Il y a quelques semaines qu’on a rencontré Frédéric Alliod, le chef de l’Alliance Française French Film Festival et l’Attaché audiovisuel de l’Ambassade de France en Australie. On lui a parlé de plein choses. Il nous explique ce que c’est le rôle Attaché audiovisuel, pourquoi il n’a pas le titre de directeur artistique de l’Alliance Française French Film Festival, son parcours avec l’Ambassade en Asie et ses sélections pour l’Alliance Française French Film Festival bien sûr ! Lisez notre longue interview avec lui pour tout savoir.
Frédéric, vous avez en fait deux postes : vous êtes l’Attaché audiovisuel de l’Ambassade de France en Australie et chef de l’Alliance Française French Film Festival maintenant que c’est une association à but non lucratif. En quoi consiste le poste d’Attaché audiovisuel alors?
Un poste d’Attaché audiovisuel, effectivement, c’est ma fonction officielle. Donc techniquement, je suis un agent de l’Ambassade de France et c’est comme ça que je suis affecté en Australie. Alors, il y a tout un réseau à travers le monde d’attachés audiovisuel qui sont en charge de la coopération dans le secteur de l’audiovisuel, qui inclut le cinéma. Mais en fait, tous les écrans, la télévision, les nouveaux médias, le jeu vidéo, la réalité virtuelle sur des différents angles.
Il y a un angle clairement commercial, c’est de créer des coopérations entre la France et le pays d’affectation. Alors ça peut être des accords commerciaux, favoriser les exportations des contenus français ou au contraire trouver des contenus du pays d’affectation, en l’occurrence australien, qui peuvent être intéressants pour le marché français.
Donc ça marche dans les deux sens.
Ça marche dans les deux sens. C’est une coopération, c’est toujours dans les deux sens. Ça peut être favoriser des coproductions, par exemple entre la France et l’Australie. Donc l’exportation de contenu, de la diffusion culturelle, c’est à dire donner la possibilité au public local de découvrir des œuvres françaises qui ne sont pas officiellement distribués par quelqu’un en Australie. C’est un peu aussi l’idée du festival, même si là, on travaille en étroite collaboration avec des distributeurs australiens.
Et ça peut être aussi sur des questions de formation, d’échange, d’expertise, sur des sujets de la coopération universitaire. Voilà, il y a tout un panel de choses qui peuvent être développées. Pour être honnête, je ne le fais pas vraiment en Australie, je l’ai fait dans d’autres pays pour le ministère des Affaires. Moi, je viens du secteur privé.
Oui. J’avais trouvé votre LinkedIn, j’avais fait mes recherches !
Tout à fait. C’est mon quatrième pays, je crois, pour le Ministère des Affaires étrangères. Mais sinon, j’ai aussi beaucoup travaillé dans le secteur privé. Et là, spécifiquement, même si j’ai le statut de chef du village, je suis affecté à plein temps à la direction du festival. Donc c’est gérer le festival mais aussi la nouvelle entité qui a été créée.
Ça fait à peu près un an qui est donc, comme vous l’avez très bien mentionné une entité à but non lucratif que je dirige. Et donc on a des locaux et je fais beaucoup de gouvernance et de gestion pour développer et rendre cette société pérenne. Et faire en sorte qu’on se développe et puis qu’on développe peut-être à terme des nouvelles activités. C’est encore assez neuf.
Mais quand tout sera balisé, effectivement, peut-être que je mettrai plus souvent ma casquette d’Attaché d’Ambassade pour développer des coopérations. J’ai déjà d’ailleurs des projets dont je discute avec des universités, notamment dans le secteur de l’animation ou du documentaire.
Donc par exemple, avec les universités, c’est pour que les étudiants apprennent les méthodes françaises ou des réalisateurs français, les choses comme ça ?
Oui. Prenons l’exemple, par exemple, le secteur de l’animation. Vous avez des corps de métiers qui sont plutôt techniques et d’autres un peu plus artistiques. La créativité, ce n’est pas que du talent. Le talent, c’est qu’une petite partie. C’est beaucoup de travail et c’est aussi beaucoup de références culturelles. Donc nous, avec des masterclasses, etcetera, on peut montrer nos œuvres et les expliquer aux étudiants. Donc ils découvrent les œuvres et la manière dont nous, on les fait, qui peuvent être assez différente.
