MC Yallah, rappeuse de l’Ouganda et Debmaster, producteur français basé à Berlin vient en Australie pour les festivals WOMADelaide, Pitch et Art After Dark à partir de demain soir. On a parlé avec chacun d’entre eux. Lisez nos interviews avec MC Yallah et Debmaster ci-dessous.
INTERVIEW AVEC MC YALLAH
MC Yallah, vous êtes un artiste de hip-hop depuis l’âge de 10 ans. Comment avez-vous commencé ? Des membres de votre famille ou des amis vous ont-ils initié au hip-hop ?
Oui, ce sont mes frères qui m’ont initié au hip-hop. Ils jouaient beaucoup de Fugees, Timbaland et le regretté Maggo, Tupac Shakur, Notorious Biggie et Lost boys.
Vos chansons sont en quatre langues : Luganda, Ludo, Kiswahili et anglais. De quoi parlent les chansons qui ne sont pas en anglais ? Abordez-vous des thèmes particuliers dans votre musique ?
En général, je parle de la vie, de l’émancipation des femmes, de l’encouragement des êtres humains à travailler pour survivre, de l’amour, de l’appel à marcher dans l’amour et la paix les uns avec les autres au lieu de se battre les uns contre les autres, des guerres dans différentes parties du monde, de l’injustice des politiciens et de leurs mensonges.
Vous avez dit qu’il s’agit de « l’impact que vous laissez sur eux ». D’après les vidéos que j’ai trouvées sur YouTube, vos spectacles sont très énergiques et font danser tout le monde. Quel est l’impact que vous souhaitez laisser sur les gens ?
Des souvenirs, de la joie, du bonheur et de la guérison.
Même s’ils ne comprennent pas les paroles, est-ce qu’il vous arrive d’expliquer le sens des chansons à votre public ?
Oui, parfois, je le fais, mais pas sur toutes les chansons. En général, je vois les gens bouger, se connecter aux différentes énergies que j’utilise dans les chansons, car chaque chanson contient des émotions/expressions, par exemple, si c’est une chanson joyeuse, ils seront heureux, si c’est une chanson triste, ils sauront que c’est une chanson triste. Je suis étonnée de voir à quel point la musique parle à l’âme. J’utilise généralement des expressions en fonction de la manière dont la chanson est conçue pour que mon public ait une idée de ce que je suis en train de communiquer.
À quoi les gens peuvent-ils s’attendre lors de vos concerts à WOMADelaide, au Pitch Festival et à Art After Dark ?
Ils doivent s’attendre à de l’énergie, du bonheur et de la joie tout au long du set.
Pourquoi les gens devraient-ils venir vous voir au WOMADelaide, au Pitch Festival et à Art After Dark ?
Parce que je suis une des meilleures artiste/performeure au monde avec un talent que les gens du monde entier devraient partager.
Comment en êtes-vous venu à travailler avec Debmaster ?
Deb The Master – lol c’est comme ça que je l’appelle parce que c’est un maître pro du jeu – je l’ai rencontré grâce à Arlen de Nyege Tapes et nous avons commencé à travailler ensemble en 2017 par internet sur un morceau qui est sorti plus tard en 2018. Il pouvait envoyer des beats, j’enregistrais ici en Ouganda et utilise les pistes qu’il a envoyées [les pistes sont des morceaux d’audio individuels qui constituent un mixage complet, mais elles sont séparées par instrument ou par groupe de sons]. C’est ainsi que nos disques ont vu le jour, nous avons commencé à nous produire ensemble en 2019 et c’est toujours le cas… Je l’aime, il est comme un frère pour moi, nous avons une forte connexion. Il écoute mes instincts, j’écoute les siens, c’est comme ça qu’on crée de la bonne musique, on est à l’aise l’un avec l’autre, ce qui est très important.
INTERVIEW AVEC DEBMASTER
Debmaster, vous travaillez avec MC Yallah depuis 2018. Parlez-nous de votre première rencontre .
Notre première rencontre a été complètement musicale lorsque Nyege Nyege nous a demandé de collaborer ensemble à distance pour voir comment ça sonnerait. Lorsque Arlen (un des fondateurs du label) m’a envoyé une vidéo live de Yallah de son morceau Ndete, j’ai été convaincu en 2 secondes. Nous avons travaillé sur un premier EP nommé Ndi Mukazi. Nous étions ravis et nous avons naturellement sorti Kubali très vite, c’est à ce moment que nous avons commencé à penser aux concerts.
Décrivez votre travail ensemble. Comment créez-vous des nouvelles chansons ? Est-ce que vous travaillez ensemble sur les sons ?
Nous avons commencé à travailler à distance, elle était en Ouganda, J’étais à Berlin. Nous avons beaucoup discuté sur Whatsapp pendant le processus. Yallah choisissait très vite un groupe de beats parmi ceux que je produisais quotidiennement et enregistrait très vite quelque chose d’incroyable au Studio DIY à Kampala nommé “La villa Nyege”. Les pistes vocales m’étaient envoyées donc je pouvais m’inspirer de ce que Yallah apportait et faire un travail de “post production” mais nous avons toujours essayé de rester très spontanés dans nos morceaux. Les morceaux Kubali et Dunia ont été terminés en une journée.
