Aurore Ghigo, était l’ambassadrice du Bon Fromage 2024, un festival du fromage français. Elle est fromagère avec son propre business de fromage à Sydney qui s’appelle La Boîte à Fromages – Cheese on Wheels. On lui a parlé du festival Bon Fromage, de son parcours et du fromage français bien sûr !
Aurore Ghigo, depuis quand êtes-vous fromagère ?
J’ai commencé en 2011 à Sydney.
Donc vous n’avez pas fait ça en France ?
Non, j’ai fait l’école hôtelière en France. Je suis venue en Australie après mon diplôme et je travaillais dans cette fromagerie à Sydney et j’ai travaillé pour eux pendant plus de 8 ans. Et entre temps j’ai aussi déménagé dans une ferme organique et biodynamique dans le Mid North Coast de NSW où j’ai fait du fromage et des yaourts. Un coup j’ai appris beaucoup sur le fromage. Et ensuite j’ai ouvert mon propre business
Ce qui est La Boite à Fromages/Cheese on Wheels.
Oui, donc plusieurs fromages français et des fromages australiens.
Et vous faites vos propres fromages ?
Non, plus maintenant.
Pourquoi avez-vous décidé d’être fromagère ?
J’aime le fromage ! Je pense que j’avais un intérêt très particulier à savoir l’origine et comment le produit est fabriqué parce que ça vient du lait. J’ai travaillé sur une ferme et le fait de m’occuper des vaches du début jusqu’à la fin de voir le produit fini, je trouvais ça super intéressant. Donc d’où mon intérêt après à prendre sur les autres fromages et comment ils sont faits, quels sont leurs origines, quelles sont leurs particularités? Donc je pense que je ne sais pas si c’est le fromage qui m’a choisi ou si c’est moi qui ai choisi le fromage ! Mais voilà, j’aimais le fromage mais ce n’est pas que manger du fromage, c’est aussi savoir d’où il vient et pourquoi on mange ce fromage à tel moment et pas à un autre.
Justement vous avez mené des cours de maître au Bon Fromage au sujet du fromage pour le petit déjeuner. Vous avez introduit le fromage dans tous les repas.
Dans tout le repas. Je pense que c’est en France, c’est un élément où on a toujours du fromage. Comment je me souviens on mange un camembert en fait quand on cuisine parce que je me souviens de manger un morceau de comté ou de camembert tandis qu’on va profiter d’un fromage de chèvre avec du miel et des noix à la fin du repas. C’est plus comme un dessert si on ne veut pas un dessert, c’est le fromage à partager. Donc je pense qu’un fromage pour toutes les occasions ou par exemple moi quand je suis triste, je mangeais du chocolat blanc ou du fromage de crème parce que ça c’est réconfortant, un peu lourd mais vraiment réconfortant. Donc je pense que c’est vraiment savoir qu’il y a un fromage pour tout.
Et le temps que vous avez passé nos fermes dans la ferme c’était pour les 88 jours (pour avoir une deuxieme annee du visa vacances-travail ?
Non, vraiment pas du tout. Non pour ça, j’ai ramassé des fruits.
J’ai travaillé à Sydney dans une fromagerie puis je travaillais pendant un moment au GPO où la dame qui s’occupait avant moi qui avait ce fromage et donc j’ai rencontré David Marks. Et il était tellement enthousiaste par rapport à son fromage, et on a déjà ma connaissance, et le fait que je sois française … J’avais vu sa philosophie et ce qu’il faisait qu’avec mon mari on est allé et puis on a décidé en fait d’y rester. Et on a loué la maison qui était à côté et on a travaillé. Et on allait à Sydney à Carriageworks Market toutes les semaines, le samedi à vendre ses yaourts et ses fromages.
En France vous avez de la famille qui est dans le fromage ?
Non pas du tout. Ils adorent le fromage.
Des fermières ?
Non, même pas. Je faisais la tour des vaches.
C’est un gros changement des études d’hotellière.
C’est un gros changement mais vraiment je pense très intéressant. C’était très intéressant de voir en fait l’Australie de taille, où sur les grandes fermes les « stations » tout est très très gros et là c’était seulement 40 vaches, elles avaient tous un nom. C’était tout petit pour l’Australie mais c’était très précis sur ce qu’on faisait et ce qu’il faisait, la finalité du produit.
Et vous avez étudié le fromage depuis ?