Par exemple, la manière dont nous, on raconte les histoires, parce que le cinéma d’animation, par exemple, qu’importe la technique, j’ai envie de vous dire : l’idée, c’est de raconter des histoires. Nous, comment on les raconte, on partage cela avec eux. C’est aussi montrer nos savoirs faire. Parce qu’effectivement, dans un monde Anglo-Saxon ou avec des étudiants qui peuvent rêver d’avoir accès à Hollywood parce qu’effectivement il y a des passerelles qui se font, c’est aussi pour nous l’occasion de dire « regardez nous, on sait faire aussi.» On fait les choses un peu de manière différente et il y a des opportunités avec nous, ce qui permet de mettre aussi un coup de projecteur sur notre expertise.
Et effectivement, on a plus envie de travailler avec nos maîtres parce qu’ils ont su nous démontrer leur savoir-faire, partage avec nous et ça crée ce qu’on appelle aussi le soft power, qui est aussi une sorte d’influence qui permet de mettre en lumière nos savoirs faire et de les partager et donner l’envie et ensuite se donner les moyens de coopération, voire même de coproduction. Et encore une fois, ça va dans les deux sens. C’est à dire que nous, on est aussi susceptible d’envoyer des étudiants dans des écoles australiennes, comme on est intéressé d’avoir des étudiants australiens.
Des résidences artistiques et des choses comme ça ?
Oui, Alors, ça peut être soit ça peut être des résidences d’artistes quand ce sont des personnes un peu plus chevronnées, expérimentées. Ou des étudiants, ça peut être des échanges universitaires pour certains, ou voir les invités dans nos festivals par exemple dans l’animation, on a le festival d’Annecy qui est le plus grand festival et le plus grand marché de l’animation. Et donc on les invite. Certains on a un projet d’avoir des étudiants australiens qui viendront pitcher leur projet à Annecy, parce que ça peut potentiellement intéresser des producteurs français.
En fait, il n’y a pas d’animation dans la programmation de l’Alliance Française French Film Festival de cette année, je crois.
Alors dans la programmation officielle, non. On a un programme parallèle pour les écoles. Pourquoi on n’a pas de film d’animation? Tout simplement parce qu’Il n’y a pas de distributeur australien qui a acheté de film d’animation ou de film pour un public vraiment plus jeune parce que ça marche un petit peu moins au box-office pour eux, notamment à cause des sous-titres.
Donc nous, dans ces conditions, on complète notre programmation avec de l’acquisition de droits en direct, du droit de diffusion culturelle, ça peut coûter un petit peu cher. En l’occurrence, ce n’était pas forcément un manque dans la programmation en général parce que c’est moins notre audience, mais c’était une vraie demande pour les projections, pour les écoles.
Donc on a deux films, l’un qui s’appelle Sauvage, qui est en fait un film franco-suisse. C’est du c’est du stop-motion ; c’est un film qui parle de d’éco-responsabilité, de déforestation. Donc c’est un film assez enfantin en termes de réalisation parce que c’est de la stop-motion, mais en fait qui porte des vrais messages. Et donc on a trouvé ça très bien pour les écoles et pour avoir un travail avec les éducateurs. On développe des kits éducatifs.
Et puis on a aussi le film qui n’est pas pour un jeune public qui est The Most Precious of Cargos, (La plus précieuse des marchandises) qu’on présente effectivement pour les écoles. Effectivement, il est officiellement dans un autre festival. Ça parle de la Shoah. Donc pour nous, ça faisait plus sens que ce film soit diffusé au Jewish International Film Festival. Mais ensuite, on s’est dit que ce film voilà, il pouvait avoir aussi une vie avec nous, avec les écoles parce que d’une part, c’est le 80ᵉ anniversaire de la fin de la Seconde guerre mondiale et qu’il y avait un vrai travail pédagogique à faire. Donc on a rendu le film disponible pour les écoles également en coopération avec le représentant local.
Comme on avait dit le festival a décidé de devenir une association à but non lucratif. Pourquoi? Et pourquoi maintenant après tellement d’années que le festival existe?
Le festival grandit et il a beaucoup grandi ces dernières années. Il se professionnalise, il est. Voilà, maintenant cette année, on a 20 villes qui ont ça.
Oui, c’est impressionnant !
Dans 20 villes. On travaille en étroite collaboration avec des distributeurs australiens qui sortent les films en avant-première avec nous et qui veulent évidemment une exploitation professionnelle, une mise en valeur professionnelle, parce qu’effectivement c’est ce qu’on a aussi à offrir aux professionnels locaux. C’est ce qu’on appelle publicity en advertising : on met un coup de projecteur sur ces films-là qui auront peut-être une vie aussi en salle ou en tout cas sur d’autres plateformes. Donc on a un engagement de professionnels auprès d’eux.
