toujours rêvée. Il y avait toujours des choses imaginaires et surréalistes en effet. Et je trouve que c’est quand même très très réussi.

®Jean Louis Fernandez

Vous avez dit avant que souvent vous pouvez interpréter les visions de metteur en scène de votre propre façon un peu. Est-ce que vous avez eu la liberté créative pour Le Coq d’Or, ou non?

Non. Barrie sait beaucoup mieux ce qu’il veut faire que moi. Il y a des metteurs en scène on leur dit « tu sais cette scène, pour moi c’est comme-ci, c’est comme ça » Et ils disent « ah oui, tu trouves. Ah oui. Je n’avais pas pensé à ça » Et puis il y en a qui ne veulent pas trop interpréter les choses. Ils le font et là on peut avoir beaucoup plus d’impact en disant « pour moi, c’est comme ça et je voulais faire celle-ci, etc. ».

 

Barrie c’est quelqu’un qui sait tellement ce qu’il veut faire – avant que les chanteurs chantent, il sait s’ils vont mal interpréter. C’est quelqu’un qui réagit au quart de second. Ce n’est pas quelqu’un qui attend à voir la scène pendant dix minutes et puis prend des notes et à la fin dit « moi, je pense qu’il faudra faire ça et ça ». Non, dès que la scène commence, il sait s’il sent la mauvaise énergie. C’est à savoir quelle énergie, quelle mood… Comment ça va se passer.

 

C’est Barrie qui me dit toujours « est-ce que ça pourrait être » ou « c’est beaucoup trop fort ». Ou alors, il y a des choses que moi je n’aime pas donc je dis je ne peux pas. Le jeu maintenant il me dit « donne-moi ce projeteur, ce projeteur ». Moi je le fais. Je trouve ça très bien mais moi « je ne trouve pas ça bien ». Le lendemain au meme effet, je dis Barrie « can I show you something? ». Il dit « no, I like it [as it is] !». Et puis a un moment, quand il est de bonne humeur et il est détendu il dit « show me. » « Ah much better ».

 

C’est un peu difficile. Il veut que ça soit terminé. Il fait trop de choses. Il travaille a droit et partout. Il veut que ça va vite. Et après on a quelqu’un d’inspirée qui demande des choses, et on peut aller même plus loins que lui il voulait.

 

Le Coq d'Or / The Golden Cockerel
®Jean Louis Fernandez

Son processus

Quel est votre processus pour créer les lumières pour les spectacles?

En générale, quand je ne connais pas l’opéra je regarde une vieille – du genre le MET. L’année dernière, on a fait il Travatore à Zurich. Je regarde une vieille mise en scène du MET où le spectacle c’est exactement comme il est marqué dans l’œuvre.  Donc une chose très réactionnaire ou très ancienne.

 

Et une fois que j’ai vu ça, je sais comment a été conçu l’œuvre plus au moins. Dans une version classique, décors historiques, costumes historiques, etcetera. Apres ça, on a vu une fois ce qui se passe dans l’œuvre. Il y a des choses parfois musicalement qu’on écoute beaucoup, il y a d’autres choses qu’on n’écoute pas trop.

 

Apres je vais voir un filage. Je ne vais pas en répétitions tous les jours à moins que je ne connaisse pas le metteur en scène. Donc je vais voir au début comment il travaille, comment il est, etcetera. En générale, je ne vais plus aux répétitions parce que c’est du temps perdu. Je veux voir un filage et là, je vois ce que le metteur en scène fait avec le spectacle. Ça, ’est la période quand répète le spectacle. Pour moi, l’important avant, c’est un an avant, on a une maquette du décor et on essaie de simuler le décor en nature sur le plateau.

 

Et là pour moi c’est très important, bien entendu, de savoir qu’est-ce que je peux faire dans ce décor. Quels matériels j’ai à disposition? Comment je vais mettre les projeteurs? Quel style de projeteurs? Est-ce que le décor a un plafond? Est-ce que le décor a des fenêtres ? Est-ce que c’est ouvert ? Et là, il faut que je dise tt de suite au metteur en scène ou au décorateur « tu sais si vous voulez faire cela, on va falloir faire ceci, cela. On va pouvoir éclairer de face ou il faut construire des lumières de l’intérieur. C’est important de dire « il me faut ce matériel pour travailler dans le décor».

 

Apres pendant un an, il ne se passe rien. Et puis après je vais voir le metteur en scène. En générale, 15 jours avant la première, le décor est construit et on commence à faire les lumières. Alors, il y a toute une période ou on fait des lumières avec des doubles lumières sans musique. On essaie de comprendre comment fonctionne le décor, Qu’est-ce qu’on peut faire avec, etcetera. Et puis après, il y a des scènes orchestres ou l’orchestre joue, les chanteurs chantent, il n’y a toujours pas de costume. Là on travaille vraiment les choses qui sont plus émotionnels – est-ce que c’est trop fort ou trop faible? Est-ce que les chanteurs doivent être plus important?  Est-ce que ça fonctionne avec la musique?

Donc c’est effectivement trois semaines de travail.