Je n’ai pas fait de cours, je lis beaucoup. En France, on a des CQP, c’est des formations avec des écoles par rapport à comment couper le fromage. J’ai eu des formations à l’école hôtelière mais pas de formation approfondie mais beaucoup de livres. J’ai rencontré des MOFS [les Meilleurs Ouvriers de France] quand je suis allée en France plusieurs fois qui me disent que j’avais une très très bonne connaissance puisque dans l’absolu il y a beaucoup de livres, il y a tellement d’informations…
Parlant maintenant du festival Bon Fromage. Ça fait 5 ans à Sydney, je crois.
A Sydney, oui.
Et avant ça c’était à Melbourne ?
Oui, la première année.
Est-ce que c’est une idée a vous?
Non non, c’est sponsorisé par le Centre National Interprofessionnel de l’Economie Laitière (CNIEL). C’est eux qui cherchaient. Je me souviens donc à Melbourne la première fois qu’on l’a fait, on a été contacté par une dame qui s’appelle Maria, d’une compagnie comme SOPEXA, la compagnie qui s’en occupe. Donc c’est une dame Maria qui avait fait pas deux fois donc la première fois Melbourne c’était tout petit. C’était vraiment la première fois. Et donc après il y avait une deuxième fois où c’était à Sydney à Carriageworks, et après ça a été avec SOPEXA.
Et puis il y avait la COVID .
Et puis il y avait la COVID entretemps et c’était différent donc on a eu la première fois avec Xavier Thuret, qui est un Meilleur Ouvrier de France [en 2007] qui était venu à Sydney. On avait François Robin qui est aussi un Meilleur Ouvrier de France [de 2011] a fait Sydney où je l’avais fait avec lui. C’était en 2019, après j’ai fait le International Cheesemonger Competition où j’avais vu d’autres MOFs donc c’était intéressant.
Un MOF c’est bien un Meilleur Ouvrier de France ?
Oui, il y en a juste un par an par chaque catégorie. Après François Robin avait fait une en ligne de France et moi j’avais fait une en ligne l’année d’après où on avait fait VIVE Cooking School en toute sécurité et ensuite maintenant on a le re-format.
À part les années COVID, comment est-ce que le festival a changé ?
Je pense que l’obsession des gens pour le fromage change. Je pense que la COVID nous a appris à regarder ce qu’il y avait autour de nous. J’ai eu un grand engouement pendant que la COVID de regarder les petits fromages de local shops, et les gens ils ont donc découvert d’autres choses et comme quoi on n’avait pas toujours besoin de sortir et qu’on pouvait entertain et faire un nouveau plat. Je pense que l’Australie est très cosmopolitan et très ouvert donc c’est différent qu’en France. Donc je pense qu’il y a un engouement de savoir vivre des bonnes choses qui évolue.
Donc c’est la COVID qui a fait ce changement ?
Pas spécialement mais je pense que ça a exacerbé l’envie de sortir, de faire quelque chose.
Quels sont les défis de monter un festival comme celui-ci avec les fromages importés ?
La finalité du festival c’est des fromages de vaches donc c’est vrai qu’on aime comparer. Par exemple on ne va pas parler de fromage de chèvre, ou de fromage de brebis donc c’est vraiment déjà une l’emphase sur le fromage de vache en lui-même. Aussi, je pense pour eux, c’est peut-être aussi d’être sûr que tous les festivaliers qui viennent, ils ont une préparation avec du fromage, que ça reflètent évidemment le fromage. Et puis aussi montrer la variété que même si c’est que du fromage de vache, il y a tellement de variétés, comme la différence entre la brie et le camembert, le double crème. Les gens pensent souvent au fromage dur et au fromage bleu mais il y a plein de variétés dans une seule catégorie.
Donc vous avez mené les coups de maître avec le chocolat, et avec le café du matin. Est-ce que vous mangez du fromage avec chaque repas ?
Pratiquement. Un petit peu. Il y a des jours je ne vais pas manger de fromage. Puis il y a des jours où je mange beaucoup parce que j’ai mauvaise humeur ou juste envie de manger du fromage je pense comme du chocolat, c’est addictif. Je pense qu’on en mange un peu, mais des fois on a besoin d’un peu plus par exemple le chocolat au lait, j’adore ça et dès que depuis qu’il y a le chocolat au lait qui traîne dans la cuisine, et je mange du chocolat au lait.