Pour gérer ce développement, cette croissance et ces nouvelles ambitions, d’une part, on a décidé d’avoir une entité qui serait neutre parce que c’est en fait une collaboration entre six Alliances Françaises. Ça permettait d’avoir une coopération entre ces six Alliances Françaises et l’Ambassade de France en tant qu’agent, mais de manière indépendante et neutre. Donc, on a une société qui est indépendante, à but non lucratif.
Donc l’idée clairement, c’est de rendre ce festival meilleur, mais pas de faire du profit pour cette nouvelle entité, même si évidemment il y a des enjeux de rentabilité pour les différents stakeholders qui sont là. Et puis, coordonner nationalement parce qu’effectivement chaque Alliance pilote ce festival dans leur ville ou dans leur zone. Mais ils n’ont pas toujours cette vision nationale des enjeux nationaux. Donc il fallait avoir cette vision globale à 360 degrés, prendre un peu de hauteur, cette eagle’s eye view, je dirais, et qu’indépendamment c’était difficile pour une Alliance de piloter.
Et par ailleurs, c’est comme les chevaliers de la table ronde, ils sont tous égaux. Donc il fallait quelqu’un qui puisse coordonner cela de manière neutre, indépendante et avec cette vision globale qu’on n’a pas toujours quand on est à la fois au four et au moulin.
Mais est-ce que ça change votre rôle par rapport aux précédents directeurs artistiques? Est-ce que ça fait que vous faites beaucoup de papiers ?
Très clairement, c’est un rôle de gestion, de gouvernance. Donc effectivement, il y a cette partie de direction artistique que faisait Karine Maurice. Mais moi, je prends toute la gestion en charge, toute la gestion de la société financière, administrative. Donc oui, c’est des contrats à rédiger et à faire valider, c’est de la comptabilité, etcetera. Il y a une partie qui est la partie amusante qui est effectivement la programmation artistique, c’est là où on se fait plaisir. Et puis en espérant que le public se fera encore plus plaisir.
Et puis la partie plus sérieuse.
Voilà, très clairement qui est une partie du management et de coordination du réseau national.
Et votre rôle, c’est pour les trois ans, comme les directrices ou directeurs artistiques précédents.
Voilà, effectivement comme je suis engagé par le Ministère des Affaires Étrangères. Ce sont des missions de deux ans renouvelables. Donc effectivement, là je ne suis finalement pas loin de la fin de mon premier terme de contrat qui est renouvelable pour une durée, vous avez raison, de quatre ans maximums.
Donc vous allez faire trois festivals, peut-être quatre.
Voilà en tout cas je fais celui-là c’est sûr ! J’étais là l’année dernière mais effectivement je prenais mes marques, je commençais à restructurer puisque l’entité elle est opérationnelle depuis un peu plus d’un an. Mais la direction artistique et le visage de l’édition précédente, c’était clairement Karine [Mauris], même si j’ai commencé à me mettre aux manettes. Mais j’avais aussi beaucoup de choses à apprendre.
On m’a recruté sur une expertise, mais ce festival, qui est un très gros festival, c’est à dire qu’en termes d’ampleur.
Le plus grand en dehors de la France.
Voilà, effectivement, il a été conçu de manière très spécifique, assez maline, mais qui est très différent de ce qu’on fait généralement dans le réseau. Donc moi j’ai piloté pas mal de festivals dans d’autres pays à travers le monde, et ça, c’est un animal très particulier que j’ai dû prendre le temps d’apprivoiser bien sûr, et que je continue d’apprendre parce qu’effectivement j’en apprends toujours tous les jours et que c’est un vrai challenge. Mais c’est ça qui est intéressant.
Comme ça, c’est varié. Et vous ne vous ennuyez pas.
Je n’ai pas le temps de m’ennuyer.
Vous avez une expérience très solide dans les médias, la télévision, le multimédia. J’avais vu que vous étiez le Regional Head of Film TV, Radio and New Media pour le Cambodge, Laos, Myanmar, Thaïlande et Vietnam pendant 4 ans et demi. Comment est-ce que ce rôle-là vous a aidé à programmer ce festival ?
Alors effectivement, j’étais l’Attaché audiovisuelle régionale basé au Vietnam. Donc il y a un vrai travail d’Attaché bilatéral, c’est à dire faire ce que j’ai évoqué en coopération, diffusion culturelle, diplomatie économique et coopération, échanges universitaires, etcetera. Donc, ça me permettait de faire des événements au Vietnam.
