Il y a quelques semaines, avant l’ouverture officielle de l’exposition Colours of Impressionism: Masterpieces from the Musée D’Orsay, j’ai eu l’occasion de faire la connaissance de et parler avec Paul Perrin, conservateur et commissaire d’exposition du Musée D’Orsay. Information et billets à la fin de l’article.
Pourquoi les impressionnistes sont-ils si importants ?
Je pense que les impressionnistes sont vraiment absolument décisives et important en ce qui concerne l’art moderne parce que ce sont eux qui ont vraiment les premiers à décider de sortir des conventions de l’art de la peinture, d’explorer de nouvelle voix, d’aller plus loin dans leur exploration dans la couleur, dans la lumière, du temps, du mouvement. Donc je pense qu’ils ont été vraiment ceux qui ont eu ce sentiment d’explorer quelque chose qui n’a jamais été fait avant. Et puis je pense qu’en faisant, en recherchant, leur principale but c’était vraiment de la lumière – comment représenter la lumière, et comment représenter le changement de la lumière. Je pense qu’en faisant ça, petit à petit, ils ont ouvert l’art a quelque chose de peut-être plus abstrait qui a un sens indépendant de la peinture vis-à-vis des conventions traditionnelles de la représentation.
D’où vient le nom impressionniste?
C’était après un tableau de Monet, «Impression, Soleil levant». Il est à Paris (pas au Musée D’Orsay, il est au Musée Marmottan). Et ce tableau est très esquissé. C’est une vue du Havre, du port du Havre avec le soleil qui se lève. Et donc ce tableau a été expose à la première exposition de groupe quand ils se sont réunis pour s’exposer en groupe, ce tableau a été expose. Dans la presse, un critique se moque de Monet et se moque de son tableau en disant «mais vraiment impression soleil levant, ces peintures sont des impressionnistes, ce sont des impressions. Donc c’était vraiment péjoratif et négatif au départ. Et puis petit à petit, eux-mêmes vont réutiliser le mot parce que ça va passer dans le langage.
Juste comme le terme « impressionniste » a été utilisé comme quelque chose de péjoratif, on a dit que les tableaux des impressionnistes n’ont pas été accepté par le Salon et n’étaient pas apprécies et été jugés même comme vulgaire. Au moins c’était pendant la vie de ces peintures ont été accepté par rapport à Van Gogh qui n’a pas eu de bon regard pour ses œuvres pendant qu’il était en vie.
C’est un peu diffèrent avec les impressionnistes parce qu’au début ils vont être régulièrement rejetés par le système académique officielle, par la critique et les amateurs, les visiteurs de l’époque mais progressivement, ils vont trouver des amis, des critiques, les collectionneurs qui vont les soutenir, qui vont acheter leurs peintures, des marchands qui vont vraiment investir–donc il y avait quelques personnes qui ont cru en eux et petit à petit ils ont créé un marché pour l’impressionnisme.
Connait-on les noms des gens qui ont cru en eux
Oui. Ils ne sont pas très connus aujourd’hui mais il y avait quelques amateurs. Un amateur qui s’appelle Choquet, qui est un personnage un peu excentrique qui n’avait pas beaucoup d’argent mais qui adorait leurs peintures et qui a commencé à acheter ces tableaux impressionnistes. Le marchand Durand-Ruel, c’est lui qui vraiment à acheter les peintures, les soutenir, à organiser les expositions, à soutenir le marché qui va avec. Donc en fait à partir des années 1890, ils deviennent vraiment populaires ; ils ont des amateurs partout dans le monde, notamment aux Etats Unis. A la fin de leurs vies, Renoir et Monet vivent très bien et sont assez riches et gagnent beaucoup d’argent avec leurs tableaux.
Donc il y a 65 peintures ici pour l’exposition et le projet a pris 4 ans…
Oui, ça fait 4 ans qu’on travaille sur ce projet.
Comment avez-vous choisi les 65 peintures qu’on voit ici ?
L’idée c’était de vraiment choisir les meilleures peintures qui puissent raconter cette histoire de l’impressionnisme en couleur. On a regardé dans nos collections pour les plus beaux tableaux et les plus intéressants qui puissent justement illustrer cette histoire de la couleur. Donc c’est vraiment comme ça qu’on a organisé notre parcours. L’idée aussi c’était d’avoir des chefs d’œuvres, des œuvres très connus, et des œuvres un peu moins connus de la collection – donc de mélanger un peu des deux et aussi en terme des deux, d’avoir des artistes très connus, par exemple Claude Monet, on a 10 tableaux de Claude Monet, mais aussi d’avoir d’autres artistes que les gens connaissent peut-être un peu moins bien donc d’avoir les choses un peu variées.
Comment êtes-vous arrivé à l’idée de faire cette exposition par couleur ?
En discutant donc avec ma collègue, l’autre commissaire de l’exposition Marine Kisiel on s’est demandé comment faire pour raconter l’histoire d’impressionnisme différemment qui soit à la fois simple, qui permet d’avoir un crible très beau parce que c’est le but que ces tableaux rayonnent, qu’ils soient beaux. Nous, ce qui nous intéressait avec Marine Kisiel, c’est aussi la manière dont ils sont faits des tableaux. On fait partie d’une génération des historiens d’art («curators») qui a beaucoup, nos prédécesseurs ont beaucoup travaillé sur les questions iconographiques (social history, culture, gender, toutes ces choses-là) et finalement on ne regarde plus vraiment la matière. Le basique, comment ils faisaient, pourquoi ils utilisent telle couleur, comment ils mettent une couleur a cote d’une autre, pour quelle, pourquoi et donc on s’est dit on va revenir a quelque chose de la base qui est la couleur et on va voir si on peut raconter quelque chose de différent.
