Tomas Dalton est un ténor qui chante dans le chœur de la production d’Opera Australia de l’opéra français Carmen sur Cockatoo Island. Mise en scène par Liesel Badorrek, il s’agit d’une interprétation moderne de Carmen par Georges Bizet jouée sur l’étonnante Cockatoo Island dans le baie de Sydney. Nous nous entretenons avec Tomas Dalton.
Tomas Dalton, vous faites partie du chœur pour la production Carmen sur Cockatoo Island de l’Opera Australia. Parlez-nous un peu de cet opéra et de votre rôle dans le chœur.
Carmen est une soirée chargée pour le chœur; il y a beaucoup de musique merveilleuse à chanter, et le chœur est très souvent présent pour participer ou commenter l’action. Dans cette production en particulier, le chœur est presque toujours là.
La production est une interprétation très moderne de Carmen. Quels sont les éléments qui font que cette production se distingue des autres productions de Carmen?
Je pense que cette production de Carmen est particulièrement unique grâce au lieu. C’est la première fois qu’un opéra sera joué sur Cockatoo Island, et la vue est magnifique. L’ajout de feux d’artifice, de cascades de motos et d’incroyables danses et chants rend cet événement très spécial.
Quelle est la vision de la metteure en scène, Liesel Badorrek pour Carmen? Comment est-ce que sa méthodologie soit-elle différente des autres metteurs en scène avec lesquels vous avez travaillé?
Pour Liesel, je pense que Carmen est l’histoire d’une femme qui veut vivre librement et vivre selon ses propres règles. Le monde que nous décrivons est celui des inadaptés, des rebelles et des marginaux ; Suzie Quatro a été une source d’inspiration pour le style de rock de cette production. (Je crois que le public français se souviendra peut-être aussi de l’esprit des soixante-huitards).
Liesel est arrivée au début des répétitions avec tant de connaissances et de préparation, tout en travaillant dans un style très collaboratif. Elle a des idées très claires et elle s’intéresse aussi aux idées des interprètes. En tant qu’artiste, c’est l’équilibre idéal. Cela aide également qu’elle soit très facile à vivre et qu’elle soit une personne très drôle et dynamique.
La production de Carmen aura lieu en plein air sur l’Isle Cockatoo à Sydney. Quels sont les défis de chanter en plein air?
L’opéra est typiquement une forme d’art acoustique, et nous apprenons depuis de nombreuses années à chanter sans amplification dans un théâtre. Bien sûr, pour chanter en plein air dans un si grand espace, il est nécessaire d’utiliser une amplification, c’est donc une expérience inhabituelle pour un chanteur d’opéra. Cependant la technique est la même, il faut faire confiance à la sensation habituelle de chanter, et on fait confiance aux techniciens du son pour la transmettre au public.
Nous prions aussi pour avoir du beau temps.
Il est pour quel public cet opéra?
Cet opéra s’adresse autant aux passionnés qu’aux débutants. La mise en scène exubérante et le spectacle le rendent accessible à tous, et le chant vraiment de classe mondiale est un régal pour les connaisseurs.
Pensez-vous que le fait que ça soit une interprétation moderne et que ça aura lieu dehors cela amènera un public plus jeune à l’opéra?
Je l’espère bien ! Grâce à mon travail avec Opera Australia, j’ai montré à de nombreux amis leur premier opéra. A chaque fois, ils sont émerveillés et ravis d’aimer autant. Cet opéra est capable de ravir des sensibilités très variées. Je pense aussi que le cadre en plein air sera familier pour les habitués des festivals de musique.
Combien de personnes chanteront avec vous dans le chœur?
Il y a quarante-six chanteurs dans le chœur. Chacun d’eux est un grand artiste, et j’ai le privilège de les appeler mes collègues.
Vous avez également chanté dans divers rôles de ténor pour Opera Australia, notamment dans l’opéra français La Juive plus tôt cette année. Est-il difficile de ne pas se faire plus remarquer que les autres lorsque vous passez des solos aux chœurs?