Alors on avait des salles numérisées au Vietnam et dans d’autres pays, on a ce qu’on appelle des Instituts Français. C’est un peu comme les Alliances Françaises, sauf que les Instituts Français, ce sont des antennes de l’Ambassade de France. Donc, alors que les Alliances Françaises sont des associations de droit local.
Et donc j’avais cette sorte d’animation de salle de programmation et de billetterie hebdomadaire. Ensuite, il y avait des événements qu’on faisait des événements plus petits que celui-là, mais des événements thématiques. Il y avait un vrai travail de programmation que je faisais au Vietnam, mais aussi je coordonnais des opérations régionales avec par exemple des tournées d’artistes qui allaient dans tous les pays que je dirigeais.
Donc, enfin en tout cas que je coordonnais en l’occurrence, le Vietnam, la Thaïlande, la Birmanie, le Laos et le Cambodge, et puis d’autres coopérations avec d’autres pays d’Asie du Sud-Est. J’avais une homologue. C’était aussi beaucoup d’opérations de formation, des scripts là-bas pour des projets de films, des ateliers de coproduction, des tournées.
Alors par exemple, on travaillait avec le Festival Premiers Plans d’Angers. C’est un festival en France, à Angers, qui est spécialisé dans les premiers films. C’était intéressant de faire venir ces jeunes réalisateurs qui avaient fait leur premier film pour expliquer leur travail, pour rencontrer les étudiants locaux dans les écoles de cinéma, parce que tout le monde ne vient pas les voir dans ces pays-là et que voilà, ils échangent.
Alors il lui a dit « Vous savez quoi? Moi, il n’y a pas si longtemps, j’ai été sur les bancs de l’école, comme vous, et c’était mon rêve de faire mon premier film.» Et il partage. Voilà, c’était tout ça. C’est à la fois de la coopération, du rayonnement et ce genre de choses. Donc, en termes de programmation, oui, ça me permettait de trouver différents angles, d’être parfois un peu créatif, d’avoir des initiatives.
Maintenant, ce format-là, on va dire qu’il est quand même assez figé parce qu’il y a beaucoup de partenaires autour de ce projet-là, qu’on a des enjeux, notamment de rentabilité pour nos partenaires, qui fait que l’exercice est quand même assez contraint et que la liberté que je pouvais avoir sur d’autres postes où il y avait moins d’enjeux financiers mais plus des enjeux de rayonnement. C’est un peu plus formaté ici, même si ça reste un festival culturel. Et c’est ce que j’essaye aussi d’insuffler – parce qu’il faut aller vers ça – des coopérations avec les professionnels il faudrait développer.
Avec les écoles, on en parle. J’ai déjà mentionné au moins les programmes d’éducation au cinéma avec les écoles, mais aussi le fait que dans nos films, il y a des thématiques fortes. Et pour moi, le cinéma peut être aussi une plateforme de vulgarisation pour le débat d’idées. Il y a le film, on peut discuter du film et de la création du film, mais aussi du sujet du film. Donc c’est ce qu’on fait, c’est ce qu’on appelle le débat d’idées. Et c’est pour ça que j’encourage le débat d’idées. C’est à dire qu’on a des thématiques fortes, on peut parler du film, mais on peut aussi parler après le film du sujet du film.
Et c’est pour ça que j’incite les Alliances Françaises à organiser après les films des Q&A avec des expertises, des gens qui disent moi je connais très bien ce sujet, je vais en parler. On en parle après le film. Des panels de discussion ou des activités diverses où on s’accapare le sujet du film parce que c’est un sujet de société. On a des sujets historiques cette année. On regarde notre histoire et parfois il n’est pas glorieux. Mais il faut savoir regarder.
Comme le film sur l’histoire de l’île Maurice.
Oui, par exemple. Ni chaînes, ni maitres. Bon, là ce n’est clairement pas [glorieux]. Ça parle d’esclavage, mais il faut savoir regarder son passé. Et puis c’est l’éclairage du passé qui permet d’appréhender le présent et des sujets de société beaucoup plus contemporains. Mais il faut en parler ; ces sujets on traite. On peut aller au-delà du film pour parler et puis l’idée parce que quand on présente un film, on présente le point de vue français.
