Les premières artistes qui seront à WOMADelaide 2018 seront annoncées cette jeudi 12 octobre donc j’ai décidé de publier des entretiens que j’ai fait avec des artistes francophones de WOMAD de cette année. Avant de nous rendre visite en mars 2017, j’ai eu la chance de parler avec Inna Modja. L’entretien est au-dessous. Des billets pour WOMADelaide 2018 sont déjà en ventes à www.womadelaide.com.au.
Vous venez en Australie pour WOMADelaide. Est-ce que vous avez déjà été en Australie ?
Ça va être ma première fois. Je suis vraiment excitée parce que ça fait tellement longtemps que j’ai envie de venir en Australie. Là, ça serait ma première fois.
On est un peu gâté. Parce que on aime bien votre musique mais on vous a jamais vu quoi. A quoi attendre la foule de vos concerts live?
Beaucoup d’énergie. On est 3 ou 4 sur scène en fonction des endroits et on aime vraiment avoir des concerts interactifs et partager avec les gens et faire participer a ce qu’on vit sur scène. Et aussi moi, j’aimer raconter aux gens de quoi la musique parle. C’est vrai qu’on chantant le bambara il y pourrait avoir une barrière de la langue. L’idée est de transmettre un moment très agréable et transmettre des messages qui sont importants à mesure. C’est un bon moment surtout en dansant.
C’est difficile de ne pas danser à votre musique. Et vous êtes donc Malienne et française aussi. A quel âge est-ce que vous avez déménage en France?
Je ne suis pas française, non!
J’ai agrandi au Mali et je suis arrivée en France quand j’avais 19 ans la première fois parce que je faisais des études et après je suis repartie au Mali et je commençais à voyager et je suis revenue en France il y a quelques années.
Pour moi, c’était pour des études.
Mais vous garde quand même le contacte très fort avec le Mali.
Oui j’y habite la moitié du temps quand je suis en train de travailler. Toute ma famille est là-bas. Il y a juste un frère et une sœur en Europe. Mais tous les autres habitent au Mali. Mes parents. Je repars dans 3 jours.
Votre musique parle de beaucoup de choses très politiques. J’ai écouté hier soir mais je n’ai pas trouvé des paroles et c’était en live la chanson « Boat People ».
Ca fait partir de l’album. Je peux vous les envoyer. En fait ce qu’on voulait c’est une discussion un au revoir entre une mère et sa fille.
Et Oumou Sangaré que je considère un peu comme une grande sœur et pas comme une maman. Je la voyais comme si c’était ma mère et je lui disais au revoir. Et je partais à l’aventure incroyable. Monter sur un bateau. Traverser d’abord le désert et monter sur un bateau et arrivée dans cet Eldorado quand pense existe. Elle parle de toute la difficulté qui y a d’être loin de chez soi et parfois de vivre des moments très difficiles et moi donner le promet de ne pas me noyer et de revenir un jour avec la dignité et des diamants. C’est aussi une image pour montrer le courage que ces gens qu’ils ont et le manque d’espoir. Parce qu’il faut vraiment manquer d’espoir de ne plus avoir peur de mettre sa vie en danger et de monter sur un bateau et de ne pas être sur si on va arriver un jour. Quand j’ai parlé à Oumou, j’avais écrit la chanson. Je l’ai fait écouter la chanson. Je lui ai raconté ce que je voulais. Elle s’est mise devant le micro et elle a fait une prise ou elle a chanté, chanté, chanté et après elle m’a dit «oui alors je ne sais pas si c’est bien pour toi » et c’était parfait en fait. C’était la seule prise qu’elle a fait. C’était exactement ce que j’imaginais. Elle est incroyable cette femme.
Je ne sais pas si vous connaissez des policies du gouvernement australien à propos des personnes qui arrivent par bateau ?
Non.
C’est dégoutant donc je ne savais pas si tu connaissais déjà. En Australie, les gens qui arrivent par bateau sont mises à l’ile de Nauru, qui n’est même pas une ile australienne, et on les mets dans les centres de détention. Et en plus, on a fait un accord avec le gouvernement Obama que les gens qu’on trouve sont des refugies, on va les envoyer aux Etats Unis, on ne va pas les rendre en Australie, même si on est parti de la convention sur les refugies. On a dit « non, on ne va pas le faire. On va les donner aux Etats Unis ». Donc c’est vraiment dégoutant parce qu’on a des personnes dans les centres de détention et ils ne savent pas ce qui est leur futur.