On aborde le chant en chœur ou en soliste un peu différemment, mais les fondamentaux sont les mêmes. Par exemple, le mélange et la sensibilité dont un choriste a besoin sont les mêmes pour un soliste qui chante un duo, un trio ou un quatuor. Si l’on a une technique solide et une musicalité bien développée il est possible de passer de l’un à l’autre.
Pendant notre saison de Carmen, je serai aussi la doublure de Rodolfo pour quelques répétitions de La Bohème. Cela nécessitera une gestion prudente de l’endurance et de l’énergie, mais cela est également vrai de mes collègues choristes qui interprètent souvent jusqu’à quatre opéras en même temps.
Depuis combien de temps chantez-vous? Qu’est-ce qui vous a fait choisir cette carrière? Et pourquoi avez-vous choisi l’opéra comme genre?
Je pense que j’étais comme beaucoup de chanteurs, et j’ai toujours chanté depuis que je suis petit. Mes parents ont compris que j’aimais faire de la musique et ils m’ont permis d’étudier le piano et de chanter dans des chorales d’enfants.
La décision de chanter de l’opéra arriva plus tard. J’ai commencé à étudier le piano à l’université, mais j’avais chanté dans des comédies musicales à l’école et j’ai toujours aimé chanter. C’est lorsque j’ai participé à un opéra étudiant à l’université dirigé par le regretté Richard Gill que j’ai réalisé que l’opéra était le seul choix pour moi.
Il y a quelque chose de transcendant dans l’opéra. C’est l’émotion la plus véridique et la plus humaine, mais sur une musique sublime chantée par des voix olympiennes. J’aime l’idée de parler directement à l’âme de quelqu’un dans le public et d’améliorer sa journée.
Vous avez fait vos études de musique à Melbourne Conservatorium of Music ainsi qu’en Italie en tant que lauréat de la bourse Acclaim Awards Italian Opera et du testament Johnson. Parlez-nous un peu de votre expérience d’étudier en Italie? Parlez-vous italien?
C’était fantastique d’étudier dans le berceau de l’opéra. Bien sûr, en Australie, nous avons une scène artistique très dynamique, mais l’opéra fait tellement partie intégrante de la vie culturelle là-bas. Une restauratrice m’a même dit « c’est dans notre sang ».
J’ai eu beaucoup de chance de trouver un professeur formidable qui m’a beaucoup aidé avec la voix, et bien sûr d’avoir la chance d’étudier et de pratiquer l’italien chaque jour. Je ne dis pas que je le parle parfaitement, mais je suis très reconnaissant de pouvoir converser en italien. Tout comme le français, c’est une aide précieuse pour le chant.
On fait cette interview en français, vous avez étudié en Italie, parlez-vous d’autres langues encore?!
Je pense que même si je parle assez bien le français et l’italien, je touche un peu aux autres langues. Bien sûr, l’allemand est une autre langue d’opéra importante. J’ai étudié comment le prononcer et le chanter, et je peux le comprendre un peu et avoir des conversations très simples.
Je pense qu’il est poli d’apprendre quelques phrases de la langue chaque fois que l’on voyage. Je peux donc commander du café et demander des directions en grec et une ou deux autres langues. Mais je ne peux absolument pas lire l’alphabet grec !
Comment êtes-vous devenu francophone?
J’ai eu beaucoup de chance d’avoir des professeurs inspirants et érudits à l’école. Grâce à eux, j’ai réalisé à quel point on peut mieux apprécier une culture quand on comprend sa langue. Ils m’ont inspiré à continuer à étudier le français parallèlement à mes études de musique à l’université. Et bien sûr de voyager à chaque occasion – le plus grand professeur de langue de tous ! Le défi est de trouver l’occasion de pratiquer pour qu’il reste dans l’esprit.
Vous avez effectué une tournée en Australie, en Allemagne, au Danemark et en France en tant que soliste avec l’Australian Chamber Choir. Parlez-nous de votre expérience de tournée en Europe avec l’ACC.