Et c’est ces à-côtés, cette médiation culturelle qu’on peut apporter dans le cadre du festival permet aussi d’avoir un peu plus ce dialogue interculturel entre la France et l’Australie qui est un jeu de miroir. Et dire « là c’est marrant parce qu’en Australie c’est pareil » ou « c’est marrant parce qu’en Australie c’est totalement différent.» Et cette discussion-là, elle est hyper intéressante et je veux que le festival soit une plateforme de discussion pour ça aussi.
Comme l’année dernière, on a pu comprendre comment marchent les procès criminels en France avec le film Anatomie d’une chute (dehors du festival) et Saint Omer (qui était dans le festival). C’était tellement intéressant de voir ça.
Est-ce que vous trouvez qu’il y a un thème général dans la programmation de cette année?
Il y a des sous thèmes, il n’y a pas de thème général et je ne le souhaite pas. On a 42 films. Et pour moi, s’il y a un thème, c’est justement la diversité, c’est la diversité du cinéma. Donc vraiment, pour moi, c’est une capture d’écran, un snapshot de ce que la France a fait de mieux l’année précédente, dans toute sa créativité, dans toute sa diversité.
Maintenant, quand on va chercher ses films, on se rend compte qu’effectivement il y a des sous thèmes. Ça, par contre, on le met en avant. J’ai très clairement, il se trouve qu’il y a pas mal de biographies cette année. Donc c’est un vrai thème. Moi j’adore ça les biographies. Je trouve ça toujours très intéressant. J’estime qu’on n’a pas besoin de connaître les personnes. Si on les connaît déjà un peu, on apprendra plus. Si on ne les connaît pas – moi, les biopics américains, Harvey Milk, Jimmy Hoffa, je ne les connaissais pas mais ça m’a permis de les découvrir. Et puis j’ai adoré les films parce que ce sont des histoires universelles, de voilà, de luttes, d’espoir, d’accomplissement qui seront toujours inspirants et universels.
J’ai des thématiques très clairement sur le sujet de l’art et de la création, parce que dans les biopics, il y a pas mal d’artistes. Maurice Ravel, Niki Saint Phalle, etcetera. Donc pour moi, c’est une thématique. Il y a une vraie thématique autour de la santé par exemple, que ce soit par exemple la fin de vie avec le film de Costa Gavras qui parle de la fin de vie et qui est un vrai sujet.
On parle du handicap avec My Everything par exemple, et la famille, l’émancipation pour les personnes en situation de handicap et des personnes qui sont concernées, etc. Je trouve ça important de le faire. Par exemple, une grosse thématique autour de la jeunesse, de l’éducation, de l’émancipation, y compris l’émancipation des femmes. Le film, c’est un vrai sujet sur plein d’angles différents.
Donc ces sous-thèmes qu’on met en avant et qui incluent en réalité pas mal de films qui peuvent rentrer, qui peuvent cocher plusieurs cases. C’est difficile aussi parce qu’effectivement, j’ai des thèmes qui sont à la fois une biographie –
Oui, par exemple il y a plusieurs films pour lesquels il est indiqué qu’ils sont les drames et les comédies. Je me demandais mais c’est plutôt lequel ?
Des comédies dramatiques, pour moi, c’est le genre emblématique du cinéma français. Parce que le cinéma français, il est quand même assez ancré dans la réalité. La réalité, elle est complexe, elle est drôle, elle est triste parfois, elle est les deux en même temps. Donc effectivement, pour les histoires qui sont assez ancrées dans la réalité, il y a un peu de ça et je pense que ça donne des films assez forts et c’est aussi ce qui fait notre spécificité. Donc c’est divertissant, mais ce n’est pas que divertissant et ça dit des choses aussi.
Combien de films est ce que vous avez regardé pendant l’année pour choisir ceux qui sont au programme du festival ?
Oh là là au moins le double mais je n’ai pas compté.
Qu’est-ce que vous avez recherché quand vous regardez un film pour décider si vous allez l’inclure ou pas?
Alors c’est un mix de plein de choses effectivement. Comment il a été reçu en France, est-ce qu’il a marché au Box-office? Il y a certains films très clairement ça doit être des événements, des vrais spectacles. Et donc voilà, on cherche à attirer l’attention avec ces films qui sont des highlights, évidemment, je pense à Le Comte de Monte-Cristo, je pense à Monsieur Aznavour qui se font des films grand public, gros budget, qui ont très bien marché en salles. Donc on a besoin de ça pour attirer l’attention.
