Bab L Bluz vient en Australie pour la première fois où ils joueront au festival WOMADelaide. Ce groupe franco-marocain joue de la musique marocaine, le blues africain. Nous avons parlé avec Brice Bottin et Yousra Mansour, deux membres du groupe. Lisez notre interview avec eux ci-dessous.
Alors vous venez en Australie pour le festival WOMADelaide. Qu’est-ce que le public peut attendre de vos concerts?
BRICE De l’amour, de la transe.
YOUSRA La belle énergie. Et il faut danser à fond et transpirer.
La musique est très rythmique, c’est facile à écouter aussi, et à danser. Mais bien sûr, en Australie, on n’est beaucoup du monde à comprendre le darija. Est-ce qu’il y a un message que vous souhaitez transmettre par vous, vos chansons et comment vous le transmettez à un public anglophone?
YOUSRA Déjà, on essaye de parler entre – pas toutes les chansons – mais de dire l’essentiel. Et aussi, je pense que même si on ne comprend pas les paroles, on ressent l’énergie qui vient avec la musique, on ressent des vibrations. C’est fou, ce n’est pas logique, mais ça arrive. Si on écoute un son, on peut deviner de quoi ça parle. Si on est vraiment bien, on pense que c’est possible. Et aussi on a toutes les traductions sur le CD pour les personnes qui veulent vraiment découvrir plus.
Notre message très important c’est vu qu’on est vraiment de différents backgrounds est un message de tolérance et de de mettre en valeur les différences culturelles et religieuses et ne pas les considérer comme source de conflits comme aujourd’hui dans différents pays où on a des guerres malheureusement pour des causes banales et bidons. Et il y a des gens qui ne meurent pour rien du tout.
C’est comme nous, on apprend tous les jours en voyageant et quand nos cerveaux, ils s’ouvrent sur d’autres cultures, on veut partager ça avec les gens et leur montrer qu’il y a nous, il y a les autres et il y a l’autre, il y a l’autre et chacun a son environnement, chacun a sa des traditions, chacun a des valeurs, a des points de vue différents et ça ne veut pas pour autant dire qu’on doit se faire la guerre, tout au contraire. Ça peut être un excellent échange, très, très intéressant et très constructif.
J’ai lu que le nom du groupe, Bab L Bluz signifie en anglais « The gate way to the blues » donc la porte d’entrée du blues, est ce que c’est vrai?
YOUSRA Exactement, ça veut dire la porte du blues. Quand vous êtes à Marrakech où on s’est rencontrés avec Brice, il y a plusieurs portes qui entourent l’ancienne médina, l’ancienne ville et chaque porte a un nom. Donc dès qu’on rentre, c’est comme un labyrinthe, on se perd. Lui, il ne se perd pas, moi, je me perds!
Marrakech est connue sous le nom de la porte du désert. Donc comme on s’est dit, voilà, ça peut être un jeu de mot intéressant de dire que d’appeler le groupe la porte du blues, mais un blues différent de celui qu’on connaît. C’est blues africain. Et aussi blues, ce qu’on peut appeler un chant triste du blues. Donc ça peut avoir aussi différentes explications.
Et là, vous êtes tous les deux à Lyon. Mais vous êtes basé à Lyon?
BRICE Au début on était au Maroc. Moi, je faisais les allers-retours. Et puis après Yousra est venue, il y a eu la COVID et du coup-là, on s’est établi. On n’a pas vraiment eu le choix. On a dû faire un choix. À un moment, les frontières se sont fermées, on était à Lyon, puis après on a beaucoup travaillé en Europe. Du coup, Lyon, c’était « plus stratégique. C’était plus simple pour aller jouer en Europe, d’être basé à Lyon.
Mais vous êtes de Lyon à l’origine, Brice?
BRICE Moi, je suis des Alpes de Annecy.
YOUSRA Je suis de El Jadida sur l’océan Atlantique, au sud de Casablanca. J’ai visité l’Europe pour la première fois en 2018.
Comment est-ce que vous vous vous êtes rencontrés?
BRICE On a été appelé tous les deux par un collectif de musique à Marrakech qui mêlait la musique jazz avec la musique gnawa. Yousra était appelée en tant que guitariste chanteuse, mais moi en tant que guitariste. Et c’est là qu’on s’est rencontré et tous les deux, on kiffait la musique gnawa. On respectait beaucoup aussi cette tradition.
