On parle avec Jonathon Hivernat, Championnat du monde et capitaine de l’equipe française en Rugby Fauteuil

Jonathon Hivernat - Rugby Fauteuil
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Jonathon Hivernat, capitaine de l’equipe de France en Rugby fauteuil est venu à Adelaide le weekend dernier pour Championnats nationaux australiens de Rugby en fauteuil roulant. Il n’est pas seulement à la tête de l’équipe de France de rugby fauteuil, Jonathon a fait également partie des équipes nationales françaises de rugby à XIII en fauteuil roulant et de basket-ball fauteuil.

Jonathon Hivernat - Rugby Fauteuil

Nous avons pu discuter avec lui à la fin de ses matches dimanche après-midi. Lisez notre entretien avec lui ci-dessous.

 

Bonjour Jonathan, vous êtes à Adelaide pour le Nationals Championship de Rugby Fauteuil et vous avez joué pour l’équipe de l’Australie Occidentale. Mais normalement, quand vous n’êtes pas en Australie, vous êtes le capitaine de l’équipe française.

Oui et voilà, je suis venu en tant que joueur pour renforcer l’équipe en tout cas ici en Australie, oui,

 

Et ça fait combien de temps que vous avez joué le rugby?

Alors moi ça fait quatorze ans que je pratique le rugby fauteuil et douze ans au plus haut niveau avec l’équipe de France.

 

Et si ce n’est pas trop privé pour vous demander, est-ce que vous avez toujours été en fauteuil ?

Non, J’ai une maladie qui est arrivé en cours de route. En fait, à l’âge de dix ans, j’ai eu plusieurs symptômes qui ont été bien diagnostiqués comme pas habituels. Ce n’était pas normal que j’ai ces symptômes-là. Et en fait, trois ans après des examens, il y a eu donc un diagnostic qui est tombé.

 

Donc je suis atteint d’une maladie qui s’appelle la maladie de Charcot-Marie-Tooth, qui est une maladie neuromusculaire et qui est dégénérative dans le temps, donc qui peut évoluer et en fait vous imaginez comme si en fait, j’étais touché donc par ses nerfs dans la moelle épinière jusqu’aux extrémités du corps. Et en fait, l’information a vraiment du mal à passer voire pas du tout. Donc en fait, cette maladie, elle ne fait que malheureusement évoluer dans un mauvais sens, donc on peut perdre énormément de motricité et tout.

 

Et aujourd’hui, depuis l’âge de 19 ans, je me retrouve à un fauteuil manuel dans la vie de tous les jours parce que j’ai perdu l’usage de mes jambes et de la sensibilité également au niveau de mes mains.

 

Merci d’avoir répondu ça parce que je sais que c’est quand même difficile. C’est privé.

Mais il n’y a pas de souci. Je suis très ouvert et très à l’aise avec avec ça.

 

Mais vous avez fait votre meilleur et vous êtes le meilleur en fait, de ce que vous faites avec ce que vous avez.

Exactement, Oui, à chaque fois au quotidien où je me dis j’ai cette chance de pouvoir vivre des choses extraordinaires que j’aime faire et que j’aime partager et donner beaucoup de sourires et du baume au cœur aux gens et de l’amour. Et moi, ça me comble totalement en fait, tant que je peux le faire totalement avec beaucoup d’autonomie et quelle que soit ma situation, je le ferai jusqu’à mon dernier souffle.

 

Et est-ce que vous avez joué le rugby avant d’être en fauteuil?

Oui, j’en ai fait un petit peu, donc j’étais du coup en bonne santé et en fait, pendant un laps de temps, je me suis tourné vers le sport individuel parce que je voulais me prouver à moi-même que je pouvais y arriver, mais ce n’était pas réellement moi.

 

Et en fait c’est une rencontre vraiment inopinée qui s’est formée dans mon centre de rééducation où j’étais pour apprendre et en fait le quotidien le fauteuil. L’équipe de Toulouse de Rugby Fauteuil est venue me proposer une initiation démonstration de cette discipline et en fait déjà, c’était un sport collectif, donc je pouvais retracer en fait tout ce que j’aimais à travers le sport et que je préfère les sports en équipe et à la fois mélanger aussi à deux choses la faculté que c’était un sport qui s’adaptait à moi et également un sport qui est juste unique, spectaculaire, engageant et qui demande un dépassement de soi juste incroyable. Parce que c’est vrai que c’est un sport assez spectaculaire.

Jonathon Hivernat Rugby Fauteuil Wheelchair Rugby

C’est sûr. Et vous êtes quand même tous assez forts. Vous avez les fauteuils qui se battent.