Ensuite, effectivement, une diversité des genres ne pas avoir que des comédies, avoir une sorte d’équilibre, regarder comme je le disais, les sujets des films. Est-ce que les films parlent de sujets qui me semblent intéressants d’évoquer et qui peuvent résonner avec l’Australie et engager le dialogue? Donc j’essaie d’avoir une sorte de panachage. Voilà un panaché, un équilibre de ce film qui voilà. Et puis après, tout simplement, est ce que le film il est bon? Et ce n’est pas forcément des films que j’aime.
Une autre question que j’avais aussi, c’est ça : est ce qu’il y a des films que vous n’avez pas aimé mais que vous avez programmé (sans dire leurs noms) ? Des films que personnellement, ce n’est pas vraiment pour vous, mais vous avez dit le public va aimer ça.
Effectivement. Alors, on ne fait pas notre plateau repas devant la télé pour soi, on essaie de se mettre à la place du public. Qu’est-ce qu’ils aiment de la France? Est-ce que savoir jouer avec les clichés parfois parce que les gens aiment la gastronomie, les beaux paysages, etc. Justement dire sortir de ces clichés en disant « on va vous montrer autre chose » parce que je pense que c’est important de voir ce visage-là de la France et puis de dire est ce que cette histoire va créer un effet miroir?
Est-ce que ça va bousculer le public local, mais d’une bonne façon? Parce que si c’est pour provoquer, ça ne sert à rien. Ou est-ce que ça va amorcer une discussion? Et de temps en temps de dire est-ce que moi je ne suis peut-être pas le public, mais ça peut intéresser.
Je vais vous donner un exemple. J’ai beaucoup discuté avec une distributrice australienne d’un film que moi j’ai vu à Cannes qui s’appelle Ma vie, Ma gueule (This Life of Mine). Je l’ai vu à Cannes Un certain regard et il avait quand même fait le buzz. C’est un film de Sophie Fillières avec Agnès Jaoui qui est incroyable dans le film. D’abord, je suis très intriguée par le personnage du film. Et puis je dois admettre à un moment donné, je ne comprends pas où ça va. J’ai du mal à comprendre.
Et moi, le film, autant je suis admiratif de la performance d’Agnès Jaoui, autant au bout d’un moment dans le film, ça ne me parle plus. Et pourtant, je discute avec d’autres spectatrices féminines et avec notamment en Australie avec qui on l’a vu. On me dit mais « tu ne comprends pas Frédéric? Ce film parle de moi, d’une femme dans la cinquantaine qui rencontre la ménopause. Les enfants s’en vont. Alors oui, ce n’est pas clairement dit, mais ce qu’elle ressent, ce que je vois à l’écran, je le ressens, ça me parle.» Et moi, je ne traverse pas cette phase de la vie. Donc ça ne me parle pas. Par contre, j’ai entendu et je comprends pourquoi tout le monde en parlait tellement en bien. Et j’ai dit très clairement ce film, il n’est pas pour moi mais justement, c’est pour ça que c’est intéressant.
C’est parce qu’il ne m’a pas parlé que je ne l’ai pas compris, que justement, il faut qu’on le passe. Et que justement on en fasse quelque chose et qu’on en discute. D’où l’intérêt, encore une fois, de ces discussions qui permettent de comprendre, de donner certaines clés que moi je n’avais pas. Et je trouve que c’est important parce que si moi je suis passé à côté alors que c’est un sujet important, et bien il faut qu’on le fasse justement.
S’il y avait seulement des films que vous avez aimés et qui vous ont parlé, ce sera un festival différent.
Tout à fait. À contrario, il y a des films que je n’ai pas sélectionné qui sont des thrillers. Moi, j’étais accroché. J’aime bien les thrillers, mais j’ai senti que ce n’était pas forcément notre public. Donc voilà, ne pas non plus forcer les choses juste parce que ça me fait plaisir à moi, ça n’a aucun intérêt. Je suis là pour faire plaisir au public ou parfois, encore une fois, challenger un peu. Ça fait partie de la mission sans provoquer.
Alors je peux aussi me tromper. Et donc voilà, on se rendra compte. Et puis j’assume le fait que je suis humain et que je peux faire des erreurs de choix et que j’espère que ça va plaire au public. Vraiment, l’idée ce n’est vraiment pas d’aller à contrecourant. Encore une fois, ne pas faire que plaisir et proposer des choses qui peuvent challenger, provoquer, non? Et puis j’espère que ça, comme on dit en français, la mayonnaise va prendre, les ingrédients sont là de temps en temps. C’est une magie, une alchimie qui se fait ou qui ne se fait pas. Et puis j’espère que ça va bien prendre. Mais il peut aussi y avoir des films qui ne trouveront pas leur audience et puis c’est tout. Sur 42 films, je ne peux pas avoir tout bon non plus.