Et puis un jour, on s’est dit « pourquoi pas nous aussi apprendre, le gambri etc. » Puis on avait un studio, donc on a pu enregistrer ce qui était les démos de notre premier album en même temps qu’on apprenait un peu les instruments et puis voilà, l’idée c’était de faire comme un power trio, mais remplacer la basse par le gambri et la guitare par awicha électrique. C’était ça un peu le point de départ.
Et vous jouez aussi les instruments, Yousra.
YOUSRA Oui. Moi, je joue un instrument qui ressemble au gambri, mais la différence c’est que mon instrument, il est plus petit et il sonne comme une guitare. Et l’instrument de Brice, il est plus grand et il a un son de basse. Mais on a les mêmes cordes, on a les mêmes notes. Ce sont des instruments à trois cordes.
Je ne sais pas si c’est correct parce qu’on ne peut pas croire tout ce qu’on lit. Est-ce que c’est vrai que normalement c’est les femmes ne jouent pas l’instrument que vous jouez?
YOUSRA Normalement à l’époque, c’est toute la musique qui ne suit pas un cursus académique, qui n’est pas enseigné au conservatoire était difficile d’accès pour les femmes. Je ne vais pas dire que les femmes n’ont pas fait de la musique au Maroc, il y a beaucoup de musiciens qui ont fait des instruments. Mais, vraiment dans un cadre, dans un conservatoire, avec une surveillance, il n’y a pas de liberté. Mais toutes les musiques un peu roots ou du rock, ou bien la musique gnawa ou de la musique chaabi mais qui n’est pas enseignée à l’école – ces musiques-là, sont difficiles parce que déjà il y a tout un environnement où la femme, elle se retrouve libre à sortir quand elle veut, à rentrer quand elle veut. Et là, ça ne plaît pas au patriarcat, bien sûr.
Surtout dans la musique qui est roots mais traditionnelle, dans un pays où la femme, elle était à l’époque, elle devait faire à manger et s’occuper de ses enfants. Et même si bien sûr il y a eu beaucoup avant, il y a eu des femmes aussi libres et il y en aura toujours et elles se battent. Mais quand même, Il y a eu une époque où les femmes ont perdu beaucoup de leurs droits et de leur liberté et malheureusement, ça s’est répercuté aussi sur les environnements sur la culture.
Mais récemment, mais depuis déjà une bonne dizaine d’années, il y a beaucoup d’apparitions féminines en force. Il y a beaucoup de filles et de femmes qui prennent des instruments, qui vont aussi dans des pubs, des clubs qui vont aller faire des jams, qui vont aller sur scène, qui vont prendre leur courage, ils vont aller filmer des vidéos, les mettre sur internet sans se soucier, sans avoir peur. Et ça, je trouve ça très courageux. Et du coup, la société, elle commence aussi à l’accepter. Voilà, c’est le but, ce n’est pas qu’elle accepte mais c’est juste qu’elle trouve ça normal parce que c’est normal que les femmes aient les mêmes droits que les hommes dans la société.
Je ne parlerais pas trop de ça parce que c’est un peu négatif mais j’ai lu aussi que vous avez eu des critiques du fait que vous chantez.
YOUSRA Oui, c’est sûr. Pas énormément, pas maintenant. Maintenant, on a vraiment eu beaucoup d’encouragements. Mais c’est vrai qu’à une époque où je commence à apprendre la guitare, à aller dans des endroits où il y a l’alcool, l’alcool qui est déjà « interdit » dans la société, même si ce n’est pas vraiment interdit.
En tant que fille, je m’habillais comme je voulais donc ça ne plaisait pas forcément. J’ai vécu dans un environnement traditionnel, donc qui c’est vraiment populaire là où j’ai grandi. Donc, c’est vrai qu’il y a eu un problème par rapport à la liberté que j’ai eu avec mes sœurs qui ne plaisaient pas à certaines personnes de notre voisinage, mais qu’au final on a une maman qui est magnifique et qui nous a toujours soutenus et qui nous a toujours incités à être libre et à faire ce qu’on voulait et qui nous a encouragé à être heureuse, pas à se soucier du regard des autres.
C’est bien d’avoir du soutien de la famille comme ça.- quelqu’un qui vous soutient, qui vous pousse à continuer.
YOUSRA Oui, on a aussi beaucoup d’amis car c’est vrai qu’il y a un environnement du voisinage qui n’était pas très, très, très ouvert. Mais dans d’autres villes au Maroc, il y a eu du soutien. Il y a une communauté qui encourage aussi la musique, qui encourage cette liberté et heureusement qu’on finit par se rencontrer et par s’encourager mutuellement.