Faire ce type de performance est une expérience formidable, mais c’est aussi comme un sport d’endurance. On arrive dans une nouvelle ville presque chaque jour pour un autre concert. On doit avoir de l’endurance et de la discipline. J’ai aussi eu la chance d’avoir autant d’amis dans la chorale, car on passe presque chaque instant ensemble pendant plusieurs semaines.
Ce fut un grand cadeau de pouvoir voir tant de belles villes, même brièvement, et de partager certaines des plus belles musiques avec un public très reconnaissant.
Avez-vous un rituel avant de monter sur scène?
Je n’ai pas de superstitions avant de jouer, mais j’aime toujours m’échauffer la voix avec les mêmes exercices. La préparation la plus importante se fait bien avant la première ; l’apprentissage, l’étude, la répétition. C’est un sentiment merveilleux de faire confiance à sa préparation et de s’abandonner à la musique et au personnage.
Il est également important de faire des choses assez banales comme bien dormir, s’hydrater, etc.
Quel est votre opéra préféré à chanter?
Récemment, j’ai eu l’occasion d’interpréter Alfredo de La Traviata pour la première fois. J’ai appris le matin de la première que le ténor était malade. Ce fut une expérience exaltante qu’il serait difficile d’égaler.
Quel est votre opéra préféré à regarder ou à écouter?
Ça change si souvent. Parfois j’écoute pour le plaisir, parfois pour apprendre. Je pourrais écouter le même air chanté par dix chanteurs différents pour comprendre comment ils résolvent un problème de technique ou de musique.
Presque tous les opéras du répertoire parlent à mon âme, mais je suis particulièrement touché par les œuvres de Gounod et de Puccini.
Quels sont les défis à relever pour chanter dans une langue qui n’est pas la vôtre?
Il y en a beaucoup, mais pour chaque défi il y a une grande récompense. Bien sûr, on doit être convaincant pour les auditeurs natifs, et nous sommes très chanceux d’avoir Nicole Dorigo, notre merveilleuse coach linguistique pour Carmen. Non seulement la prononciation des mots, mais il faut aussi considérer le rythme et la cadence de la langue, surtout dans Carmen où il y a aussi du dialogue.
Il faut comprendre les mots pour donner une caractérisation crédible. Un dictionnaire peut suffire, mais je trouve un sentiment de liberté en ayant ma propre compréhension d’une langue. Je peux être beaucoup plus spontané et intuitif dans la salle de répétition
Pensez-vous que le fait d’être francophone vous aide à mieux chanter des langues d’opéra comme l’italien?
Je pense qu’apprendre le français m’a donné la confiance nécessaire pour essayer d’autres langues d’opéra sans peur.
Le français et l’italien sont tous deux très bien adaptés au beau chant, même s’ils ont bien sûr des différences. La tâche du chanteur est d’intégrer ces différences dans une technique vocale homogène et cohérente tout en respectant le langage du compositeur.
Avez-vous un opéra que vous rêvez de jouer? Et aussi, un lieu de rêve dans lequel vous rêvez de vous produire?
J’espère un jour jouer les rôles de Faust et de Werther. Deux hommes troublés et fascinants, chacun doué par ses compositeurs d’une musique vraiment sublime.
Je sens que je devrais sûrement dire dans une interview en français que j’adorerais chanter à l’opéra Garnier!
Pourquoi les gens devraient-ils venir voir Carmen à Cockataoo Island?
Venez écouter de la musique merveilleuse et passez une soirée amusante, fabuleuse et vraiment unique!
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Nous remercions Tomas Dalton pour cette merveilleuse interview.
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INFOS CLÉS POUR CARMEN SUR COCKATOO ISLAND
QUOI: l’opéra français Carmen
OÙ: Cockatoo Island, Sydney
QUAND: 19h30 du 25 novembre au 18 décembre (sauf les lundis)
COMMENT: Achetez vos billets pour Carmen sur Cockatoo Island sur le site web d’Opera Australia
COMBIEN:
Billets adultes : de 79 $ pour la Réserve B à 149 $ pour la Réserve Premium (+ 9,80 $ de frais de réservation).
Les billets de ferry depuis et vers Cockatoo Island peuvent être réservés séparément lors de l’achat de billets de spectacle.
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