Depuis 2015 vous faites partie du monde Nyege Nyege qui est un collective à Kampala qui promouvait la musique des autres, la musique électronique en primaire. Comment décrierez-vous Nyege Nyege pour ceux qui ne la connaissent pas ?
Je dirais “Allez là bas, allez voir le festival”. Ce sont des gens qui vont chercher des gens inspirants et qui inspirent eux même tout le monde. Je suis fan de tellement d’artistes sur ce label et je découvre comme vous des sonorités et des rythmes de pays que je ne connaissais pas bien. Faire un tour sur la chaîne YouTube Nyege Music est une bonne façon de découvrir beaucoup de choses géniales, comme le Singeli de Tanzanie, le Balani fou du Mali, la gqom d’Afrique du sud ou bien sur d’autres choses de Kampala, du Kenya du Congo et pleins d’autres endroits.
J’ai vu aussi ces gens collaborer ensemble, comme un jour, ce duo spontané entre Dj Diaki (du Mali) et Jay Mita (de Tanzanie), le résultat était incroyable et les sourires étaient une évidence !
En quoi est-ce que la musique Nyege Nyege est-elle différente des autres styles de musique électronique ?
Je pense qu’en ce moment pas mal de musiciens électroniques s’inspirent de ce qui se passe chez Nyege Nyege. La différence vient peut-être de ce plaisir que nous avons tous à être un peu “extrême” dans la proposition sonore, ça nous amuse et ça nous excite plus que des choses bien produites et parfois lisses. Le retour positif a aussi donné une sorte d’autorisation d’aller franchement vers des sonorités un peu plus “punk” que d’habitude. Et je ne veux pas parler à la place des fondateurs du label mais j’ai senti qu’ils avaient envie de montrer une autre face de l’Afrique, il y a eu beaucoup de choses un peu lisses et des soirées “afro tech” “afro house” qui n’étaient pas toujours incroyables et parfois le mot “afro” était plus un gimmick qu’autre chose.
Vos premiers pas dans ce monde étaient lorsqu’on vous avait invitée à envoyer « des beats » pour des artistes qui enregistraient de la musique dans un studio à Kampala. Comment est-ce que vous avez créé de la musique pour ces artistes ?
Au début j’étais invité pour jouer au festival mais en attendant ma venue, on m’a demandé d’envoyer des beats, l’idée du label Nyege Nyege Tapes puis Hakuna Kulala est arrivée dans cette période lorsque d’autres gens produisait des choses aussi comme Rey Sapienz, Kampire, Slikback, Disco Wumbi ou Riddlore (un ami rappeur américain que je produisais depuis des années, c’est d’ailleurs par ça qu’ils m’ont découvert) . Et moi pendant ce processus, on a tous écouté ce qui se passait chez les autres et nous nous sommes tous inspirés mutuellement. Don Zilla par exemple, était l’ingénieur du son à “la villa” et c’est aussi à ce moment qu’il a décidé de produire lui-même sa musique (2 super sorties de sa part sur Hakuna Kulala) . Moi j’ai produit des choses pour Willstone & Lebon, Biga Yut, Joey Le Soldat puis Yallah, Ecko Bazz, Ratigan et d’autres noms qui n’existent pas encore, c’est en cours de production 🙂
Comment est-ce que ce studio à Kampala vous a trouvé ? Aviez-vous déjà visité l’Ouganda avant ça ?
Comme dis dans la réponse précédente, ils m’ont “trouvé” par le biais de mes productions pour l’artiste Riddlore, un des membres fondateurs d’un crew à Los Angeles qui s’appelait Chilling Villain Empire (CVE, un vinyle de leur travail a été sorti sur Hakuna Kulala). En fait, Arlen (encore lui) écoutait le même style de hip hop très créatif vers les années 2000-2006, chose que j’ai remarqué plus tard. Et non, je n’étais pas du tout allé à Kampala avant, ma seule expérience avec l’Afrique fût une année au Caire en 2008 où j’ai rencontré des gens géniaux comme cet artiste de Oud nommé Mohamed Abozekry (Il avait 15 ans à l’époque !)
Vous êtes basé à Berlin depuis 13 ans. MC Yallah est de l’Ouganda. Où travaillez-vous ensemble sur la nouvelle musique lorsque vous n’êtes pas en tournée ? Dans quelle langue travaillez-vous ensemble ?
Bientôt 14 ans pour Berlin ! Nous communiquons en Anglais et nous avons parfois l’opportunité d’être ensemble pendant les day offs pour travailler (une résidence en France par exemple). Mais nous continuons à travailler à distance parce que nous avons naturellement acquis un workflow qui fonctionne. La période du covid, même si elle était terrible, n’a pas changé grande chose à notre façon de travailler. Hier encore, nous travaillions un nouveau morceau, nous aimons travailler dans la même pièce mais nous pouvons aussi travailler à distance. Nos premiers concerts ensemble ont été fait à partir de cette façon de travailler et lorsque nous étions sur scène nous sentions que tout fonctionnait parfaitement et le plaisir des concerts nous a inspiré encore plus. Il se passera la même chose au WOMAD, nous allons performer des morceaux que nous avons produits à distance, le plaisir de les jouer ensemble ensuite est unique.