Il y a des jours où je mange plus de fromage. Après j’ai toujours du fromage dans le frigo et je vais prendre un morceau de pain et puis je vais mettre un peu de fromage dessus pendant que je cuisine. Et puis je remets le fromage dans sa boîte. Il y a des jours qu’on a envie. Il y a un fromage pour toutes les gouts et pour toutes les occasions.
Quel est votre mariage préféré avec le fromage ?
Dans le fromage de vache, parce qu’on parle de vache évidemment, j’aime beaucoup le comté et le pinot. J’avais fait un très beau mariage au Cheesemonger Competition. On a des fois d’Italie, une confiture aux fraises, avec du balsamique donc un peu sucré mais c’est très très sirupeux peu et c’est un peu acidique et ils ont du fromage le gruyère Suisse qui est aussi un peu piquant qui est comme du gruyère. J’avais ça avec de la des meringues pour le croquant. C’était vraiment pour moi si on veut quelque chose qui est vraiment hors de l’ordinaire. C’est le croquant sucré de la meringue avec l’acidité de cette confiture et la puissance du gruyère.
Je salive !
Le comté avec cette confiture et de balsamique. Vous pouvez le faire vous-même. Vous prenez des fraises, du sucre et du balsamique et vous les faites cuire en faite jusqu’à que ca se fait compoter et le comté avec ça c’est du comté avec un bon gout de noisettes avec le petits points d’acide c’est trop, trop bon.
Arretez ! Est-ce que vous avez un fromage de référence ?
Comté. On a fait le cours de maitre au sujet des fromages pour le pique-nique, j’ai dit qu’il faut toujours quand on a des gens qui viennent avec une gathering on a toujours besoin d’un ou deux fromages qui plaisent au plus grand nombre. Il est toujours mieux d’acheter un morceau ou deux. On dit c’est 1, 3 et 5 mais il est toujours mieux d’en acheter moins mais plus gros que beaucoup et petits parce qu’on ne sait jamais, Mais il faut aussi toujours être sûr qu’on a ce qu’on appelle un Crowd Pleaser en anglais, un double cream brie, un comté, quelque chose qu’on sait que tout le monde va aimer et après on peut regarder out of the spectrum, les choses un peu plus différentes
Et est-ce qu’il y a un fromage controverse que vous aimez introduire aux gens ? Un fromage que les gens pensent ne pas aimer ou qui est un peu bizarre, different …
L’Epoisses parce que ça pue. Et vraiment ce côté de comprendre comment tous les sens en fait, ils marchent. Ce qui est intéressant, c’est le fait qu’il en a besoin de tous nos sens pour en fait déguster et je dis toujours « Give it a go ! »
Give it a go ! C’est tres Aussie. Quel est le fromage le plus rare que vous avez dégusté?
Le plus rare ? Lait d’anesse.
Le lait d’anesse ? C’était où ?
En Italie.
Je savais meme pas qu’ils faisaient ca. C’était comment ?
Rien d’extraorinaire. Et le casu martzu qui est un fromage corse qui a des vers. Mais je me souviens il y a très longtemps quand j’étais encore en France avoir fait mariage et ils avaient ce fromage avec ce vers. But give it a go !
On prend un bon tequila avec le vers avec ! Et également est-ce qu’il y a un fromage que vous souhaitez déguster que vous n’avez pas encore dégusté ?
Un fromage si j’ai pas encore en goûté je sais pas parce que peut-être je le connais pas. Un fromage que j’aimerais tellement qu’on ait en Australie et c’est un fromage qui s’appelle le Fébu, ca vient de ma ville puisque il y a plein de fromages. Et c’est un peu comme un Saint-Nectaire au lait cru.
Parce que les fromages au lait cru, on n’a pas le droit en Australie.
Que les pates non cuites comme le comté. Mais le Fébu c’est un peu comme le Saint-Nectaire c’est largement un petit peu pas de lavée très fondant en bouche, c’est un délice. Quand je vais en France je la ramène des kilos dans ma valise.
Vous auriez la valise qui pue.
La valise qui pue mais ce n’est pas grave !
Donc le thème du festival cette année c’est les fromages à travers les saisons et comment les saisons changent les fromages. Comment savoir quand on achète un fromage en Australie de quelle saison il a été fait?
Ça dépend du Cheesemonger que vous avez.
Donc les fromages du supermarché on ne peut pas savoir.
