CRITIQUE: La Face Cachée de la Lune au festival d’Adelaide

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La pièce La Face Cachée de la Lune commence avec Yves Jacques en nous disant

« Avant que Galilée ne tourne son télescope vers le ciel, on croyait que la lune était un miroir poli dont les sombres cicatrices et contours mystérieux étaient en fait le reflet des montagnes et mers de la Terre. Bien plus tard, au XXe siècle, les Soviétiques envoyèrent une sonde autour de la lune. Quand la sonde rapporta des images de la face cachée de la lune, celle qu’on ne voit jamais de la Terre, l’humanité découvrit avec stupéfaction l’existence d’un côté battu et marqué de la lune, blessé par d’innombrables météores et tempêtes de débris célestes. Pendant plusieurs années, les scientifiques américains parlèrent du côté « défiguré » de la lune. Peut-être bien parce que le relief de la face cachée de la lune porte les noms de cosmonautes, de poètes et d’inventeurs soviétiques. »

 

Ce spectacle dure un peu plus de deux heures, sans l’entracte, et il n’y a qu’Yves Jacques qui joue tous les personnages, un frère Philippe et l’autre frère André, leur mère ainsi qu’un médecin. Il est donc sur scène pour l’entièreté du spectacle. Avec le jeu talentueux d’Yves Jacques et le script très serré de Robert Lepage, on fint par comprendre les deux côtes des conversations des personnages joués par Yves Jacques avec d’autres.

Image prise du site web de l’Adelaide Festival

 

 

Le décor est incroyable et la façon dont Yves Jacques l’utilise est merveilleuse. On voit une table de repassage transformée en equipment de gym ainsi qu’un vélo. Une fenêtre circulaire devient une machine à laver, un scanner médical, un hublot et un bocal en verre. Des portes coulissantes noires nous permettent d’entrer dans un appartement, une salle de conférence et une laverie. L’écriture en craie sur ces portes nous emmène dans un ascenseur et devant un tableau noir. La surface reflétée, qui monte et qui baisse, rappelle parfois des vaisseaux spatiaux. D’autre fois, elle devient un bar à l’hôtel auquel Philippe parle au barman. La même surface est indispensable pour la scène finale dont on gardera la mémoire pendant longtemps.

 

Il s’agit de l’histoire de deux frères qui ne pouvaient pas être plus différents l’un de l’autre et qui sont forcés de passer du temps ensemble pour diriger les affaires de leur mère, récemment décédée. Cette histoire est un parallèle entre le concours soviétique et américain dans la course spatiale des années 50 aux années 70. Philippe, d’un côté est passionné par le cosmos, idolâtre un cosmonaute russe (à ne pas confondre avec un astronaute, comme il nous explique comiquement dans la scène au bar de l’hôtel). Mais Philippe, malheureux en amour, en argent et qui semble l’être dans la vie aussi, est le contraste saisissant de son frère André qui, lui, est assuré, accompli, marié et travaille comme Monsieur Météo. Philippe est plein de raison et comprend la façon dont la vie marche alors qu’ André refuse de permettre que des choses l’encombrent, qu’il s’agisse par exemple d’une étagère dont on l’a prévenu qu’elle n’entrera pas dans l’ascenseur ou du poisson rouge dont il devait s’occuper et qui meurt.

 

Image par Richard Feldman du lien https://americanrepertorytheater.org/events/show/far-side-moon

 

Dans les évènements historiques, l’accent est mis pour l’essentiel sur le côté soviétique, en parallèle avec la malchance de Philippe – soit en ne trouvant pas de travail, soit en se voyant posé un lapin, ou en tombant sur son ex lors d’un appel à un numéro choisi au hasard pendant qu’il fait du télémarketing – qui semble ne pouvoir tomber que sur lui.

 

Mais The Far Side of the Moon, est bien plus que l’histoire de deux frères. Il s’agit de de celle de la race humaine et de nos relations aux autres, Philippe s’intéresse plus au contact avec d’autres êtres qu’avec des êtres humains, et pendant beaucoup de scènes de la pièce, Philippe compile des vidéos en espérant être accepté dans le Search for Extra-Terrestrial Intelligence (SETI) program.

 

La pièce vous emmène dans un voyage d’émotions, de l’humour à la tristesse, et même dans la tristesse, elle est douce-amère. C’est un grand plaisir de voir enfin le spectacle de Robert Lepage en Australie et il n’est pas difficile de comprendre pourquoi il a été plus ou moins en tournée depuis sa création en 2000.

 

The Far Side of the Moon était à Adelaide pour le festival d’Adelaide. Cette semaine le spectacle sera à Auckland, Nouvelle Zélande du 22 au 25 mars 2018.

http://www.aucklandfestival.co.nz/events/the-far-side-of-the-moon-at-asb-theatre-2/

Matilda Marseillaise était l’invitée de l’Adelaide Festival.

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