Brice qu’est-ce qui vous a mené au Maroc à l’époque que vous vous êtes rencontrés? C’est ce collectif où vous vous étiez là-bas pour travail voyage?
BRICE C’était un groupe. En fait, j’ai eu la chance fonde où on m’a proposé de rejoindre un groupe au Maroc en tant que guitariste. C’était en 2014 et voilà, c’était la première fois que je prenais l’avion et c’était pour aller au Maroc. Ce groupe, il n’a pas donné grande chose mais par contre ça m’a permis de rencontrer d’autres personnes et j’ai eu d’autres groupes après au Maroc avant de rencontrer Yousra. Je ne pensais pas forcément aller au Maroc. C’est un peu le Maroc qui m’a choisie on va dire.
Yousra, vous chantez en darija qui est un dialecte d’arabe au Maroc? Est-ce que c’est votre langue maternelle?
YOUSRA Oui, le darija est ma langue maternelle. C’est un peu un mélange de langue arabe avec de la langue berbère, qui est la langue originaire de l’Afrique du Nord, et notamment du Maroc. Il y a aussi quelques mots en portugais. Des fois on peut les retrouver, il y a des mots français, il y a des mots en espagnol. Il y a eu beaucoup de populations qui ont traversé cette l’Afrique du Nord et notamment le Maroc, donc il y a eu beaucoup de mélanges pour donner naissance à ce dialecte qui est le darija.
Et pourquoi vous avez décidé de chanter dans le darija?
YOUSRA C’est pas vraiment un choix qui est bien réfléchi, c’est juste que ça va être plus honnête si je chante dans ma langue maternelle. On peut mieux s’exprimer et c’est plus simple d’écrire dans sa langue maternelle. Après on a aussi une chanson en arabe classique [Ila mata] qui est vraiment l’arabe littéraire parlée et enseignée dans tous les pays arabophones.
Il y a aussi Waylala mais on ne l’a pas écrit. C’est une chanson traditionnelle mauritanienne qu’on a jouée d’une manière complètement différente et qui est aussi en arabe classique presque un petit peu. Il y a un petit fond de dialecte mauritanien. Et sinon, on a aussi une chanson en anglais. – un anglais avec un accent africain.
C’est comme moi quand je parle le français alors avec mon petit accent australien!
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Nous remercions Brice et Yousra de cette interview et nous avons hâte de voir Bab L Bluz en concert à WOMADelaide.
INFOS CLÉS POUR BAB L BLUZ À WOMADELAIDE 2023
QUOI: Le groupe Bab L Bluz en concert au festival WOMADelaide 2023
QUAND: Bab L Bluz se reproduira aux heures et aux dates suivants:
- samedi 11 mars, 15h
- lundi 13 mars, 20h
Et le groupe sera en atelier dimanche 12 mars à 15h30 – le sujet n’a pas encore été annoncé.
OÙ: Botanic Park, Adelaide
COMMENT : Achetez vos billets par ce lien: https://www.womadelaide.com.au/tickets
COMBIEN : Les billets pour le samedi sont désormais épuisés. Cependant, des billets individuels pour le vendredi, le dimanche et le lundi sont encore disponibles aux prix suivants:
vendredi (Bab L Bluz ne joue pas le vendredi)
- adulte 166 $
- concession 148 $
- jeune (13 à 17 ans) 103 $
- enfant (sous l’âge de 12 ans avec un adulte) gratuit
dimanche (Bab L Bluz sera en atelier mais pas en concert)
- adulte 225$
- concession 198 $
- jeune (13 à 17 ans) 137 $
- enfant (sous l’âge de 12 ans avec un adulte) gratuit
lundi (Bab L Bluz sera en concert à 20h)
- adulte 225$
- concession 198 $
- jeune (13 à 17 ans) 137 $
- enfant (sous l’âge de 12 ans avec un adulte) gratuit
ECOUTEZ: Vous pouvez écouter Bab L Bluz sur Spotify en attendant leurs concerts à WOMADelaide par ici : https://open.spotify.com/artist/07J09Vf9YReIIaFtarQshi?si=bUUUZp7OREyeOXM4Ja-p2Q
Lisez aussi notre interview avec Madeleine Peyroux qui jouera aussi au festival WOMADelaide 2023.