On ne peut pas savoir. Mais comme le comté je dis ça a une couleur très pâle, ça sera du comté d’hiver. Tandis que s’il a une couleur un peu plus jaunâtre, ça sera du l’été. La couleur du lait va changer la couleur de fromage. Ensuite on va voir comme les camemberts donc comme ils n’ont que quelques semaines d’affinage si on achète un hiver on saura qui sera fait évidemment en hiver. Ça s’applique beaucoup sur les fromages à pâte dure, à savoir que si par exemple on achète un comté de 12 mois maintenant vous savez que même s’il fait hiver chez nous, il aurait été fait en été en France. Tandis que si c’est en été chez nous quand on achetait 12 mois en Australie en janvier, il aura été fait en hiver en France. Mais il faudrait un 18 mois, si lui avait été fait en été si l’on veut avoir ce côté noisette ou noix de comté.
Et est-ce que vous avez une saison préférée dont les fromages sont faits ?
Le comté 36 mois était de Chez Badoz. Il est fait en été et c’est un seul fromager. Et il fait un comté qui est magnifique et j’ai de la chance d’avoir un très bon exportateur en France qui les choisit. Il sait ce que j’aime et j’ai demandé pendant des années le même numéro de l’eau [ce qui réfère au pourcentage d’eau présent dans un fromage] et à chaque fois que c’est le numéro de l’eau je voulais le même qui soit l’année d’après. Donc il savait ce que je voulais.
Et comment faire pour les importer? En fait ça vient en containeur ou en avion ?
En avion pour tous les fromages à pâte molles et les bleus et tout ce qui va être pas dur, ca viendra un réfrigérer bateau. Ensuite il faut faire des papiers.
Est-ce qu’il y a un message que vous souhaitiez passer aux gens qui viennent au Bon Fromage.
Essayer. Je pense que c’est essayer.
Give it a go.
Give it a go. Je pense que c’est important quand on va au cheesemonger. Quand les gens viennent dans mon magasin, je leur pose plein de questions. Qu’est-ce que vous aimez boire? Qu’est-ce que vous aimez manger? Il me regarde. Si vous me dites que vous aimez par exemple, j’adore la cuisine chinoise et j’aime le syrah, vous aimez tout ce qui se spicy, c’est quelque chose qui va avoir du gout. Donc je peux vous donner un fromage suisse de vache comme du Roka. Si vous me dites je suis très européenne comme moi, par exemple, je n’aime pas trop les fromages trop trop forts entre l’Epoisses que j’aime ça. Mais tout ce qui est Gruyère tout ce qui a vraiment du piquant, je n’aime pas ça, Après chacun est différent mais par exemple je suis plus Pinot, des vins rouges qui sont très legers et pas épicés.
Donc d’où dans la version pour les fromages qui sont trop forts pour moi c’est trop fort, je vais préférer des fromages comme du Brillant à Saint-Marin ou du comté; des choses qui sont un peu plus simples un peu plus facile pour mon palais. Mais essayez, c’est important et quand on va au fromagerie, c’est d’être sûr qu’on choisit quelque chose qu’on a choisi nous-mêmes, qu’on va gouter, qu’on va aimer.
Goûter avant de l’acheter
Toujours.
Qu’est-ce que vous pensez des fromages australiens par rapport aux fromages français ?
Il a de très bons fromages australiens. Je parle pas des brie et camembert qui sont exactement la même chose loin delà. Mais je pense que ce qui est bien par en Australie, c’est qu’on essaie des nouvelles techniques. En France, on fait des choses très très bien mais le fait qu’on peut s’adapter ici en Australie et on découvre encore. Donc je pense que ce côté découverte parce que nous avons un fromager qui est à Melbourne qui s’appelle Ivan Larcher qui a beaucoup travaillé en France. Il a sa propre fromagerie, il fait des beaucoup de fromages pour d’autres compagnies et il y a une école du fromage à Castlemaine, et même lui encore, il découvre parce que le lait différent donc les vaches sont différentes, la composition elle change et même pour le fromage, c’est pas comme en France où on utilise le même troupeau de vaches. Donc il y a encore ce côté un peu découvertes et même lui qui est super expérimenté, il découvre encore comment adapter les recettes et je pense qu’en fait c’est pas un mauvais point.
—
Nous remercions Aurore Ghigo et le festival Bon Fromage pour cet interview.
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