Souvent quand on voit une exposition c’est soit par artiste, soit par sujet – donc là, c’est vraiment différent de passer d’une pièce à une autre avec les couleurs qui changent.
Il y a des salles dans lesquelles on a vraiment réussi à faire des ensembles très cohérents de couleur, le noir, le blanc, le vert, le bleu par exemple et des autres qui sont plus mélangés parce que finalement on arrive à la fin de la période et ça part dans tous les sens. Donc du coup, on ne peut pas dire que tout est dans une couleur. En fait, ça part dans tous les directions. Donc à la fin c’est presque plus une sorte d’arc en ciel de couleur que les ciels du début. C’est vrai, on a regardé un peu et il n’y a jamais eu d’exposition d’impressionnistes qui sont organisés par couleur.
Et après Adélaïde, ça va rentrer à Paris ? Et est-ce qu’il y a déjà de l’intérêt pour le faire ailleurs.
Cette exposition a déjà eu une étape à Singapour avant celle-là, et ensuite Adélaïde et après Paris.
Est-ce que vous allez remplacer des peintures que nous avons ici avec des autres au Musée D’Orsay pendant cette exposition ?
Oui on a pioché dans des réservés pour remplacer les tableaux. Donc des gens à Paris puissent voir d’autres tableaux – c’est l’occasion de montrer d’autres tableaux. Il y a toujours des choses à voir a D’Orsay.
Et quel est votre tableau préféré de l’exposition ?
Mon tableau préféré c’est complique aujourd’hui. J’ai du mal à choisir. La Pie, le tableau de Monet, c’est le tableau que j’avais quand j’étais petit dans ma chambre parce que j’avais visité le Musée D’Orsay quand j’étais enfant et j’avais demandé à mes parents de m’acheter le poster. C’est un tableau que j’ai vu pendant très longtemps dans ma chambre et qui m’a donné envie de faire de l’histoire de l’art et de travailler dans un musée. Aujourd’hui ce n’est pas forcément celui que je préfère. J’aime bien le Renoir maintenant. Mais je pense que celui avec lequel j’ai une relation particulière.
Avec ces peintures avec des valeurs incroyables, je n’ose même pas poser la question cote l’assurance-
Ça coûte beaucoup d’argent en assurance. D’ailleurs je pense qu’ici pour assurer l’exposition il a fallu l’appui du gouvernement pour assurer cette exposition. Ils sont venus par avion – tous les transports de l’art dans le monde sont par avion ou par camion mais là, c’est un peu difficile. Donc tout ça est venu par avion de Paris. Je ne peux pas parler trop de détails parce que c’est un peu secret mais….
On voit par exemple dans les films que les tableaux sont dans des grandes caisses en bois
Oui, ce sont des caisses en bois qui sont faites exprès pour le transport d’art et qui sont isothermes avec des films d’aluminium et des différents matériaux à l’intérieur pour vraiment que l’objet soit protégé du choc et protégés des variations climatiques.
Est-ce que c’est la première fois que ces peintures ont été en Australie ?
Quelques-unes ont déjà été prêtées pour des expositions dans le passe. Pour la majorité, c’est la première fois qu’elles viennent ici.
Quand et pourquoi êtes-vous devenu commissaire d’exposition et conservateur ?
En français, on a deux mots – conservateur – quand on est chargé d’une collection dans un musée et ensuite quand on fait une exposition on est commissaire d’exposition. Curator c’est à la fois conservateur et commissaire d’exposition. J’avais une impression pour l’histoire de l’art mais ce qui m’intéresse c’est l’histoire de l’art mais aussi le lien avec le public, ne pas juste être dans mes livres à mon bureau en faisant des recherches mais aussi être dans un lieu où les gens viennent et on peut discuter quand on fait des visites parfois, et puis surtout de proposer une expérience physique qui est celle de la visite d’un musée, la visite dans une exposition – ca m’intéresse beaucoup pas juste le travail d’historien d’art scholance mais aussi un lieu d’éducation, un lieu d’émotion – ca je voulais vraiment travailler dans un musée.
Et en fait tout ça a démarré quand vous avez vu La Pie
Exactement!
Sans être indiscret, est-ce que vous êtes jeune pour une position dans un musée tellement connu ?
Oui. J’ai 31 ans. Oui, c’est vrai que j’ai eu de la chance d’avoir ce job au Musée D’Orsay assez vite. En France, on a un concours pour devenir « Curator ». Donc j’ai passé un concours pour devenir curator et à la sortie, à la fin du concours, il y avait un job qui s’est libéré au Musée D’Orsay. Il tombe à un moment ou le directeur du Musée voulait rajeunir et avoir un regard plus jeune sur ces collections et donc j’ai eu la chance. Ça fait 4 ans.
Est-ce que c’est votre première fois en Australie?
Ça fait 2 semaines que je suis ici, et je repars demain matin [qui fût lendemain de la soirée d’ouverture de l’exposition].
L’exposition sera à l’Art Gallery of South Australia jusqu’au 29 juillet. Vous pouvez réserver des billets ici ou sur place au musée. Dans les semaines à venir, je partagerai mes pensées de l’exposition avec vous. Mais je peux vous dire déjà que ça vaut bien le coup d’y visiter!