Comment décririez-vous votre musique ?
J’ai toujours essayé d’être libre et de me laisser aller dans mes propositions sonores. J’essaie d’éviter les recettes, ce qui est compliqué parfois parce que le son et un bon mix ont des “règles”. Il m’arrive parfois de détruire complètement un morceau trop bien mixé pour éviter l’ennui et Yallah me pousse à faire ça aussi, on a compris ensemble que si c’était spécial, c’était automatiquement plus intéressant. Parfois nous rigolons ensemble par rapport à certains morceaux en disant “on ne sait pas ce que c’est exactement, space music ?” On essaie de se surprendre mutuellement et jouer les morceaux en live nous permet de délivrer cette énergie spéciale tout en s’appropriant nos propres créations, la façon de rapper de Yallah est parfois différente en live car elle a eu le temps de penser et de tester des variations de tons etc. Ce qui me pousse à faire la même chose.
Nyege m’a aussi demandé de produire du Dancehall pour un artiste par encore sorti, je répondais “mais je ne sais pas faire de dancehall moi” et on me disait “justement, c’est pour ça que ça sera intéressant”. Pareil pour la trap musique, il m’arrive d’utiliser certains éléments de ce style de musique mais comme c’est un style un peu académique au final, j’essaye toujours de faire une version un peu plus intéressante que la recette classique. Mais je ne me considère pas comme un “bon producteur”, de ne pas être “spécialisé” me permet de tester beaucoup de choses.
Est-ce que vous êtes déjà venus ensemble ou séparément à Adelaide ?
En fait, notre premier pas en Australie était à Adélaide en Août 2022 ! Le festival Unsound (Pologne) nous a invité à jouer au Dom Polski Centre pour Illuminate, notre ami Slikback était là et nous avons un super souvenir de la ville en général, nous avons hâte de revenir.
Qu’est-ce que le public australien peut attendre de vos performances à WOMADelaide, Pitch Festival et Art After Dark à Sydney ?
Une énergie infinie et une Mc Yallah extraordinaire et des nouveaux morceaux que personne n’a entendu avant parce que nous produisons constamment des nouvelles choses pour les jouer en concerts, nous verrons les prochaines sorties plus tard, nous jouons toujours les morceaux en live bien avant les sorties, cela nous permet de sentir si les morceaux sont bien, le public nous aide beaucoup pour ça.
D’autres choses à nous dire, Debmaster?
Juste merci et hâte de ressentir votre énergie après cet hiver (oui chez nous c’est l’hiver)
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Nous remercions MC Yallah et Demaster pour ces interviews
INFOS CLÉS POUR MC YALLAH & DEBMASTER EN AUSTRALIE
MC Yallah & Debmaster au WOMADelaide
QUAND : 8-11 mars (MC Yallah & Debmaster ne donneront qu’un seul spectacle, le vendredi 8 mars à 22h)
COMMENT : Achetez vos billets pour un, trois ou quatre jours par ce lien.
COÛT :
Les prix des billets pour le vendredi soir uniquement sont les suivants :
- Adulte : 175 $
- Tarif réduit : 156 $
- Jeune (13 à 17 ans) : 105 $
- Enfant (12 ans et moins avec un adulte) : Gratuit
Il existe également des billets de 3 (pour des jours consécutifs) et 4 jours.
Les prix du billet de 3 jours sont les suivants :
- Adulte : 435 $
- Tarif réduit : 391 $
- Jeune (13 à 17 ans) : 261 $
- Enfant (12 ans et moins avec un adulte) : Gratuit
Les prix du billet pour les 4 jours sont les suivants :
- Adulte : 455 $
- Tarif réduit : 409 $
- Jeune (13 à 17 ans) : 273 $
- Enfant (12 ans et moins avec un adulte) : Gratuit*
MC Yallah & Debmaster au Pitch Festival, Moyston, Victoria
QUAND : 8-12 mars (MC Yallah & Debmaster joueront le samedi 9 mars)
COMMENT : Il ne reste que des billets de 4 jours pour le festival et ils peuvent être achetés par ce lien
COÛT : Les billets d’entrée pour les 4 jours du festival coûtent 499 $, plus les frais de réservation.
MC Yallah & Debmaster à l’Art after Dark dans le cadre de la Biennale de Sydney
QUAND : mercredi 13 mars (MC Yallah et Debmaster joueront ce soir-la)
OÙ : House Stage, White Bay Power Station, Rozelle
COMMENT : Achetez vos billets en cliquant sur ce lien
COÛT : Les billets pour les adultes coûtent 45 $ et les billets pour personnes âgées et les billets de tarif réduit coûtent 35 $.
WOMADELAIDE 2024
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La Compagnie On Off présente Le Chant de l’eau au festival WOMADelaide
La Cie L’immédiat présente La lévitation réelle au festival WOMADelaide ce weekend
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TOUTE L’AUSTRALIE
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