C’est exactement ça. Vous imaginez vraiment que on peut se rentrer littéralement dedans à la vitesse qu’on souhaite, avec ou sans ballon et on peut vraiment mettre à mal son adversaire.

 

Mais comment faire pour ne pas avoir les blessures ?

En fait, on ne rentre pas en contact directement avec le matériau ou la personne qui vient vraiment du coup sur la science du contact. En fait, c’est vraiment le matériel plus que nous sur cette notion-là. Donc du coup on n’est pas au cœur, peut être de la possibilité, comme au Rugby Union ou également au Rugby League, où vraiment c’est les corps qui s’entrechoquent, là. Donc c’est très différent, c’est vraiment le matériel et on fait partie entièrement du corps où on est vraiment attaché, donc on ne peut pas s’éjecter du fauteuil.

 

Donc vous êtes attaché dans les fauteuils pour ne pas en sortir pendant le match.

Avec l’inertie du fauteuil et les lois de la gravité et on peut se renverser avec le fauteuil, mais il n’y a jamais de blessure.

 

Je demande ça parce que je sais que parfois les gens qui sont dans les fauteuils se blessent plus facilement. Pas tous, pas tous bien sûr, mais parfois.

Oui, oui, totalement oui.

 

Et quel a été votre expérience des équipes australiennes ?

Une très riche expérience aujourd’hui. Je venais pour la deuxième fois donc en Australie. Donc j’avais eu un réel beau souvenir parce que j’avais eu la chance de faire les championnats du monde avec l’équipe de France en 2018 à Sydney. En fait, c’était la deuxième fois que donc je revenais en Australie et c’est vrai que j’avais énormément apprécié déjà le pays et sa culture.

 

Et à la fois, je pense qu’il n’y a rien de mieux aussi que de pouvoir avoir la chance de disputer ce type de tournoi parce que on prend énormément d’expérience. Mais aussi, je pense que l’Australie est un exemple aussi sur la scène internationale pour pouvoir se préparer aux futurs jeux parce qu’il y a les meilleurs joueurs aussi également du monde en Australie, en rugby fauteuil. Donc je pense que c’est une chose, une expérience juste, unique humainement et sportivement.

 

Et moi aujourd’hui, j’ai figuré dans une équipe où il y avait beaucoup de joueurs, donc venant de la division inférieure et c’était un vrai challenge pour moi du coup de pouvoir hisser cette équipe au plus haut niveau. C’est ce qu’on a fait même si on a perdu nos quatre matchs, on a rivalisé face aux plus grands clubs ici dans la division première. Donc c’est une grande fierté à la fois une petite frustration parce que ce serait mal me connaître, parce que je suis un compétiteur et je préfère gagner.

 

Une riche expérience et un héritage et un transfert de savoir où toute l’équipe a su progresser tout au long du tournoi. Et ça, c’est ce qui m’attendait le plus et c’est ce qui me rend le plus fier, en tout cas pour cette expérience australienne, c’est que j’ai pu vivre ça pleinement et en même temps dans ma préparation en vue des futurs jeux Paralympiques de Paris 2024.

Jonathon Hivernat- Rugby Fauteuil - Wheelchair Rugby

Et ça fait longtemps que le rugby en fauteuil roulant fait partie des Paralympiques ?

Alors ça fait un petit moment, oui, ça fait depuis les années 2000, ça a été présenté aux Paralympiques en 2004, et vous avez une trentaine de pays dans le monde où on dispute le rugby fauteuil.

 

Est-ce que vous avez essayé d’autres sports en fauteuil roulant ou est-ce que ça a toujours été le rugby ?

J’ai eu la chance de faire du basket fauteuil en équipe nationale aussi. Je fais partie aussi d’une autre discipline et vous la connaissez sûrement, qui est donc très instaurée ici aussi. On appelle ça le rugby à XIII en fauteuil roulant, enfin. C’est le Rugby League du coup en Australie mais en fauteuil et qui est tout un autre jeu aussi et que j’adore jouer aussi. Et donc j’en fais un complément de mon activité, donc du rugby fauteuil. Donc c’est quelque chose que je fais et que je suis aussi en équipe nationale.

 

Donc vous êtes vraiment doué dans le sport !

Il y a beaucoup de gens qui me disent que quand je touche à un sport, souvent j’apprends très, très vite et je peux aller performer. Oui, voilà. D’autres sports aussi également.

 

Après, en dehors du fauteuil, j’avais fait quand j’étais mal marchant du tennis de tennis table à Paris, sportifs et de l’équitation.