The Golden Cockerel
®Jean Louis Fernandez

 

Donc il peut avoir un an après que vous êtes embauché pour le projet et c’est vraiment les dernières semaines avant la soirée d’ouverture.

Voila. Alors qu’un décorateur et un metteur en scène, ils doivent travailler deux ans, trois ans avant. Travailler, discuter ce qu’ils veulent faire, envoyer des plans, etcetera. Nous on fait, c’est comme la cuisine. On achète les choses et puis hop,  on voit comment ça passe.

 

Quand est-ce que vous avez commencé avec Barrie pour Le Coq d’Or?

On a eu cette première semaine à Aix pratiquement un an avant aller à Lyon. En 2020. Et à Aix on a travaillé – à Aix c’est particulier parce qu’on éclaire la nuit – on n’a pas beaucoup de temps. On a eu peut-être 20 heures pour faire la lumière mais bon le spectacle de Lyon on avait plus de temps.

 

A Aix, ça a été présenté à un festival donc est-ce que c’est dans un vrai théâtre ?

C’est un lieu clos mais ce n’est pas un vrai théâtre. Ce n’est pas très haut. Et la salle est ouverte. La salle est en plein air.

 

Donc c’est assez limité les possibilités – parce qu’on n’a pas d’hauteur. C’est n’est pas un vrai théâtre. Mais il fait beau – on peut se promener en journée parce qu’on travaille la nuit donc ce n’est pas désagréable non plus.

Crédit : Vincent Beaume

Est-ce que vous avez toujours travaillé pour les spectacles d’opéra ou aussi des spectacles théâtraux?

Non. A Düsseldorf, j’ai fait du théâtre pendant 9 ans. J’ai fait que du théâtre. J’ai fait du ballet aussi à Berlin. Et puis j’ai fait pratiquement un peu tout ce qu’on peut faire. J’ai fait des défilés de mode. J’ai même éclairé des baignoires dans des foires expositions. J’ai même fait le championnat du monde de la coiffure. J’ai fait un peu de pop, du reggae, des concerts dans la rue, du cabaret. J’ai un peu touché a tout.

 

L’opéra vous attire pour une raison spécifique?

Les opéras, c’est des vraies structures. C’est des vraies maisons qui travaillent tous les jours. J’adorais faire le festival de jazz à Strasbourg mais bon c’est improvisation tout le temps. C’est assez fatigant. Le théâtre, l’opéra, c’est très structuré. Il y a un processus, des répétitions pendant 6 semaines. Tout ça s’est très bien organisé. C’est un vrai fixe.

 

Et puis en dehors, je fais beaucoup d’autres spectacles dans d’autres opéras à droite et à gauche. C’est magnifique.

 

Est-ce que vous avez un espace préféré ou un théâtre préféré dans lequel vous préférez travailler?

Alors, il y a des choses différentes. J’adore travailler à Zurich parce que l’équipe est fantastique mais le théâtre est un peu petit.  J’adore travailler à Beyrouth et on pourrait faire des choses. Le problème c’est que c’est très mal géré et c’est difficile de travailler là-bas. L’Opera d’Amsterdam, c’est une immense scène c’est un lieu agréable pour travailler.

 

Chaque théâtre a des avantages et des désavantages. Disons, si je devais faire la somme de tous les avantages pour vraiment faire un bon travail, Zurich est vraiment la maison la plus parfaites, c’est sûr et certain. On a la gentillesse des équipes, beaucoup d’argent, beaucoup de matériel, super bien organisé.

 

Par contre je peux dire le pire théâtre auquel il ne faut pas aller travailler à Copenhague ou j’ai encore fait une expérience désastreuse, l’opéra Bastille épouvantable. Ici à l’opéra de Lyon pendant un an et demi, le théâtre était fermé – on a fait le Coq d’Or avec très peu de gens dans la salle. Le jour où les équipes ont reprises, vendredi, la première chose ce qu’ils ont fait c’est une réunion syndicale pour savoir quand est-ce qu’ils allaient faire grève!

Crédit : Vincent Beaume

 

C’est très français, ça!

Je suis parti de la France à cause de ça. C’était impossible. Les premiers théâtres ou j’ai travaillé, Montpellier, Nice, à l’opéra de Lyon, j’étais interdit de séjour parce que je voulais travailler donc ça s’est passe très, très mal. Et là, l’ambiance c’est très pénible et les théâtres sont mal équipés. C’est pour ça que je suis partie. Je savais que je n’arriverais pas. C’était impossible. Mais ce n’est pas grave. On est bien en Suisse.

 

Des conseils pour les éclairagistes du futur

Si quelqu’un voulait entrer dans le métier d’éclairagiste ou « light designer », que leur direz-vous?

Je crois que c’est des métiers- c’est comme quand on veut être photographe ou architecte ou peintre, c’est des métiers qui sont complétement bouchés. Moi je travaille à Paris, Amsterdam, Vienne, Munich, Zurich, Berlin, Madrid. Les collègues que je vois dans ces maisons il y a peut-être 5 ou 6 du niveau mondial.