Bien sûr. Karine Mauris avait dit parfois qu’elle avait programmé les choses, qu’elle savait que ce n’était pas pour le grand public, mais il y avait une partie du public qui l’appréciera. Donc ce n’est pas toujours pour être salle comblée.
Non, effectivement, ça ne peut pas être qu’orienté sur le profit, ça un évènement culturel, donc ça doit dire des choses. Il y a très clairement des films pareils. Je ne m’attends pas à ce que le public vienne le voir en masse. Par contre, ceux qui iront le voir, je pense qu’ils trouveront des choses intéressantes sur la culture française, sur la société française, sur plein de sujets qu’on a évoqués. Et puis, c’est aussi la possibilité d’être surpris. Voilà, on fait venir les gens avec des films qui très clairement donnent envie, mais tant qu’ils sont là, on va dire « si ça vous a plu, essayez cela. C’est peut-être moins facile d’accès, mais ça vaut quand même le coup d’essayer.»
C’est une expérience culturelle. Et puis après le public, il a son libre arbitre et son libre choix et il décide. Et on espère évidemment qu’il y aura un public et parfois le public sera plus restreint. Mais ça, c’est totalement assumé parce qu’il faut le faire, il faut que ce soit un événement culturel.
Et est-ce qu’il y a des films dont vous êtes vraiment fier de les avoir eus et programmés par exemple les films qui étaient difficiles à avoir les droits de projection ?
Un film pour moi que je ne pouvais pas avoir, c’était Le Comte de Monte-Cristo. Vraiment, je remercie Palace Films qui a joué le jeu avec moi, parce que le film, il devait sortir plus tard en France. Il est sorti au mois de juin. C’était le film parfait pour Boxing Day. Et puis moi, je ne pouvais pas envisager ne pas avoir ce film-là qui est vraiment un événement en soi. Je ne pouvais pas ne pas l’avoir au festival. Donc on fait une belle opération avec Palace Films. C’est la pièce centrale le « Centerpiece ». On fait une belle opération pour le mettre en avant. Pour moi, c’était un must have et le festival n’aurait pas eu la même saveur si je n’avais pas eu le film. Mais il y avait des enjeux où effectivement, moi je me suis engagé à le mettre en avant ce film-là.
Mais très clairement, c’est aussi une prise de risque de la part du distributeur australien. Et encore une fois, je le remercie d’avoir dit « je comprends, on le fait ensemble.» Alors qu’ils auraient pu le faire sans moi. Et effectivement, c’était un vrai challenge. Et c’est là où la coopération fait que ce festival ne peut être qu’une expérience collective basée sur le dialogue et la coopération. Ça ne marche qu’avec nos partenaires.
Oui, bien sûr. Parce que parfois, il n’y a pas de distributeur australien du film, donc comme ça, c’est beaucoup, beaucoup plus difficile de le diffuser.
Voilà, effectivement, là ces sont des films effectivement, si on ne le voit pas au festival, on ne les verra pas autrement. Donc c’est aussi les choix parfois un peu plus difficiles où je dis ben « voilà, essayer quelque chose parce que vous n’aurez pas l’occasion de le revoir.» D’autres films, effectivement, ils sortiront en salles probablement, mais des films qui ont très clairement un gros potentiel au-delà du festival et d’autres films, ils sortent avec nous parce qu’effectivement, sorti indépendamment, ils seraient peut-être un peu plus confidentiels. Ils ont quand même le potentiel de sortir et on leur souhaite une belle vie après nous. Mais très clairement, on met le pied à l’étrier du film …
Est aussi un petit peu de tâter le terrain. Et si ça a bien marché au festival, ils vont peut-être le faire sortir plus tard.
Oui, effectivement. Et puis il y a des fois il y a des sujets, il y a des films surpris où très clairement, ce n’était pas celui qu’on avait en tête. Et puis tout d’un coup, ça explose. L’année dernière, je trouvais très intéressant, par exemple Taste of Things de Tran Anh Hung. Comme je vous ai dit, j’étais basé au Vietnam, donc Tran Anh Hung je le connais bien. Ces films ne sont pas les plus films les plus faciles d’accès. Ce qui est marrant, c’est que vous lisez tous les livres des masters, des maîtres hollywoodiens, de l’écriture de scénarios Anatomy of a Script, et ce film va contre toutes les règles. Il n’y a pas de climax. Et ça, je trouve ça formidable. Le film a été acclamé par le public. C’était dans le top trois l’année dernière.