Et même les Etats Unis…
Oui tout à fait avec Trump on ne sait pas en fait s’il va toujours les prendre. Donc on a des personnes qui sont venus des situations très, très graves, qui pensent qu’ils vont arriver en Australie, mais ils arrivent sur cette ile et ils ne savent pas s’ils vont être en Australie ou les Etats Unis. Ils n’ont aucune idée.
Ce voyage est tellement un voyage désespéré. Ça doit être un voyage tellement difficile. Et quand on arrive à un port et on pense qu’on arrive et qu’on va avoir une vie meilleure, d’être dans un centre de détention, c’est très, très difficile. C’est des gens qui ont déjà soufferts et on presque plus d’espoir du tout.
Et puis on fait ça.
Il fait avoir une discussion à propos de comment on traite les gens venues de guerre et des situations économiques dramatiques. On les accueils comme s’ils sont moins que les humains en fait.
Oui c’est ça et les gouvernements aiment bien dire que ce sont des gens « illégales ». Mais ce n’est pas illégal de vouloir l’asile.
Et c’est pour ça que ça existe. Les demandeurs d’asile ne fuitent pas des pays ou tout va bien pour eux.
Exactement. Il faut être désespéré.
Tant qu’on ne va pas s’élever. Tant qu’en tant que société pour un monde où il y a un peu plus d’empathie, la main tendu pour aider des gens qui sont dans le besoin. Pour moi, on peut avancer, la société peut se construire. C’est très énervant.
Et surtout parce que l’Australie est tellement grande et que le nombre des personnes qui arrivent par bateau en Australie c’est petit par rapport à l’Europe.
Oui. C’est incroyable. Il y a aussi la fermeture de l’esprit aujourd’hui on ne veut plus se mélanger les uns et autres. On a peur des autres. C’est très important que tous les gens ont le futur de communication pour qu’il y ait un pont entre les gens. Que les cultures se partagent, que les gens se rencontrent. C’est la seule façon que le monde continue d’évoluer ensemble. Le monde s’enferme. Moi en ma partie, je suis très consciente que de parler de sujet comme ça ce n’est pas toujours évident. Ça serait plus simple pour moi si j’étais quelqu’un qui faisait que de la pop ou je fais la belle vie.
Tout à fait. Comment tu fais pour faires des chansons qui ont des mélodies assez contentes mais avec les messages qui sont quand même très sérieux.
C’est dans ma culture. Même quand j’ai fait mon album précèdent, le deuxième, c’était un peu plus pop parce que je voulais un album qui était hommage aux gens comme Nina Simone. Ma culture malienne avec laquelle j’ai commencé à faire la musique, même quand on parle des sujets difficiles, quand on parle des sujets tristes, on est positifs et on met de l’énergie dedans. Parce que c’est l’éducation qui est comme ça aussi. On sait que c’est difficile mais il faut se battre. C’est un choix. Un choix de voir les choses a moins triste. C’est un choix qui n’est pas facile. Moi j’ai choisi de transmettre des messages sans être misérable. C’est déjà des messages qui sont très difficiles. Les gens visent qu’ils soient entendus. Ça c’est passe assez naturellement en fait.
Par exemple, l’artiste Fefe, quand il chante sa chanson « Dans la rue » il parlait du fait qu’il n’avait pas d’opportunité mais si on ne parlait pas le français on aurait eu aucune idée qu’il parlait des choses comme cela parce que c’est tellement souriante il y avait tellement d’énergie. J’aime bien parce que quand les gens en anglais qui veulent chanter des choses tristes, on a toute la cérémonie qui va avec, tous qui est… on a la musique qui dit « c’est un sujet très sérieux.
Je pense que c’est aussi une volonté de montrer que malgré la difficulté on reste debout et qu’on reste fort.
Oui, il y avait un de vos clips vidéos que j’ai vu sur Youtube, justement dans lequel tu disais quelques choses à propos de cela. Il ne faut pas nous fait pitié.
Oui, complètement. On n’est pas pitoyable. On a beaucoup de dignité. On se battre pour évoluer, pour ne pas rester dans cette situation. Même dans ma vie en dehors de la musique, je suis assez comme ça. Naturellement, que ça se retrouve dans ma musique.
Et tu écris toi-même les paroles et les mélodies de tes chansons?
Oui.
C’est ça que je pensais. Mais à part les influences de ton père qui t’a fait écouter les grands chanteurs et chanteuses, as-tu eu des entraînements particuliers dans la musique ?