 

Donc vous avez toujours aimé le sport ?

Oui. Je suis depuis l’âge de six ans, j’ai toujours aimé ça.

 

C’est excellent que vous avez pu continuer d’aimer ça et de devenir champion du monde en plus .

Totalement. Et c’est ça qui est magique, c’est que jamais dans ma vie je pouvais espérer en plus avec une maladie comme j’ai, pouvoir vivre ces choses-là parce que les médecins affûtés à l’idée qu’on ne pouvait pas faire du sport de haut niveau avec cette maladie. Et pourtant, voilà, je leur ai montré complètement le contraire et ça c’est assez chouette de pouvoir envoyer pour autant, au-delà de notre personne, des messages très très forts et donner cette source d’inspiration ou envie à d’autres personnes qui sont atteints de cette maladie ou même en situation de handicap de voir ces solutions, de vivre passionnément leur vie quoi. Et ça, je pense que c’est la meilleure des choses aussi.

 

En France, ça ne doit pas être facile d’être en fauteuil avec les vieilles villes et les choses ne sont pas vraiment adapté aux fauteuils roulants.

Voilà, ça c’est beaucoup plus démocratisé en plus, surtout dans votre pays, dans la considération, dans cette dimension-là et même dans d’autres pays anglo-saxons. Et c’est vrai qu’on a tout un rôle à jouer, nous, en vue des futurs jeux. En tout cas, moi, j’ai vraiment l’envie de donner cette science éducative, cet héritage de notre grande famille, des personnes en situation de handicap parce qu’on vit, parce ce qu’on doit travailler. Comment aussi appréhender une personne qui est certes différente, mais pas dans l’appréciation et de la considération.

 

Donc voilà, il y a tout ce rôle-là et qu’il y aura aussi un avant et un après jeux, parce que j’ai beaucoup fait d’interventions auprès des écoles et des institutions pour faire évoluer donc cette dimension culturelle. Et je pense que ça a porté ses fruits et qu’il y aura un avant, un pendant et un après les Jeux paralympiques où la France et nos Français auront grandi, en tout cas sur cette dimension du sport et sur nos personnes en situation de handicap.

 

Est ce qu’il y a d’autres choses que vous souhaitez me dire sur sur vous, sur le rugby, sur n’importe quoi ?

Non mais que en fait la vie, elle mérite d’être pleinement vécue, Que moi j’ai toujours une devise. C’est une citation de Walt Disney qui dit que en fait

« Pour réaliser une chose vraiment extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez d’un trait jusqu’au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. »

 

Et je trouve ça assez beau parce que c’est assez imaginatif et à la fois notre limite c’est nous même qui est l’important. Et si on veut vivre des choses, il faut sortir de notre zone de confort pour pouvoir créer de l’émotion, le partage aussi intense et c’est ça qui a de plus beau dans une vie je pense.

 

Et vous avez prouvé que les médecins avaient tort .

Exactement. Vous avez tout compris et je pense que, en fait, même nous, quel que soit notre situation, qu’on soit en bonne ou en situation différente de santé, je pense que l’appréciation même la description de notre personne ou des autres, en fait, elle nous appartient. Et ça en fait, c’est que notre estime et notre volonté aussi à vouloir émaner des choses si on veut pousser la réussite aussi déjà et à la fois pouvoir vivre les choses sans regret. Voilà.

 

Merci pour cet entretien. 

Mais de rien. Merci pour l’intérêt que vous avez porté en tout cas à pouvoir discuter et de partager ce moment et je vous souhaite le meilleur et une bonne continuation à vous aussi.

 

Nous remercions Jonathon Hivernat pour cette interview.

DES LIENS UTILES

Pour connaitre plus sur les Jeux Paralympics 2024 à Paris, c’est par ici 

 

Vous pouvez suivre Jonathon Hivernat sur Facebook.

 

Si vous souhaitez en savoir plus sur la maladie de Charcot-Marie-Tooth ou faire un don pour aider les personnes atteintes de cette maladie, cliquez sur le lien suivant : https://cmtaustralia.org.au/

 

Si vous souhaitez faire un don à Wheelchair Rugby Australia c’est par ici : https://asf.org.au/projects/wheelchair-rugby-australia ou à l’association Paralympics Australia c’est par ici : https://fundraise.paralympic.org.au/donation

 

Avez-vous déjà regardé un match de rugby fauteuil?

 

Pour découvrir des évènements avec liens vers la France et la Francophonie qui se déroulent en Australie ce mois-ci, consultez notre rubrique Que faire en mai

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Matilda Marseillaise

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