Mais d’une part ce côté gastronomie française qui est vraiment intéressant, le côté presque, j’ai envie de dire ASMR. C’était un repos de l’esprit de voir vraiment. C’était une expérience à part en soi, qui va encore une fois contre toutes les règles qu’on a l’habitude d’avoir dans certains films anglo-saxons. Ce n’était pas un choix facile. Il a trouvé son public et je suis ravi parce que c’est formidable d’avoir ça. C’est génial!
Et vous connaissez le réalisateur de votre temps au Vietnam?
Oui, effectivement. Le réalisateur Tran Anh Hung, qui est un réalisateur franco-vietnamien qui faisait ses films en France. Notamment je pense à « L’odeur de la papaye verte ». On a l’impression que ça se passe au Vietnam mais en fait, il a été intégralement tourné dans les studios de Boulogne Billancourt, à côté de Paris. Donc c’est amusant et c’est un grand, grand réalisateur et quelqu’un de formidable en plus dans la vraie vie.
Parlons maintenant du festival de cette année. Quels sont les films incontournables de ce festival?
Incontournables, je ne sais pas. En tout cas, il y a très clairement des highlights. Par exemple, je parlais du film Le Comte de Monte Cristo. C’est un film pour moi qu’on ne peut pas voir sur un petit écran. On le voit sur grand écran. C’est un film épique, c’est une grosse production, belle production value, un très bon film. Sensation à Cannes, il faut le voir sur grand écran comme Monsieur Aznavour. C’est un spectacle très clairement.
Beating Hearts/ Amour Ouf ! C’est un film extrêmement cinématique et cinématographique. Pareil, il faut le voir sur grand écran. Un film que moi j’ai pu le voir à Cannes. On a fait une projection à Cannes avec une standing ovation à la fin. Il marche très bien, ça a très bien marché à Cannes.
Pour moi, c’est En fanfare/ My Brother’s Band. Il faut le voir sur grand écran ou des films qui, à mon avis, vont trouver leur audience parce qu’on a quand même un public, une partie de notre public qui est assez mature. On a un public senior. Alors moi j’ai un film que je voulais vraiment c’est Riviera Revanche/N’avoue jamais. C’est une comédie avec un casting senior un peu provocante, mais qui parle de la vie intime aussi des gens. Moi j’ai trouvé ça très drôle, ça parle à un public plus jeune mais je trouve d’avoir un des films pour ce public là aussi, c’est drôlement bien. Donc c’est très clairement un film qu’il faut aller voir au festival.
Il y a 42 films donc je ne vais pas tous les faire, mais voilà, ça fait partie des films qui, à mon avis, ont quand même un gros potentiel. En tout cas dans le catalogue, on a très clairement une rubrique highlights, donc je vous invite à regarder ça. C’est pour moi des films qu’il faut voir sur grand écran, Même si évidemment, il y en a plein d’autres.
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On remercie Frédéric Alliod pour cette interview et nous avons hâte que l’Alliance Française French Film Festival 2025 commence !
INFOS CLÉS POUR L’ALLIANCE FRANÇAISE FRENCH FILM FESTIVAL 2025 PROGRAMMÉ PAR FRÉDÉRIC ALLIOD
QUOI : L’Alliance Française French Film Festival 2025
OÙ & QUAND :
19/03 – 23/04 – ADELAIDE
06/03 – 08/04 – BRISBANE
06/03 – 02/04 – BALLARAT, VIC
08/03 – 02/04 – BALLINA, NSW
11/03 – 13/03 – BENDIGO, VIC
07/03 – 02/04 – BYRON BAY, NSW
06/03 – 09/04 – CANBERRA
25/03 – 15/04 – GOLD COAST
03/04 – 13/04 – HOBART
05/03 – 09/04 – MELBOURNE
03/04 – 06/04 – MOUNT GAMBIER, SA
13/03 – 16/04 – PERTH
26/03 – 31/03 – RENMARK, SA
04/03 – 09/04 – SYDNEY
02/04 – 09/04 – VICTOR HARBOR, SA
04/03 – 06/04 – PARRAMATTA, NSW
10/04 – 13/04 – BUNBURY, WA
12/04 – 21/04 – WARRAWONG, NSW
COMMENT: Vous pouvez regarder les films, les séances et les évènements spéciaux pour votre ville en cliquant sur le nom de votre ville dans la liste ci-dessus.
COMBIEN: Le prix de billets varie par ville donc regarder la page qui corresponde à votre ville.
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