Salif Keita était mon premier mentor. Il m’a présente aux membres du RAIL BAND duquel il ne faisait plus parti parce que lui il en a fait partie dans les années 60. Il m’a dit « si tu veux suivre mon chemin, moi j’ai commencé comme ça.» Donc je suis allée. J’ai passé tout mon temps à travailler avec eux, à apprendre avec eux. J’ai été forme sans conservatoire, j’ai été forme par les ainés. Et donc j’ai travaillé avec eux, j’ai travaillé avec Habib Koite. Et ensuite, j’ai rencontré Chez Jickien Sec, qui est un artiste malien. Donc j’ai commencé comme ça. Et après j’ai eu envie d’avoir quelque chose personnelle… donc je commençais à écouter du hip hop des années 80s américains. Tout qui est [29 :10]. Je commençais à me forger en écoutant et la musique de chez moi et de la musique qui me parlait beaucoup comme le hip hop ou le blues. Petit à petit, en écoutant d’autres personnes, ça m’a aidé à comprendre ce que je voulais, moi, faire. Quelque chose de très personnelle qui ou je trouvais des inspirations. Je comprenais comment faire de la musique. Parce qu’aujourd’hui je compose complètement a l’oreille et la ressenti… Je ne sais pas lire la musique. Tout se fait au « feeling ».
Tu es aussi très franc à propos de ton expérience de l’excision.
Moi c’était… ce n’est pas facile d’en parler mais je pense que c’est mon devoir, quelque part. Parce que même avant d’avoir un Platform comme musicien, même quand personne ne me connaissait, je militais déjà sur le terrain contre l’excision et petit à petit je commençais à m’intéresser a différentes formes de violences qui sont faites contre les femmes et je me disais en tant qu’une personne qui a un devoir, j’avais envie de me battre contre ça, de parler contre ça. Je commençais à partager mon expérience, un pour donner envie aux jeunes femmes qui, comme moi, ont été passe par l’excision malheureusement pour elles, pour qu’elles ne se sentent pas des victimes mais qu’elles se sentent des survivants. C’est-à-dire que l’excision ne les définissait pas. Et ne définissaient pas ce que leurs vies allaient devenir.
C’est très important de pouvoir un, partager mon histoire et deux, de prévenir ce que ça fait au corps de femme. Et inciter des jeunes femmes qui a vécu l’excision de prendre la vie en main et de ne pas rester coller à cette expérience la et de devenir qui elles choisissaient. Et surtout fait en sorte que les 3 milles petites filles qui sont excises tous les jours, quelles échappent cette excision. C’est quelque chose que je fais depuis 12 ans maintenant. Etre féministe ce n’est pas facile dans ce monde-là. Parce que pour moi être féministe ce n’est pas être contre les hommes, c’est de vouloir avoir les mêmes droits. Donc il y a une mauvaise image de ca mais moi je m’en fou, j’ai envie de défendre des idées d’égalité et des idées des droits de femmes. Moi, je le fais en tant que femme et je le fais en tant que musicienne aussi.
Et aussi, on pense qu’en Australie on pense que ça n’existe pas. Mais il y a un an ou deux, il y avait une jeune femme qui a été à la police, et la police a mené un cas contre sa mère, la femme qui l’a fait, l’excision, et aussi contre le « religious leader » qui a caché après le fait. Je pense que lui a été emprisonné. Mais la mère et la femme qui l’a fait, elles ont eu quelque chose comme le « home détention ». C’est le premier cas qu’on avait devant le tribunal. Et cela a fait penser aux gens en Australie « mais ça arrive ici. On savait pas ».
Malheureusement ça arrive partout.
Mais c’est facile d’ignorer. De penser que cela arrive seulement « là-bas ».
Oui complétement. C’est sujet qui est un tabou. Personne, n’en parle. Moi, ça fait 12 ans que je travaille sur ca et l’année dernière j’ai découvert, quand je suis allée à la journée de l’ONU de la lutte contre l’excision, que cela se pratique en Amérique Latine. Je ne savais pas. Donc personne n’en parle. C’est de sujet tabou. Il y a des communautés indiennes dans Amérique Latine qui le pratique.
Malheureusement, c’est tout notre temps. Mais je vous remercie beaucoup. C’était un vrai plaisir et j’attends avec impatience vos concerts à WOMAD.
Merci c’était un plaisir pour moi aussi.