 

Donc c’est très difficile de gagner sa vie ?

C’est très difficile parce qu’il faut avoir des metteurs en scène. Il faut trouver un metteur en scène qui a du succès. Barrie est venu travailler à Berlin. Cette chance inouïe de hasard qu’il vienne à Berlin et qu’on s’entend bien. Et puis a l’opéra-comique de Berlin, a l’époque c’était très en vogue pour l’opéra avant-garde et donc j’ai connu des gens à l’époque qui sont devenus des metteurs en scène du futur avec qui on travaille beaucoup. On peut aussi faire du super boulot à Mannheim et il n’y aura jamais un metteur en scène qui viendra là.

 

Donc si on veut faire ce métier, ça fait quand même 26 ans que je suis très introduite dans le milieu d’opéra en Europe et je connais deux nouveau « light designers » qui travaille en Europe maintenant en 26 ans.

 

C’est parce que personne ne s’intéresse ou parce que c’est tellement difficile d’y entrer?

Je pense que beaucoup de gens font l’erreur de penser que c’est un métier technique. Bien entendu, il faut savoir toute la technique. Moi je ne suis pas électricien mais je sais comment marche un projeteur, l’optique. J’ai beaucoup d’expérience avec beaucoup de matériels différents.

 

Mais ce n’est pas qu’un métier technique. Il faut aussi avoir dire au metteur en scène, il faut pouvoir le rassurer, il faut faire des propositions, il faut l’aider. On subit toute la tension. C’est des gens pas très faciles. Il faut pouvoir aussi encaisser le choc. C’est énervant et puis on a les problèmes avec les chanteurs qui sont aveuglés.

 

Il faut être peintre en fait. Mais on peint avec les projeteurs. Il faut être libre. Il faut savoir réagir. Il faut être souple mais aussi se battre. Ce n’est pas simple quand même.

The Golden Cockerel/ Le Coq d'Or
®Jean Louis Fernandez

 

Derniers mots sur Le Coq d’Or

Qu’est-ce que vous pouvez nous dire sur le spectacle Le Coq D’or?

Il y a une ambiance très particulière du début jusqu’à à la fin du spectacle.  C’est un univers très très spécial qu’on voit rarement dans les opéras.

 

Le décor est assez incroyable et la façon dont Barrie travaille dans ce décor très très extinctif est très spéciale. La distribution est extraordinaire, même assez fascinant. L’œuvre en elle-même est assez compliquée. C’est une espèce de conte historique, un conte philosophique. La musique est magnifique. Plus on le regard, plus on aime ce spectacle et plus on aime la musique aussi.

 

Au début c’est un peu long, des monologues… C’est une ambiance très particulière. Je trouve c’est très atypique. Parfois dans des productions comme ça ou c’est atypique, ça peut être extrêmement ennuyeux ou ça peut être formidable. Et Barrie n’a pas voulu faire quelque chose de folklorique comme on fait d’habitude et c’était une très bonne idée. Il a trouvé le vrai moyen d’entrer dans cet œuvre.

 

Vous avez dit que c’est une ambiance très spéciale. C’est un peu comme un rêve?

C’est un rêve, C’est très onirique. C’est difficile à décrire parce que c’est une ambiance particulière. Les personnes l’interprètent de façons différentes.

Nous remercions énormément Franck Evin pour cette interview. La saison du Coq d’Or au festival d’Adelaide commence ce soir. Il était complet mais des nouvelles places ont Il était complet mais de nouvelles places se sont libérées. Achetez les votre vite pour ne pas rater cet opéra qui est peut-être encore plus important avec les évènements actuels en Ukraine.

 

INFOS PRATIQUES POUR LE COQ D’OR

QUOI : l’opéra Le Coq d’Or au festival d’Adelaide

QUAND:  ce soir 4 mars, dimanche 6 mars, mardi 8 mars et mercredi 9 mars

OÙ: Festival Theatre, Adelaide

COMMENT : Achetez vos billets par ce lien: https://www.adelaidefestival.com.au/events/the-golden-cockerel/

COMBIEN:  Les prix des billets sont les suivants :

Adulte

Premium 319 $, Réserve A 249 $, Réserve B 199 $, Réserve C 149 $.

Amis du festival

Premium 271 $, Réserve A 212 $, Réserve B 169 $, Réserve C 127 $

Concession (retraité, détenteur d’une carte de soins de santé, membre de la MEAA)

Réserve A : 199 $, Réserve B : 159 $, Réserve C : 120 $

Moins de 30 ans (pièce d’identité requise)

Réserve B : 100 $, Réserve C : 75 $

Étudiant à temps plein (pièce d’identité requise)

Réserve B : 90 $, Réserve C : 65 $

Réserve D

69 $

Les réservations entraînent des frais de transaction de 8,95 $.

Vous vous intéressez peut-être aussi à notre interview avec Wilfired Gonon, l’acteur qui jouait le Coq d’Or dans les representations à Lyon et à Aix en Provence l’année dernière.

Pour connaitre d’autres spectacles avec liens français qui seront présentés au festival d’Adelaide, lisez cet article

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